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INSPIRATION DE L’ECRITURE


une coiifirnialioii siibscqucnle du contenu du livre ; mais les deux derniers actes ne sufnraient pas, à eux seuls, car l’inspiration exige toujours une lumière surnaturelle, même si aucune nouvelle révélation n’intervient, et une impulsion surnaturelle à écrire. Ainsi en a-t-il été pour les livres sacrés et canoniques, qui, écrits sous l’inspiration du Saint-Esprit, ont eu Dieu pour auteur. Tout dans l'Écriture est inspiré. La seule discussion possible est de savoir si tous les mots ont été écrits par une impulsion spéciale du Saint Esprit. Parfois cependant il se peut qu’une lumière nouvelle n’ait pas été communiquée par l’Esprit Saint à l'écrivain sacré ; il faut toujours au moins que celui-ci ait reçu l’impulsion divine à écrire et que Dieu l’ait assisté, tandis qu’il écrivait, pour l’empêcher d’errer. Cette impulsion à écrire doit enfin êlre une motion spéciale, à laquelle s’ajoute au moins l’assistance divine. De inspiralione, dans Sclmeemann, op. cil., p. 473 sq. On le voit, le P. Kleutgen complétait, en la corrigeant, l’opinion de Bonfrère et développait celle de Lessius.

François Schmjd consacra un ouvrage spécial : De inspirationis Bihliorum vi et ratione, Brixen, 1885, à l'étude de l’inspiration biblique. Le 1. II traite du concept de l’inspiration. Pour que Dieu soit l’auteur d’un livre, il faut de sa part une influence positive sur l'écrivain, telle que celui-ci veuille écrire ce que Dieu veut lui faire écrire et conçoive lui-même ce que Dieu a conçu de lui faire écrire. Écrire un livre, c’est mettre par écrit ses pensées pour les faire connaître aux lecteurs. Si donc Dieu lui-même ne déterminait pas tout ce qu’il veut faire écrire et communiquer aux lecteurs, il ne serait pas l’auteur du livre, rédigé par l’hagiographe. Il détermine ce contenu en le faisant concevoir à l’hagiographe. L’impulsion divine à écrire doit aussi déterminer la volonté de l'écrivain à écrire au nom de Dieu, dont il est l’instrument, sans aliénation des sens ni suspension de la liberté, mais au contraire avec usage de la raison. Cette impulsion agit, par l’intermédiaire de la volonté sur les forces d’exécution, qui suivent leur cours naturel. Quant à l'élocution, il n’est besoin qne de l’assistance divine pour que les mots, choisis par l'écrivain, rendent exactement la pensée divine. L’inspiration verbale n’appartient donc pas à l'élément formel de la parole de Dieu, quoique les mots eux-mêmes soient de Dieu, d’une certaine manière. Ainsi Schmid joint à la notion du livre inspiré, qu’il développe comme Franzelin, celle de l’auteur inspiré, dont il décrit la psychologie.

L’année suivante, 1886, Dom Crcts, prémontré, soutint à Louvain une thèse : De divina Bibliorum inspiralione disserlatio dogmatica. Pour exposer la raison propre de l’inspiration, le candidat analyse, lui aussi, la formule : Deus est auctor librorum sacræ ScripturiL', sect. III, p. 127-167. Qu’est-ce qui est requis et qu’est-ce qui est suffisant pour que Dieu soit l’auteur d’un livre, rédigé par un homme, qui lui sert d’instrument ? Pour l'élément formel du livre, il faut que l'écrivain ait reçu une influence divine, par laquelle il conçoive dans son esprit l’idée d'écrire et soit poussé infailliblement dans sa volonté à rédiger tout ce que le Saint-Esprit veut lui faire consigner par écrit pour l’instruction des autres hommes, et rien que cela. Il faut encore une assistance et une certaine onction du Saint-Esprit, qui préserve l'écrivain de toute erreur. En vertu de cette assistance, l’hagiographe choisit les mots aptes à exprimer les pensées que le Saint-Esprit veut lui faire exprimer. L’influx divin sur l’intelligence des écrivains sacrés peut, dans certains cas, avoir pour effet de révéler ou de rappeler à la mémoire ce qui doit être écrit. Mais si l’hagiographe sait de science propre ce que le Saint-Esprit veut lui faire écrire, il suffit alors, mais il est nécessaire, que Dieu

indique par une lumière surnaturelle ce qui doit être écrit et qu’il pousse l'écrivain à l'écrire en lui faisant juger, par un jugement pratique, qu’il doit l'écrire et n'écrire que cela. Le Saint-Esprit peut aussi pousser l’hagiographe à recliercher dans les sources historiques ce qu’il doit écrire, en l'éclairant sur l’usage qu’il doit en faire et sur le choix des vérités que celles-ci contiennent. Une motion divine à écrire a dû précéder l’influx divin sur l’intelligence de l’hagio graphe et elle persévère efficacement tant que dure la rédaction du livre. Les facultés naturelles de l'écrivain restent normalement en jeu, mais elles sont élevées par Dieu en vue de leur faire exécuter convenablement leur acte propre. Le livre ainsi composé est vraiment un livre d’origine divine, qui contient la parole de Dieu et qui jouit de l’autorité divine. Enfin, l’inspiration verbale, ou la dictée des mots, n’est pas nécessaire. Il suffit que le Saint-Esprit ait influé sur le choix des mots de façon à ce que sa pensée soit bien rendue.

Cette manière d’expliquer l’inspiration était reproduite dans tous les manuels de théologie et d’introduction biblique. Elle semblait définitivement établie dans les écoles catholiques, lorsqu’elle céda la place à une nouvelle explication de la nature de l’inspiration

2° Nouvelle explication, adoptée par Léon XIII dans Vencyclique Providentissimus Deus. — En 1891, le P. Cornely, jésuite allemand, professeur au Collège romain, ajouta à son Compendium introductionis, et publia à part une courte dissertation De divina S. Scripturarum inspiralione, qui a été aussi traduite en français, dans son Manuel d’introduction historique et critique à toutes les saintes Écritures, Paris, s. d. (1907), t. II, p. 489-494. Après avoir rappelé les définitions des conciles, et notamment celle du concile du Vatican, puis les preuves de l’inspiration des Livres saints, voulant donner la notion positive de cette inspiration, il dit, n. 4 : « Puisque, selon les témoignages de l'Écriture et de la tradition, nos livres sacrés ont Dieu pour auteur et que cependant ils ont été écrits par des hommes sous l’inspiration de l’Esprit Saint, ces trois choses semblent être produites à leur origine : par une illumination surnaturelle. Dieu avait fait que l'écrivain embrassât, pour l'écrire, tout le sujet que Dieu voulait transmettre aux hommes par tel livre déterminé ; ensuite, par sa grâce efficace, il a mis en mouvement la volonté de l'écrivain, pour qu’il la consignât par écrit ; enfin, par sa continuelle assistance, il a dirigé l'écrivain, de telle sorte qu’il revêtit d’une forme propre à en exprimer pleinement le sens, toutes les vérités et les seules vérités que Dieu voulait faire consigner dans ce livre ». Il n’admettait pas toutefois la suggestion divine de chaque mot, de chaque expression, à l'écrivain sacré, il reconnaissait seulement l’inspiration verbale dans quelques cas, « par exemple, lorsque Dieu a révélé, pour la première fois, un mystère proprement dit, ou lorsqu’il a voulu qu’une vérité fût désignée par tel mot particulier(par exemple, celui de Aoyoç, Verbe), ou par telle forme du mot (Gal., IV, IG). »

Dans cette analyse de la notion de Dieu, auteur principal des Livres saints, le P. Cornely abandonnait la distinction de Franzelin entre l'élément formel et l'élément matériel d’un livre, et il aimait mieux a conserver l’ancienne manière de parler. » Ainsi, il étendait l’illumination divine de l’esprit et la motion de la volonté à tous les faits et à toutes les idées des Livres saints ; mais pour leur forme extérieure, il n’exigeait que l’assistance efficace de Dieu pour veiller non seulement à ce que l'écrivain ne mêlât aucune idée étrangère à celles qu’il devait transmettre, qu’il n’en omît aucune, qu’il n’en exprimât aucune d’une manière plus ou moins erronée, mais aussi pour le diriger afin

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