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INSPIRATION DE L’ECRITURE


Le jésuite Ferdinand de Escalante disait aussi que Dieu n’avait pas révélé à certains écrivains sacres ce qu’ils avaient à écrire ; il les avait seulement excités par une impulsion et un instinct divins à écrire dans leur langue personnelle ce qu’ils avaient vii, lii, entendu et connu par révélation. Il le prouve par ce que saint Jérôme dit de Marc et de Luc, par la préface de l’Ecclésiastique et par le témoignage du II<= livre des Macchabées. Il y joint quelques raisonnements. Dieu, conclut-il, n’a rien révélé à ces écrivains, qui ont sué à publier leurs ouvrages S’ils n’ont pas connu par révélation divine le sujet qu’ils traitaient, à plus forte raison n’ont-ils pas reçu les mots dont ils se sont servis. La révélation des mots par suggestion intérieure n’a eu lieu que quand il y a eu révélation immédiate de la matière. Si Dieu a daigne communiquer des mystères divins à quelqu’un, il ne lui a cependant pas fourni les mots pour les dire. Dans le cas où un écrivain est excité par un instinct divin à écrire ce qu’il a vii, entendu ou lii, le Saint-Esprit l’a assisté tandis qu’il écrivait, pour l’empêcher de commettre quoique erreur. Clypeus concionatonim, t. I, c. iv, cité par R Simon, Noiwelles observations sur le texte et les versions du Nouveau Testament, part. I, c. m.

Richard Simon, qui n’était pas théologien, a admis l’inspiration de la Bible et l’a démontrée à plusieurs reprises. Il a réfuté Grotius, Spinoza et Jean Leclerc ; mais sur la nature de l’inspiration, il a adopté l’opinion de Lessius, sauf sa 3 « proposition. Voir Histoire critique du texte du Nouveau Testament, Rotterdam, 1689, c. xviii, p. 278-287 ; Nouvelles observations sur le texte et les versions du Nouveau Testament, Paris, 1695, part. I, c. iii, iv, p. 33-91 ; Lettres choisies, Paris, 1703, t. III, p. 323-337 ; Critique de la bibliothèque des auteurs ecclésiastiques, t. II, c. x, Paris, 1730, t. iii, p. 173-180. Finalement, R. Simon, comme Lessius, n’admettait la révélation immédiate que pour les prophètes à l’égard des choses et des mots. Les autres écrivains inspirés n’ont reçu du Saint-Esprit qu’une direction spéciale, par laquelle cet Esprit les excitait seulement à écrire ce qu’ils savaient déjà, l’ayant appris d’ailleurs ou l’ayant connu par leurs propres lumières. Il les assistait et les dirigeait de telle manière qu’ils ne choisissent rien que de conforme à la vérité et à la fin pour laquelle les Livres saints devaient être composés, à savoir, pour nous édifier dans la foi et la charité. Cette inspiration peut aussi avoir lieu au regard des mots, sur le choix desquels s’étendent l’assistance et la direction divines. Elle est immédiate, non par rapport aux choses, mais à l’égard des auteurs, « qu’elle meut, assiste et dirige dans l’usage et dans l’arrangement des idées et des connaissances » qu’ils ont déjà. Ce qui est écrit par cette inspiration est vraiment divin, et l’on doit reconnaître que le Saint-Esprit en est l’auteur, car ce qui s’y trouve d’humain est revêtu de la direction spéciale du Saint-Esprit, Pour que Dieu soit l’auteur de toute l’Écriture, pour qu’elle soit sa parole, il suffit « qu’il ait excité les écrivains sacrés à écrire, et qu’il les ait toujours assistés, ou par une révélation immédiate, ou par une simple direction et assistance spéciale. » Nouvelles observations, etc., p. 35-36.

Un autre jésuite, Jacques Bonfrère, introduisit une distinction nouvelle pour expliquer comment le Saint-Esprit, auteur principal de l’Écriture, a communiqué aux hagiographes, qui lui servaient de scribes, ce qu’il voulait leur faire écrire. Or, le Saint-Esprit a pu agir sur des écrivains de trois manières seulement : antccedentcr, concomitanter et consequentcr. Anlecedenter se habet Spiritus Sanctus, cun inspirât, révélât, demonsirut quæ dicenda scribendave sint, ita ut de suo marteve proprid nihil addat scriptor, sed ea dumtaxat scribat quæ a Spirila Sancto inspirata revelataque sunt, ad

eum modum quo discipulus magistro dictante excipit quæ ab eo proferuntur. Cette révélation peut se faire de trois façons : ou par une révélation Imaginative ou intellectuelle durant l’extase, ou bien par une allocution ou une vision sensible et externe, ou enfin par une inspiration intérieure à l’état de veille, pourvu toutefois que les écrivains comprennent par une lumière surnaturelle qu’ils sont mus par Dieu et disent les paroles de Dieu. Les prophètes reçurent cette révélation qui a précédé leur rédaction.

Concomitanter sese habet Spiritus Sanctus cum ad modum dictant is et inspirant is se habet, sed ad eum modum quo quis alterum scribentem oculo dirigeret ne in re quapiam erraret. L’Esprit Saint peut donner à l’écrivain inspiré cette direction, cum enim præscial quid ille scripturus sit, ita ei adstetut sicubi videret eum erraturum, inspiratione sua illi esset ad/uturus Le Saint-Esprit semble avoir inspiré ainsi les rédacteurs des livres historiques, qui rapportaient ce que d’autres avaient dit et fait, ce qu’ils avaient vu eux-mêmes ou entendu dire par des hommes dignes de foi. Ainsi en fut-il des auteurs des Évangiles, des Actes des Apôtres, des livres des Macchabées, et des autres livres historiques, à moins que l’ancienneté du temps, ou l’éloignement des lieux, ou l’ignorance de ce qu’il fallait dire n’exigeassent une révélation, comme ce fut le cas de Moïse pour rédiger la Genèse.

Dans ces deux modes, la liberté des écrivains sacrés est sauvegardée, quoique par des moyens différents, que Dieu a à sa disposition II y a aussi différence dans le labeur exigé des écrivains : dans le premier cas, un peu d’attention suffit à reproduire exactement la révélation reçue. Bonfrère note toutefois que, dans le second cas, l’écrivain a reçu, au début de son travail, une certaine inspiration générale à écrire telle histoire ou telles sentences morales ou autre chose, et que cette inspiration a été presque intérieure et occulte. Une nouvelle révélation peut s’y joindre, si l’écrivain doit écrire quelque chose qu’il ne connaît pas. Enfin, l’Esprit Saint intervient chaque fois que cela est nécessaire pour exciter l’attention, empêcher la négligence et écarter l’erreur.

Consequentcr se habere posset Spiritus Sanctus, si quid humano spiritu ahsque Spiritus Sancti ope, directione, assistentia, a quopiam scriptore esset conscriptum, postea tamen Spiritus Sanctus testaretur omnia quæ in eo scripta essent vera esse. Cet écrit serait alors tout entier la parole de Dieu et aurait la même autorité infaillible qu’il aurait eue s’il avait été inspiré de l’une ou de l’autre des manières précédentes. Ce mode d’inspiration n’a pas été employé par le Saint-Esprit ; mais, absolument parlant, rien n’empêche qu’il n’ait pu être employé, et même qu’il ne l’ait été dans ces Écritures inspirées, qui ont existé, mais qui sont maintenant perdues. Præloquia in sacrant Scripturam, c. VIII, dans le Cursus completus Scripluræ sacrée de Mignet. i, col. 109-110.

La distinction des trois modes d’agir du Saint-Esprit, faite par Bonfrère, a été acceptée par le P. Antoine de Ezcobar, en vue d’expliquer la différence d’élégance de style qu’il constatait dans les Livres saints. Dans les passages, où le Saint-Esprit se habet concomitanter, c’est-à-dire dans presque tous les livres historiques, dans lesquels il ne dictait et n’inspirait pas les mots, il laissait aux écrivains sacrés le soin de former leur diction. Mais dans les passages, où le Saint-Esprit anlecedenter se habet et dans lesquels il a révélé les choses et inspiré les mots, l’inégalité du style, qui existe dans les livres prophétiques, ne peut s’expliquer qmparce que tout en dictant les mots aux prophètes, le Saint-Esprit s’accommodait à leur style et à leur manière de dire et d’écrire. De sacrae Scripturæ stylo et obscuritate, c. i, iv.