Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 7.2.djvu/446

Cette page n’a pas encore été corrigée
2141
2142
INSPIRATION DE L’ECRITURE


tacitement, en la changeant ouvertement. Or, il ne s’agit pas de l’infaillible vérité, mais de l’autorité et de la dignité de l'Écriture. Une parole humaine, même non mélangée d’erreur ne deviendra jamais parole de Dieu, Dieu ne l’ayant ni dite ni dictée ; elle n’aura jamais la même excellence que la parole divine. Ce n’est donc pas une simple question de mots. La comparaison avec les édits des rois ne prouve rien, car il ne s’agit pas d’un livre, approuvé par un roi, mais d’un livre composé par un roi tel que ceux de Salomon. Les conciles généraux pourraient avoir la même autorité que les livres ainsi approuvés. En recevant les quatre premiers comme les quatre Évangiles, saint Grégoire ne leur a pas reconnu la même dignité ni la même excellence. La canonicité d’un livre diffère de son approbation. Les livies historiques, mentionnés dans les Paralipomènes, ne sont pas au canon biblique, parce qu’ils n'étaient pas inspirés. Prétendre qu’il ne faut pas prendre la proposition dans un sens absolu, mais comme une simple hypothèse, ce n’est pas donner une bonne réponse, car, dans l’hypothèse, îks livres approuvés n’ont pas la même autorité que les Livres saints. Le II « livre des Macchabées étant un livre canonique, il faut supprimer la parenthèse ; autrement, on pourrait suspecter l’inspiration de tous les deulérocaniques de l’Ancien Testament.

Quant aux deux autres propositions, l’Apologie, adressée à la faculté de Louvain, les disait certaines ; l’Apologie, adressée à la faculté de Douai, - ne les présente que comme probables. Les écrivains sacrés n’ont pas eu besoin d’une inspiration et d’une révélation nouvelle pour leur rappeler en détail ce qu’ils avaient à écrire, puisqu’ils étaient sufRsamment instruits ; tels, les apôtres Matthieu et Jean, qui avaient vu et entendu une partie des actions et des paroles de Jésus, rapportées dans leurs Évangiles. Mais l’assistance du Saint-Esprit ne s’est pas bornée à exciter une fois pour toutes leur volonté à écrire, et à diriger simplement leur intelligence pourqu’ilne leur échappât rien de contraire à la vérité. Pour rendre présentes à leur esprit les choses qu’ils savaient, ils ont eu besoin d’une inspiration continuelle et particulière qui les 1 appelât à leur mémoire. Ils ont fait un choix des paroles et des actes de Jésus, et ils n’ont pas été, pour ce choix, abandonnts à leurs lumières et à leur façon personnelle d’envisager les événements. Leur inspiration a été spéciale et immédiate, même, apparemment du moins, dans leur manière d'écrire. Il n’a pas suffi de leur inspirer la première volonté et la première intention d'écrire, il a fallu que l’Esprit Saint conduisît l'écrivain qui, abandonné, à lui-même, eût pu s'écarter de la vérité. L’n auteur profane pourrait, avec l’assistance divine, éviter toute erreur ; il ne serait pas inspiré au jugement de saint Paul. Il faut donc rejeter la distinction que Lessius établit entre deux genres d’inspiration. L’inspiration comprend et les choses écrites et l'écrit lui-même.

Elle n’exclut pas le soin de se préparer à écrire, pas plus que la luière et le jeûne. Les écrivains sacrés doivent méditer, réfléchir, étudier ; mais le Saint-Esprit doit leur donner l’ordre et la méthode de leurs écrits, il le faisait même pour les prophètes au moment où ils écrivaient. Il guidait ceux-ci dans le choix et l’ordonnance de leurs révélations antérieures. Le Saint-Esprit ne choisit pas un homme capable d'écrire, parce qu’il est capable ; il le rend capable. Il lui prescrit l’ordre, la place de chaque partie du discours, le langage lui-même et les paroles appropriées. Mais si Dieu est libéral dans ses dons, il ne les prodigue pas sans nécessité. Il laisse aux prophètes leur talent naturel, quand ils écrivent les révélations secrètes qu’ils avaient reçues ; témoin Isaïe et Amos. Le Saint-Esprit se proportionne à la condition des personnes

et il fait servir cette différence elle-même aux vues et aux desseins de sa sagesse. L’auteur du II « livre des Macchabées ne s’excuse pas des erreurs, qu’il aurait commises, mais seulement de son style, proportionné à sa faible capacité. En parlant du travail l’es évangélistes, saint Ambroise parle de leurs efforts humains, il ne nie pas la grâce particulière que Dieu leur a accordée pour l’exécution de leur travail. Les auteurs des essais, dont parle saint Luc, n’ont pas abouti, faute de la rosée de la grâce.

Les trois propositions de Lessius leur avaient paru se rapprocher de près des erreurs des anoméens et d'Érasme. Instruits par Bellarmin, qui a parlé clairement des anoméens et qui a approuvé leur censure de la 3'= proposition, ils maintiennent le rapprochement, bien que Lessius ne reconnaisse pas d’erreur dans l'Écriture ni lapsus de mémoire de la part du Saint-Esprit, parce que les anoméens ont reproché à saint Paul un travail et une application trop humains. En somme l’explication des docteurs de Louvain était une sorte de rétractation. Annales de la Société des soi-disant jésuites, 1. 1, p. 294-306.

Lessius rédigea promptement une Réponse, qu’il adressa au nonce apostolique, dés le 17 octobre. Cette Réponse fut envoyée à Rome par le nonce avec la Juslificalinn. Or Lessius y montrait, que l'état de la question n’avait pas été bien posé par les docteurs de Louvain. Ils avaient réuni les trois propositions en une pour que toutes soient rejetées avec celle qui est la moins probable. On ne p. ut approuver ce procédé et chacune d’elles doit être considérée à part. De plus, on lui fait dire ce qu’il ne dit pas. Aussi reprend-il en détail ses trois propositions, les précise-til, avant de répondre aux nouveaux arguments des lovanistes.

Prima proposilio. Ut aliquid sit Scriptura sacra, non est neccssarium singula ejus vorba iiispirata esse a Spiritu Sancto, scilicet ea inspiratione qua Spiritus Sanctus singula verba materialia in mente scriptoris formet.

Scciinda proposilio. Non est necessarium ut smgulre veritates et sententise quales sunt : Lucas est iv.ecum soins, Trophimum reliqui infirmum, sint immédiate a Spiritu Sancto ipsi scriptori inspiratæ. scilicet ea inspiratione quod singularuni sententiarum veritas novo modo cognoscat quando eas antea ratione naturali aut experientia certo cognoscebat, quanivis opus fuerit excitatione et directione et infallibili assistentia ad scribendum.

Tertia proposilio. Si aliquod opus vel sententia humana industria sine illa infallibili Spiritus Sancti assistentia scripta, a Spiritu Sancto postca approbetur tanquam vera et salutaris, efficietur Scriptura sacra, nempe quoad infallibi ! em auctoritatem independentem a Scriptura sacra. Ubi notandum, opus illud continere debere materiam Deo dignam, nec excluditur excitatio Spiritus Sancti ad illud scribenduni, sed solum infallibilis assistentia. Hic tamen modus in nuUa Scriptura ; parte reperitur, sed non implieat. Dans Sclineemann, op. cit., p. 374-375.

En abordant la discussion, Lessius observe que les lovanistes semblaient avoir admis les deux premières propositions, sur lesquelles il n’y avait plus lieu de discuter, puisque, le 16 juin 1588, ils avaient déclaré, devant le nonce, que toute la controverse roulait sur la 3°'. Il leur plaît maintenant d’attaquer les deux premières. Pour réfuter leurs arguments, Lessius dislingue entre les choses que les écrivains sacrés connaissaient au préalable par la raison naturelle, l’expérience ou quelque autre moyen, et celles qu’ils ne connaissaient pas. Or, pour écrire les premières, ils n’ont pas eu besoin d’une nouvelle révélation ni d’une lumière surnaturelle. Quand le Saint-Esprit leur faisait une révélation per internam locutionem, simul etiam in mente eorum formabantur verba quibus eu exprimerentur. quicquid enim coucipimus sub certis verbis alicujiis linguie concipimus ; ut autem ea scriberentur, opus esset infallibili assistentia Spiritus