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INSPIRATION DE L’ECRITURE


salent avec certitude et doués d’ailleurs de la faculté de s’exprimer. Il a suffi qu’il les choisît, qu’il les excitât par un instinct particulier à écrire ce qu’ils connaissaient déjà, et qu’il les assistât d’une manière très spéciale pour toutes les sentences et tous les mots, de sorte qu’ils ne pussent commettre aucune erreur. Du reste, le Saint-Esprit a inspiré à nouveau aux prophètes les sentences et les mots, comme il appert de Jérémie, XXXVI, qui dictait ses prophéties avec une telle facilité qu’il paraissait les lire dans un livre. Mais il a fait écrire à la manière décrite plus haut les évangélistes et les historiographes inspirés. Cette opinion sert à réfuter les protestants partisans de l’inspiration verbale, qui rejettent la canonicité des livres des Macchabées, non dictés par le Saint-Esprit. L’impulsion à écrire et l’assistance du Saint-Esprit n’empêchent pas le travail de la mémoire, ni de la mise en ordre, ni de l'élocution, comme le montre la différence du style des écrivains sacrés.

Quant à la 'S'^ proposition, la parenthèse écartée, elle paraît certaine, si on n’en fait pas une question de mot. Qu’un homme pieux écrive une pieuse histoire qu’il connaît fort bien, ex instincta Spirilus Sancti, mais sans une assistance spéciale, qu’il ne commette aucune erreur, et que l’Esprit Saint lui-même, par l’organe d’un prophète ou autrement, atteste après coup, que tout le contenu du livre est vrai et salutaire, pourquoi un tel livre n’aurait-il pas l’autorité de l'Écriture sainte, puisqu’on aurait la même raison de le croire que de croire à une prophétie quelconque, à savoir l’autorité divine ? Une lettre dictée par un roi et une lettre dictée par un autre, mais souscrite par le roi lui-même, ont la même autorité.

Lessius confirme sa conclusion, en appliquant l’approbation subséquente du Saint-Esprit à une question scientifique, telle que celle-ci : La terre est au milieu du monde. Ainsi approuvée, cette assertion aurait la même autorité que la parole inspirée : Terra in a’terniim stat. Si l'Épître du pape saint Léon à Flavien, approuvée par le IV" concile général, avait été écrite au temps des apôtres et divinement approuvée par saint Pierre ou par saint Paul, comme étant en tout très vraie et très salutaire, elle aurait eu alors la même autorité que l'Écriture sainte. Qu’on l’appelle Écriture sainte ou non, ce ne serait plus qu’une question de mot. On appelle généralement Écriture toute parole de Dieu écrite par les prophètes et les apôtres. La lettre du pape ainsi approuvée tirerait immédiatement du Saint-Esprit son autorité, qui serait aussi infaillible que celle de l'Écriture.

L’opinion de Lessius est donc bien différente de celles des anoméens et d'Érasme, qui prétendaient que les apôtres avaient parfois parlé comme des hommes et avaient pu se tromper et commettre des erreurs de mémoire. Toute erreur de l'Écriture retomberait sur le Saint-Esprit et détruirait l’autorité de l'Écriture entière. Livin de Meyer, Ilisloria, etc., Appendix, p. 758-760 ; Schneemann, Controvers. de divinæ grutiie liberique urbilrii concordia, I^'ribourg-en-Brisgau, 1881, p. 467-172.

r La censure de Douai était plus sévère que celle de Louvain. La P'= proposition de Lessius y était notée : Asserlio iemeruria et ex quu incomparabilis illadignitas et niajestas, (jiuim in Scriptura sacra propler uulhurem Spiritum Suncliim semper et agnoverunt et religiose reuerili fiierunt Ecclesiæ doctores, nuillum minui videtur. Suivaient des textes dans lesquels les Pères disent que l'Écriture a été dictée par le Saint-Esprit et que chaque mot renferme des mystères. La dictée n’est pas une suggestion faite en gros et en général, mais une suggestion verbale des mots. Par conséquent, il n’y a dans l’Ecriture ni une syllabe ni un accent qui soient oiseux ou superflus. Aux Pères de l'Église, les doc teurs de Douai joignent les deux jésuites Grégoirde Valence et François Coster, et le sentiment come mun des fidèles.

De cette doctrine sur la dictée et l’inspiration verbale découle la censure de la 2 « proposition de Lessius. Toutes les sentences de l'Écriture proviennent donc immédiatement du Saint-Esprit et ont été inspirées non seulement aux prophètes et aux apôtres, mais à tous les écrivains sacrés. C’est le sentiment de saint Augustin. Ce que les écrivains sacrés savaient de science humaine a dû, pour avoir la certitude qui résulte de la science de Dieu et être parole divine, être écrit par une motion divine du Saint-Esprit. La suggestion de l’Esprit n’empêche pas le travail et l’effort des écrivains, car l’Esprit souffle où et comme il veut. Si tout, dans l'Écriture, ne provenait pas immédiatement du Saint-Esprit, on discuterait quelles sentences ont cette provenance et quelles autres ne l’ont pas ; on discuterait encore sur l’inspiration des Évangiles, qui auraient pu être écrits par des hommes ; bien plus, on douterait que toutes les Écritures non prophétiques aient été immédiatement inspirées par le Saint-Esprit.

La 3' proposition devait être désapprouvée plus encore que les deux premières, ianquam manifesti erroris periciilnm coniinens. L'Écriture est inspirée et dictée par Dieu ; les décrets et définitions de foi des papes et des conciles ne le sont pas, quoique le Saint-Esprit atteste par l'Église qu’ils ne contiennent rien de faux. On ne reconnaîtrait pas pour Écriture les livres qui n’auraient été écrits qu’avec la simple assistance du Saint-Esprit, à plus forte raison un livre composé sans cette assistance et approuvé seulement comme le dît Lessius, telle qu’une histoire de Thucydide ou de Tite-Live. Le II » livre des Macchabées est livre canonique et Écriture sainte ; on ne peut donc dire, pas même d’une façon dubitative, qu’il a été composé par simple industrie humaine. On pourrait aussi, dans l’hypothèse, appliquer cette assertion à l'Évangile de Marc, qui a été approuvé par saint Pierre. Mais saint Pierre l’a approuvé parce qu’il le savait inspiré. L’approbation subséquente d’un livre par le Saint-Esprit ne ferait pas que ce livre soit Écriture sainte. Enfin saint Augustin a déclaré manifestement que Dieu a parlé par tous les écrivains sacrés quand ils écrivaient, et les fidèles le croient fermement. Duplessîs d’Argentrc, op. cit., t. iii, p. 135-138 ; Annales de la Société des soi-disant jésuites, 1. 1, p. 206211.

Lessius avait terminé sa réponse à la censure de Louvain, quand il eut connaissance de celle de Douai. Pour y répondre, il se contenta d’ajouter cjuelques notes à son Apologie. Relativement aux deux premières propositions, il observe qu’il ne nie pas que l'Écriture entière soit la parole de Dieu, ni qu’elle ait été dictée d’une certaine manière par le Saint-Esprit, que Dieu ait parlé par les écrivains sacrés, ni qu’ils étaient les calâmes du Saint-Esprit. Il expose de nouveau son sentiment : l’illumination des choses et des mots par l’Esprit Saint a été propre aux prophètes et aux autres hagiographes, toutes les fois qu’ils écrivaient prophétiquement ; mais elle n’a pas été nécessaire aux écrivains sacrés pour écrire ce qu’ils savaient naturellement ; il leur suffisait alors d’un instinct particulier les poussant à écrire et d’une assistance tandis qu’ils écrivaient. Quant aux témoignages des Pères sur la profondeur de tous les mots de l'Écriture, des syllabes, des lettres, des accents et des points, il faut les entendre comme on entend l’expression : parole de Dieu. Dire que dans les lettres matérielles, les syllabes et les mots se cachent partout des mystères, c’est une fiction juive et cabalistique. Enfin, la Bible latine est bien inférieure aux Bibles