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INSPIRATION DE L’ECRITURE


hébraïque et grecque, et notre version manque ainsi d’une infinité de mystères. Il n’est pas vrai que les Pères aient dit de scruter des mystères dans chaque mot et chaque syllabe. Sans doute, des mystères sont cachés en beaucoup de passages de l'Écriture, quoique les passages où il n’y en a pas, aient été inspirés immédiatement par le Saint-Esprit. Tout cela ne prouve rien contre l’assertion de Lessius, qui diffère de celle d’Aétius.

La 3° proposition traite seulement d’un cas possible, et d’un ouvrage pieux et salutaire que le Saint-Esprit approuverait publiquement comme très vrai et très salutaire dans toutes ses parties. Il aurait alors l’autorité de l'Écriture, et celui qui en nierait quelque chose ne serait pas moins hérétique que s’il niait quelque sentence de l'Écriture inspirée. La mention du IP livre des Macchabées, faite dans la parenthèse, n’empêche pas Lessius de penser que ce livre a été composé par un instinct particulier du Saint-Esprit et avec l’assistance de cet Esprit. Livin de Meyer, op. cit., p. 774-775.

Les thèses et l’Apologie de Lessius, envoyées à Rome par les jésuites de Louvain, furent trouvées orthodoxes par les théologiens de la Société, et Bellaimin en écrivit une défense. Il met les trois propositions concernant l'Écriture parmi les moins importantes de celles qui avaient été extraites des cahiers des jésuites, notamment sur la grâce et la prédestination, et censurées. Les deux premières, dit-il, ont pour but de montrer la différence qui existe entre les écrits des prophètes, qui ont été composés sans labeur, puisque Dieu révélait ce qu’il fallait écrire, et ceux des historiens, surtout du II « livre des Macchabées, dont l’auteur avouait avoir entrepris un labeur plein de veilles et de sueur. La 3°= proposition offusque principalement les censeurs. Cette question n’a pas grande importance, puisqu’il s’agit d’une possibilité, non d’un fait, et Lessius explique sa pensée, en disant qu’un livre ainsi approuvé serait Écriture sainte, non pas simplement, mais quant à l’autorité de vérité infaillible. Ce qu’on ne peut nier, si on ajoute la condition posée, que Dieu lui-même aurait révélé immédiatement à un prophète qu’il n’y avait pas d’erreur dans ce livre, et que cette révélation serait approuvée par l'Église. In defensionem doctrinx Lessii, dans Livin de Meyer, op. cit., Appendix, p. 786. Cf. Kleutgen, dans Schneemann, op. cit., p. 477.

Cependant les théologiens étaient divisés et la discussion sur la grâce et la prédestination régnait partout. Les principaux théologiens des Pays-Bas et plusieurs évêques tenaient la censure des lovanistes comme injuste et abusive. L’archevêque de Malines demanda à Lessius de s’expliquer plus clairement, s’il jugeait que quelque point de sa doctrine avait été mal exposé ou mal compris. Lessius ramena toute la controverse à six chefs, qu’il appela Antithèses, dans lesquelles il mettait en opposition sa doctrine et celle des lovanistes. La 6^ concerne les propositions sur l'Écriture :

Nos docemus, ut aliquid sit Scriptura sacra, non esse necessarium ut omnia verba aut omnes omnino sententiae sint auctori positive et immédiate inspirata, Spiritu Sancto proponente et formante in ipsius intellectu singula verba et siiigulas sententias scribendas, sed sulïicerc ut auctor hagiographus diviniliis instructus ad scribendum ea quæ audivit vel aliter novit, habcat infallibilem assistentiam Spiritus Sancti, quanon permittat eum lalli, etiam in iis, qua ; cognoscit, relatione, experientia aut ratione naturali : ab hac enim assistentia Spiritus Sancti Iiabet scriptura ut sit infallibilis veritatis. Denique si aliquod opus pium et salutare, humana industria ex divino instinctu compositum, publiée testimonio Spiritus Sancti approbaretur tanquam in omnibus suis partibus verissimum, taie opus liabiturum auctoritateni reque infallibilem atque Scrip tura sacra et recte Scripturam sacram et verbum Dei appellatum iri. Nam ejusdem est auctoritatis epistola a rege dictata et ab eo subscripta. Qui modus et de facto putem eum non inveniri in aliquo Scriptura ; canonicse libro, non tamen impossibilis. Doctores Lovanienses putant hæc esse periculosa et accedere ad hæresim. Kleutgen, dans Schneemann, op. cit., p. 466-467 ; Livin de Meyer, op. cit., p. 24.

Cependant, le général des jésuites sollicitait Sixte V d’intervenir et d’interposer son autorité pour calmer les discussions. Il lui remit les censures de Louvain et de Douai, l’Apologie de Lessius et le mémoire de Bellarmin. Le pape fit lire ces pièces devant les cardinaux réunis ; il lui sembla que les propositions n'énonçaient que ce qu’il pensait luimême ; les cardinaux déclarèrent qu’elles contenaient une saine doctrine et conseillèrent au pape d’adresser au nonce de Cologne un bref, par lequel il lui ordonnerait de se rendre à Louvain et de travailler à apaiser le différend, de concert avec l’archevêque de Malines. Le bref, daté du 13 avril, déclarait que les propositions de Lessius étaient des articles de saine doctrine, et le nonce reprit cette qualification dans le décret du 10 juillet, qui interdisait toute discussion publique et qui évoquait l’affaire au Saint-Siège. Il se rendit à Louvain au début du mois de juin 1588. Le 25 de ce mois, après en avoir conféré avec l’archevêque de Malines, il convoqua en assemblée les docteurs de la faculté, le recteur du collège des jésuites et le P. Lessius. Celui-ci avait demandé un débat contradictoire, qui fut fixé au 6 juillet. Mais, ce jour-là, il fut décidé que la discussion aurait lieu par écrit. Les docteurs de Louvain approuvèrent unanimement une Justipcatio censurée ou Antapologia, que le nonce fit remettre, le 10 septembre, au recteur des jésuiteset à Lessius.

Les docteurs de Louvain ramenèrent les propositions de Lessius sur l'Écriture sainte à ce seul point : « Toutes les expressions et les mots de l'Écriture sainte ont été si peu inspirés par le Saint-Esprit qu’un livre même entier, écrit par l’industrie humaine sans l’assistance du Saint-Esprit, peut devenir un livre sacré, une Écriture sainte, si dans la suite le Saint-Esprit déclare qu’il ne s’y trouve rien de faux. Et nous avons peut-être un exemple de ce genre dans le W'^ livre des Macchabées. » Annales de la Société des soi-disant jésuites, t. I, p. 292. Cf. Kleutgen, dans Schneemann, op. cit., p. 363.

En comparant la réponse de Lessius à leur censure et celle qu’il ajouta pour répondre aux docteurs de Douai, ils trouvent les propositions tellement modifiées et si différentes qu’elles n’y sont pas reconnaissablés et qu’on peut dire qu’elles ont été rétractées au moins pour la plus grande partie. Agir ainsi, ce n’est pas les expliquer c’est plutôt les changer.

Ils s’occupent d’abord et très longuement de la 3°=. Elle leur avait paru la plus révoltante par son étrange nouveauté ; elle paraît à Lessius, la parenthèse enlevée, tout à fait certaine à moins qu’on n’en fasse une question de mots. Mais elle était générale et pouvait s’entendre de tout auteur, César ou Salluste, et de tout sujet. Lessius ne l’entend que d’un auteur pieux et d’une histoire sacrée. A cet écrivain, il ne refuse pas toute assistance du Saint-Esprit, mais seulement une assistance spéciale, et il n’exige pour le livre d’autre témoignage de l’Esprit divin que la certitude qu’il ne contient aucune erreur. Mais un livre peut très bien ne contenir que la vérité, et cependant sa lecture peut être dangereuse. Ainsi approuvé, le livre ne devient pas Écriture sainte ou n’a pas l’autorité d'Écriture ; on lui accorde seulement une autorité aussi infaillible qu'à l'Écriture. Ce n’est pas exphquer la première teneur de la proposition ; c’est la désavouer