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INSPIRATION DE L’ECRITURE


déposer tout fait, au moins quant aux pensées, dans l’esprit de l’auteur inspiré, ou du moins à des équivoques qu’on retrouve dans plusieurs auteurs. »

M. Dick proposa une « meilleure méthode ». Elle consisterait à amasser tous les faits qui rendent difficile à comprendre, à première vue du moins, que Dieu fût l’auteur de la Bible. La question à résoudre est une question de fait : Comment a-i-il plu à Dieu d’inspirer la Bible ? » et non une question de possibilité : Comment a-t-il pu le faire ? On ne peut dire a priori comment il l’a fait. Pour connaître ce comment, il faut examiner les Livres inspirés sous toutes les faces, voir comment ils sont et ce qu’ils sont, avant de savoir comment ils ont été inspirés. H est donc nécessaire d’étudier leur contenu, les procédés et les méthodes suivant lesquels les auteurs les ont écrits, le but qu’ils se proposaient. De tous ces faits étudiés, rapprochés les uns des autres, on pourra conclure : Voilà comment ils sont inspirés ; voilà ce qu’est l’inspiration. L’inspiration des Livres saints, dans la Revue biblique, octobre 1896, p. 488. C’est la méthode a posteriori, opposée à toute méthode a priori, la méthode exégétique et critique opposée à la méthode théologique et philosophique.

Le P. Lagrange repoussa avec quoique raison la méthode proposée. On ne peut faire dépendre les principes de la foi et de la théologie d’une étude critique dont nul ne peut prévoir le terme. Il faudrait assurer d’abord la pureté des textes bibliques, la critique littéraire devrait suivre la critique textuelle, avant d’édifier une histoire d’Israël et du christianisme primitif. Le dogme de l’inspiration paraîtrait enfin comme une expression de la foi des juifs et des premiers chrétiens. Mais c’est supposer que, sur l’inspiration, nous n’avons qu’une source d’information : les livres inspirés eux-mêmes. Or, l’Église est le seul interprète infaillible de l’Écriture ; sa tradition contient d’utiles renseignements sur l’inspiration des Livres saints ; ses théologiens ont étudié ce dogme. Nous avons à tenir compte de tous ces renseignements pour faire l’analyse philosophique de la notion d’inspiration scripluraire. L’inspiration et les exigences de la critique, ibid., p. 497498. Le P. Lagrange trouvait même « la réaction contre Franzelin légèrement exagérée ». Ibid., p. 499. Il l’avait pourtant provoquée, en excluant toute révélation de la notion d’inspiration. Revue biblique, 1895, p. 149-150. Il ne voulait pas dissocier l’une de l’autre les notions d’inspiration et de révélation qui sont connexes.

Plus tard, le P. Prat trouvait, lui aussi, des désavantages à partir de la formule : Deus est auctor Scripturæ pour établir la nature de l’inspiration. Cette formule était, à ses yeux : 1° équivoque. Auteur, en français, n’est pas équivalent du latin auctor, qui a le sens classique et judiciaire de cause ou de garant. Le terme français signifie écrivain. En traduisant Deus auctor par Dieu auteur, on ôte au mot auctor son indétermination, un peu aux dépens de l’exactitude ; 2° la théorie qui en part, fait reposer une thèse capitale sur un sens figuré du mot auctor ; 3° elle ne s’établit pas sans quelques artifices, comme celui de négliger, dans les textes des conciles, le mot principal (à savoir, e mot unum auctorem utriusque Testamenti, qu’on lit dans tous les documents conciliaires depuis le IV’= concile de Carthage, et qu’il faut suppléer ( ?) dans la définition du concile du Vatican). C’est pourquoi le Père Prat préférerait la formule : Scriplura est verbum Dei, pour les raisons suivantes : 1° Elle ressort si clairement de l’Écriture et de la tradition que la démonstration en est presque superflue ; 2° elle a l’avantage de ramener à une même notion toute inspiration, soit écrite, soit orale ; 3° elle a pour corollaire immédiat la garantie divine, par conséquent la causalité de la

parole divine, et son aptitude à servir de norme ; 40 elle se passe de figures, puisque Dieu parle, enseigne, instruit, ordonne, au sens propre, dans l’Écriture, par l’organe de son ambassadeur. Récentes publications exégétiques, dans les Études, 20 mai 1903, t. xcv, p. 556-558. Cf. Les historiens inspirés et leurs sources, ibid., 20 février 1901, t. lxxxvi, p. 498-499. Le P. Félix Pignataro réfuta solidement l’opinion du P. Prat, dans une note qu’il ajouta à l’Apparatus ad historiam coœvam doc.trinse inspirationis pênes catholicos, p. 129-132, au sujet de la définition du concile du Vatican. Il montra que ce concile n’avait pas visé les manichéens, qu’il avait pris le mot auctor dans le sens d’écrivain, voir col. 2155 sq. et que ce mot a ce sens dans les classiques latins et qu’il l’a toujours eu dans la littérature ecclésiastique, quand il était appliqué à la composition des Livres saints.

Le P. Bainvel a fait justement remarquer que l’Éôriture n’est la parole de Dieu que parce qu’elle a été inspirée par Dieu. Si la parole de Dieu précède l’inspiration dans l’ordre de l’intention, elle ne la précède pas dans l’ordre de l’exécution. Il faut donc expliquer par l’inspiration la notion de parole de Dieu, et non pas l’inspiration par la notion de la parole de Dieu. De Scriptura sacra, p. 119-120.

Les trois formules proposées sont traditionnelles et peuvent servir de point de départ à une analyse théologique de la notion d’inspiration. Mais aucune d’elles ne suffit, à elle seule, à fournir la base d’une analyse adéquate de cette notion. Il faut tenir compte des enseignements de la tradition et de la théologie catholique, et surtout des décisions officielles de l’Église, qui indiquent dans quel sens on a toujours entendu l’inspiration des Livres saints et qui ont plus de poids, que les déductions qu’un théologien pourrait tirer d’une unique formule de la tradition cathohquc.

2. Nouvelles explications proposées.

a) M. Levesque a ramené le mode d’action de l’Esprit inspirateur à trois opérations essentielles : une impulsion donnée à la volonté, un secours guidant l’intelligence, une influence sur la rédaction par une assistance continue de telle sorte que Dieu, auteur principal des Écritures, a fait concevoir, vouloir et exécuter ce qu’il veut à l’écrivain inspiré. C’est par impulsion intérieure et efficace de la grâce que les écrivains sacrés se mettent à composer leurs livres. Ainsi, Dieu les fait vouloir. L’action divine sur l’intelligence de l’écrivain sacré n’est jamais une révélation, voir Revue biblique, avril 1895, p. 421-422 ; c’est une direction de l’intelligence qui se porte sur les vérités et les faits connus naturellement ou reçus par révélation antérieure pour ne choisir et ne transmettre que ce que Dieu veut. Sous cette direc’iou, l’intelligence s’exerce activement ; elle porte son attention sur ks vérités et les faits connus naturellement ou surnaturellement ; elle les combine et les groupe de façon à atteindre le but, voulu à la fois par Dieu et par l’écrivain. Ainsi son jeu naturel et celui de toutes les facultés executives sont mus et dirigés par Dieu. L’écrivain est donc un instrument intelligent et libre, qui recueille ses souvenirs, consulte des sources, écrites peut-être, dispose ses matériaux, les coordonne d’après un plan qu’il s’est formé et qui lui est tout indiqué par son but. Il écrit ce que Dieu veut qu’il écrive et rien que cela. L’écrivain sacré n’est pas laissé à lui-même pour la rédaction du livre. Si Dieu ne lui dicte pas les mots, il y a comme une sorte de dictée des choses par Dieu, mais l’expression, le style, la disposition des détails sont l’œuvre de’l’écrivain. Le verbum formate, la vérité, vient entièrement de Dieu ; le verbum materiale, l’expression, est laissé à l’initiative du secrétaire, mais à une initiative surveillée par Dieu, qui assiste l’écrivain’et veille à ce qu’il ne dénature pas sa pensée et ne