Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 7.2.djvu/456

Cette page n’a pas encore été corrigée
2161
2162
INSPIRATION DE L’ECRITURE


que, toujours et partout, il choisît une forme bien appropriée et convenable à la parole divine, ' sans que pourtant elle fût la plus belle et la plus parfaite.

Dans l’encyclique Providenlissimus Deus sur les Écritures, du 18 novembre 1893, le souverain pontife Léon XIII, après avoir cité la déclaration du concile du Vatican, conclut, du fait que le Saint-Esprit est l’auteur principal de l'Écriture, qu’on ne pouvait prétendre que les écrivains sacrés, ses instruments, auraient pu commettre des erreurs. La conclusion était fondée sur la notion de l’inspiration de ces écrivains eux-mêmes, « car, disait-il. Dieu les a tellement excités et mus par sa vertu surnaturelle à écrire et il les a tellement assistés, quand ils écrivaient, qu’ils ont d’abord conçu dans leur esprit, puis fidèlement voulu rendre, enfin exprimé exactement et avec une infaillible vérité, tout ce que Dieu leur ordonnait d'écrire, ni plus ni moins ; autrement il ne serait pas lui-même l’auteur de la sainte Écriture. » Traduction de M. Didiot, Traité des saintes Ecritures, Paris, Lille,

1894, p. 130. Pour le texte, voir Denzinger-Bannwart, Encliiridion, 13e édit., 1921, p. 1952 ; Cavallera, Thésaurus doctrinsE catholicse, Paris, 1920, n. 90. Cette analyse, de la notion de l’inspiration ne part pas directement de la formule du concile du S’atican : « Dieu auteur des Livres saints » ; elle aboutit seulement à cette conséquence qyC autrement Dieu ne serait pas leur auteur. Si elle n’a pas été empruntée au Père Cornely, elle expose les mêmes actes divins sur les écrivains sacrés, bien qu’ils soient un peu diversement ordonnés : une excitation et une motion à écrire et une assistance spéciale qui fait concevoir aux écrivains sacrés tout le contenu des Écritures et le leur fait exprimer exactement et avec une infaillible vérité.

Cette explication de la nature de l’inspiration était destinée à une fortune considérable. Les commentateurs de l’encyclique ne pouvaient manquer de faire ressortir les mêmes éléments de l’inspiration. Le chanoine Jules Didiot les a considérés en Dieu, inspirateur des écrivains sacrés et auteur principal des Livres saints, dans les écrivains inspirés eux-mêmes, auteurs secondaires des mêmes livres. L’action de Dieu a été une excitation et une motion à écrire, puis une assistance qui donne aux hagiographes la conception juste de tout ce qu’ils doivent écrire, la volonté de l'écrire fidèlement et la faculté d’exprimer exactement et infailliblement toute la pensée divine. A l’excitation divine correspond la conception humaine, à la motion divine la volonté humaine et à l’assistance la rédaction humaine. Le rôle propre à chacun des auteurs de l'Écriture est ainsi fixé, et il n’y a pas essentiellement place pour la révélation, qui ne peut se produire qu’accidentellement. Op. cit., p. 175-179.

M. Vacant, qui commentait les décisions du concile du Vatican, a bien vu que, sur la notion de l’inspiration des Écritures, l’encyclique Prouidentissimus Deus les avait complétées et précisées. Aussi est-ce à cette encyclique qu’il emprunte la notion de l’inspiration. Il y reconnaît, après Léon XIII, de la part de Dieu, une motion prévenante (exciiavit) et concomitante (movit), qui a poussé les hagiographes à écrire, puis une assistance qui les empêche de rien ajouter ou retrancher à ce que Dieu a voulu leur faire écrire, de façon à produire infailliblement un livre d’origine divine et humaine à la fois. Études théologiques sur les constitutions du concile du Vatican, Paris, Lyon,

1895, t. I, p. 458-460. Puis, après avoir exposé les erreurs condamnées par le concile de 1870, p. 460464, il expose, d’après le concile et le souverain pontife, comment Dieu est l’auteur des Livres saints pour les avoir fait écrire, p. 464-468. Il voit dans l’excitation et la motion surnaturelles le caractère principal et distinct de l’inspiration, celui dont les autres déri vent. Par elles l’inspiration se distingue des autres secours surnaturels, qui l’accompagnent, mais peuvent s’en séparer comme sont la révélation et l’assistance. Elles ont pour objectif la volonté de l'écrivain qui l’ait agir directement sa main. Mais cette impulsion divine ne s’arrête pas à la volonté, dont les déterminations ne vont jamais sans un objet fourni par l’entendement. Il faut donc que les données que Dieu veut faire entrer dans un livre, soient présentes à l’intelligence de l'écrivain. Aussi, pour mettre la volonté en exercice, Dieu donne dans l’intelligence la pensée du livre et de son contenu. L’excitation de ces pensées est la préparation et le commencement indispensable de l’impulsion à écrire. La résolution devient efficace par l’action de l'écrivain, mais cette action pour la composition du livre se fait par suite de l’impulsion divine. Celle-ci produit donc un triple effet : elle suggère à l’intelligence la pensée du livre et des vérités à y consigner ; elle détermine la volonté à écrire ce livre et à y consigner toutes les vérités présentées par Dieu à l’intelligence ; elle fait enfin composer le livre de façon que l'écrivain exprime avec justesse tout ce que Dieu a voulu lui faire écrire. Cette assistance divine dans la composition n’empêche pas seulement l'écrivain sacré de se servir de termes impropres ou d’altérer la pensée divine ; elle fait écrire fidèlement tout ce que Dieu veut faire écrire. Son effet est donc à la fois positif et négatif.

3° Critique de l’analyse de la formule conciliaire et nouvelles explications de V inspiration. — Cependant, quelques années après l’encyclique Providenlissimus Deus, on mit en question la justesse de la méthode de Franzelin. Les exégètes en commencèrent la critique ; les théologiens thomistes la complétèrent et proposèrent de nouvelles explications.

1. Critique des exégètes.

M. Levesque pensait « qu’il ne serait pas inutile de remettre à l'étude la nature même de l’inspiration » et d' « aiguiller les recherches dans une voie nouvelle ». Car « on vit plus ou moins sur la théorie du cardinal Franzelin », qui confond secrètement l’inspiration et la révélation. Essai sur la nature de l’inspiration des Livres saints, dans la Revue des facultés catholiques de l’Ouest, décembre 1895, p. 405, 406. M. Levesque refuse donc de faire de la révélation une partie constitutive de l’inspiration. Bien qu’elle précède ou accompagne quelquefois l’inspiration, elle n’est qu’un secours distinct, qui n’entre pas dans la notion de l’inspiration. Revue biblique, avril 1897, p. 926. Le P. Lagrange fit, d’un autre biais, la même critique. Vu la difficulté de comprendre comment Dieu est l’auteur de quelques livres de la Bible, qui ont f apparence d'être des livres écrits par les hommes, il faut concilier les exégètes qui constatent ces faits avec les théologiens, qui affirment, avec les conciles de Florence, de Trente et du Vatican, que Dieu est l’auteur des Livres saints, parce qu’ils ont été écrits sous l’inspiration du Saint-Esprit. « Il résulte clairement de ce processus que f inspiration ne doit pas être expliquée par la formule : Dieu est l’auteur des Livres saints, mais au contraire que la formule « Dieu est l’auteur des Livres saints » repose sur la vérité de cette autre : les livres canoniques ont été écrits sous l’inspiration de l’Esprit Saint. La notion de l’inspiration devra donc être examinée en ellemême ; mais elle devra cependant être conçue de manière à renfermer cette conséquence : Dieu est l’auteur de ces livres. Cette formule étant rigoureusement vraie, quoiqu’elle ne doive pas nous servir de point de départ, elle devra nécessairement se trouver implicitement dans la notion de l’inspiration. » L’inspiration des Livres saints, dans la Revue biblique, avril 1896, p. 206. La méthode de Franzelin aboutit à cette idée : « Dieu composant son livre pour le