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INSPIRATION DE L’ECRITURE


Sancti et continua directione, ut passent ea exprimere sicuti ipsis erant revelala ; non lamen egebant una nova revelatione, quasi iterum deberct illis revclari quod jam anle rcvelatume : at, sicut objiciunt. C’est ce qu’il avait voulu dire dans son Apologie. Quant aux choses que les écrivains sacrés connaissaient déjà, ils n’ont pas eu besoin d’une nouvelle révélation ; leur connaissance antérieure leur suffisait avec l’assistance infaillible du Saint-Esprit, tandis qu’ils écrivaient, et son excitation à écrire et en même temps une direction pour qu’ils ne se trompent nulle part. Il n'était pas non plus besoin que le Saint-Esprit inspire chaque mot à leur esprit ; mais comme ils avaient été excités à écrire ce qu’ils connaissaient, cette excitation les portait aussi à se servir des mots par lesquels ils les concevaient par industrie humaine, sous cette excitation. Par suite, les mots n'étaient pas formés dans leur esprit de cette manière nouvelle dont ils étaient formés dans l’esprit des prophètes, tandis que Dieu leur parlait intérieurement et leur révélait des choses obscures. Dieu cependant les dirigeait en chaque chose, pour qu’ils n'écrivissent pas d’autres choses ou autrement que ce qu’ils avaient vii, mais cela se faisait sans révélation ou nouveau mode de connaissance. On voit aussi comment l’auteur du II « livre des Macchabées a pu lui-même être dit le calame du Saint-Esprit et comment il a pu ne l'être pas dit. Toutes les autres objections de VAnlapologie peuvent être résolues de la même manière.

Lessius fait observer toutefois que, dans les deux premières propositions, il n’a pas dit autre chose, sinon que, adrationem Scripturx sacrée, il n'était pas nécessaire que tous les mots matériels fussent inspirés par le Saint-Esprit, ni que chacune des pensées fût inspirée, c’est-à-dire révélée de façon que l'écrivain la connût d’une manière nouvelle. La notion d'Écriture sainte n’inclut pas intrinsèquement que tous les mots matériels soient dictés par le Saint-Esprit. Cette dictée n’a été qu’un accident, pour l’ornement de l'Écriture. D’ailleurs, si les exemplaires hébreux et grecs avaient disparu, l'Église n’aurait plus l'Écriture sainte. Bien plus, l'Église latine ne la posséderait plus, de fait, car la version latine ne serait plus l'Écriture sainte. La conséquence serait absurde. L’essentiel de l'Écriture est dans la pensée, en quelque langue qu’elle soit exprimée cela lui confère l’autorité immédiate et infaillible de la vérité première. Lessius ncdit pas que quelques paroles ou quelques sentences n’aient pas été inspirées de la sorte, quoiqu’il pense, pour les raisons données dans son Apologie, que cela ne soit pas nécessaire, surtout parce que l’auteur du II « livre des Macchabées, et non pas le Saint-Esprit, s’excuse de son style, sachant bien que la structure des mots dépendait de l’industrie humaine. Cano, Banez, Sixte de Sienne et Bellarmin sont de cet avis.

La 3° proposition a été suffisamment expliquée dans V Apologie. Dans la conjecture sur le IP livre des Macchabées, Lessius n’a pas exposé son sentiment, mais celui de Sixte de Sienne qui croyait que l’auteur était un païen, dont le livre avait reçu des apôtres et de l'Église son autorité divine. Pour lui, l’auteur de cet écrit était un pieux fidèle, comme il convient que soit un hagiographe. Il y a donc lieu de s'étonner que les docteurs de Louvain prétendent que, dans sa première Apologie, Lessius ait eu des doutes contre la canonicité de ce livre, puisqu’ils ne pouvaient ignorer que dans ses leçons publiques, il avait prouvé très abondamment l’autorité canonique des deux livres des Macchabées, non seulement pour l’instruction morale, comme le dit Cajélan, mais encore pour l'établissement des dogmes.

Relativement à la proposition conditionnelle, Lessius a toujours pensé qu’aucun livre de l'Écriture

n’avait été ainsi approuvé après coup par le Saint-Esprit ; il a pensé seulement que Dieu aurait pu employer ce procédé. Il n’a pas voulu montrer uniquement que l’essence de l'Écriture consistait en ce que la souveraine autorité de la vérité première pouvait être appliquée à une pensée de l’une de ces trois manières : ou par révélation surnaturelle, ou par excitation à écrire, ou par approbation subséquente. Les deux premiers modes se rencontrent réellement dans les Écritures, le troisième n’implique pas contradiction. Toutefois, il faudrait que la matière fût digne de Dieu, qu’elle fût approuvée comme très vraie dans toutes ses parties et ciu’ainsi Dieu la tînt pour sa parole, comme les princes tiennent pour leurs les lettres écrites par leurs secrétaires.

Les lovanistes objectent à cette comparaison^ que les princes n’indiquent à leurs secrétaires que le sommaire de la lettre et que leurs lettres elles-mêmes n’ont que l’autorité royale et non pas nécessairement la sagesse. Lessius répond à la première de ces objections qne le sommaire du fond aurait pu être indiqué par révélation divine à l’auteur et que même si le prince n’a pas indiqué le sommaire de la lettre, sa souscription donne à celle-ci la même autorité. Quant à la seconde objection, il n’est pas de l’essence de l'Écriture sainte que sa matière surpasse toujours la capacité de la raison humaine, car l'Écriture contient tjeaucoifp de choses qui ont pu être connues par la raison. Donc, il ne faut pas tant considérer en elle la sagesse divine du contenu que l’autorité, qui est souveraine en toutes ses parties et qui surpasse dans chacune d’elles toute autorité créée.

Lessius répète enfin ce qu’il a écrit dans son Apologie pour confirmer sa 3'= proposition. Il approuve d’ailleurs le sentiment de saint Augustin, que, dans les choses qui auraient été révélées par Dieu, mais qui auraient été consignées par écrit à l’aide de la seule diligence humaine, quelque légère erreur ou quelque lapsus de mémoire aurait pu être commis, et qu’ainsi rédigées ces choses n’auraient pas une autorité égale à celle de l'Écriture. Toutefois, si plus tard Dieu les avait approuvées comme étant sa parole, il lui paraît qu’elles auraient une autorité pareille à celle de l'Écriture, quoiqu’il leur manquât une certaine dignité extérieure de l'Écriture. Son opinion diffère de celle des anoméens et d’Aétius. Responsio ad Antapologiam, dans Schneemann, op. cit., p. 386-390. Lessius avait expliqué déjà sa pensée dans une lettre à Bellarmin et dans d’autres pièces, conservées aux archives du Vatican, au dire du Père Kleutgen, Lessii de inspiralione doctrina, dans Schneemann, op. cit., p. 472, 475-476.

Sur l’histoire de cette controverse, voir Histoire ecclésiastique pour servir de continuation à celle de M. l’abbé Fleury, 1. CLXVIIl, a. 15-31, Paris, 1738, t. xxxvi, p. 148-178 ; sur les Apologies de Lessius, R. Simon, Nouvelles recherches sur le texte et les versions du N. T., part. I, c. iv, Paris, 1695, p. 74-91 ; sur les éditions des écrits pour et contre Lessius, C. Sommervogel, Bibliotlièque de la C^^ de Jésus, t. iv, col. 1726-1729.

Dés que le nonce pontifical de Cologne eut interdit la discussion de ces questions aux deux parties, la controverse cessa. La doctrine de Lessius devint dominante, au moins au sujet des deux premières propositions. Elle était exacte, sinon dans les termes mêmes des assertions, du moins dans les explications que l’auteur donna de sa pensée. Si l’on avait pris à la lettre les deux propositions, elles auraient signifié que toutes les pensées exprimées dans l'Écriture n'étaient pas inspirées. Lessius entendait dire seulement qu’elles n’avaient pas été toutes révélées immédiatement par Dieu. Il reconnaissait la révélation Immé-