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INSPIRATION DE L'ÉCRITURE


avaient reçue primitivement du Christ et qu’ils avaient transmise aux autres, quoiqu’il faille croire que le Saint-Esprit ne leur a pas fait défaut, lui par l’impulsion de qui leur esprit avait été poussé à écrire, et avec le secours de qui ils avaient fermement conservé la mémoire de ce qu’ils avaient appris du Christ et des apôtres, par qui en fin ils avaient fidèlement tracé par écrit leurs souvenirs. Luc l’indique bien dans son prologue. Faut-il donc multiplier sans nécessité les miracles ? Ou pourquoi Luc dit-il qu’il a appris l'Évangile par la tradition de ceux qui ont vu et entendu, et non pas plutôt par une illumination récente et nouvelle du Saint-Esprit, s’il l’avait reçue ? L'Évangile de Luc est-il donc un écrit composé par l’industrie humaine et fondé sur des souvenirs, puisqu’un livre ^crit avec les seules lumières de la raison et î'habileté numainc, fût-il d’ailleurs très vrai et contînt-il des choses plus claires que le jour, ne serait pas néanmoins reçu au canon biblique ? Luc n’aurait-il pas dû dire plutôt qu’il a été dirigé par le Saint-Esprit ou amené par lui à écrire, et non par son bon plaisir et sa volonté? Sahneron répond que Luc a justement dit qu’il s'était décidé de lui-même à écrire. La direction du Saint-Esprit n'était pas quelque chose qui fût extérieure à Luc et qui lui apparût à lui et aux autres, et qui pût être facilement perçue. N’importe qui pourrait l’affirmer de lui-même. C’est pourquoi, quoique Luc fût certain d'être dirige par l’Esprit, l’affirmer eût pu paraître de la jactance et de l’orgueil de sa part. Enlin, en disant qu’il avait été instruit par ceux qui avaient vii, comme c'étaient des hommes très sérieux et remplis du Saint-Esprit, il était plus modeste cjue s’il avait dit expressément que le Saint-Esprit l’avait dirigé. Il n’excluait pas, du reste, la bonne volonté de Dieu, pas plus que sa volonté soumise à celle de Dieu. Proh'(/omen. xxxii. Sahneron frayait ainsi la Voie à Lessius.

Opinion de Lessius.

Ce jésuite provoqua, au xvie siècle, un autre courant d’idées sur la nature de l’inspiration. Déjà, Sixte de Sienne, dans sa Bibliotheca sancta, Venise, 1566, tout en reconnaissant que les livres divins et canoniques étaient ceux de l’Ancien et du Nouveau Testament écrits sous la dictée du Saint-Esprit, t. I, au début, avait déclaré toutefois au sujet des livres des Macchabées, que l'Église catholique tenait pour canoniques ; nec quicquam eorum fide deroyatur, etiamsi nb aiitore prophano scripti sint, ciim libri fuies non ab aiilore, sed ab Ecclesiæ catholicæ auloriiale pendeai, et qiwd ilUt acceperil, veriim et indubilalam esse oporlel, a quociimqiie diciiun sil auiore quem ego neque sacrum neque prophanum ausim afjlrmare. L. VIII, hær. xii, n. 7, 8. Il ne disait pas explicitement que l'Église pouvait décider par son acceptation d’un livre profane au canon biblique que ce livre était inspiré ; il affirmait seulement que cette acceptation rendait tout son contenu vrai et très certain.

Lessius ouvrit une voie nouvelle. En 1585, il commença son cours de théologie au collège de sa Compagnie à Louvain. L’année suivante, à l’instigation de Bains, les théologiens de l’université de la même ville tirèrent des cahiers de ses élèves les trois propositions suivantes sur l'Écriture sainte : 1° Ut aliquid sil Scriptura sacra, non est necessarium singula ejus verba inspirala esse a Spirilu Sanclo. 2° Non est necessarium ut singula ; veritates et sententiæ sint immédiate a Spirilu Sanclo ipsi scriplori inspiratæ. 3° Liber aliquis (qualis forte est II Machabœorum) humana industriel sine assistentia Spiritus Sancli scriplus, si Spiritus Sanctus posteu testetur ibi nihil esse falsum, efjicitur Scriptura sacra. Livin de Meyer, Historia conIravcrsiarum de divina yrcdia, in-fol., Anvers, 1705, t. I, c. VI, VII, p. 13-16 ; Serry, Historia congregedionum

De auxiliis, in-fol., Louvain, 1700, t. I, ciii, p. 10-11. Les deux premières propositions contredisaient explicitement l’opinion de l’inspiration immédiate pour tous les écrivains sacrés, qui était alors l’opinion courante, et la troisième modifiait et précisait le sentiment de Sixte de Sienne au sujet du II livre des Macchabées, puisque l’attestation non pas de l'Église, mais du Saint-Esprit lui-même, que ce livre non inspiré ne contenait aucune erreur, le rendait Écriture sainte, comme si le Saint-Esprit lui-même l’avait inspiré à son auteur.

Les théologiens de Louvain, après avoir demandé à Lessius si ces propositions étaient siennes et avoir reçu une réponse affirmative censurèrent, le 9 septembre 1587, ces trois propositions en ces termes : Très istee assertiones videntur ad damncdam olim anomscorum opinionem, qui prophclas et apostolos in multis volebant ut homines fuisse locutos, ul rcfert Epiphanius, hæresi 76, et ad eorum sententiam quam privfatione in Epistola ad Philemonem et cdibi D. Hieronymus reprehendit, de qua et notatus Erasmus fuit. Nec immerito quidem, siquidem Scriptura sacra caque tola non hominum, sed Dei est verbum a Spirilu Saricto, ut Tridenlina syKodus ait, dictalum. Ils citaient les textes de saint Paul sur l’inspiration des prophètes et des Écritures. Quo fit ut veleres Patres sacrorum scriptorum linguas et manus non aliud quam Spiritus Sancti ccdemws fuisse teslentur. In quorum proinde scriptis cerlum quamdam eloquendi facultatem propriumque texendi sermonis modum B. Augustinus aynoscit, usque adco utreyietiamhic eodem leste menlem suam plus utique nabis, illi ipsi sentirent. Duplessis d’Argentré, Colleclio judiclorum de novis erroribus, Paris, 1736, t. m b, p. 125 ; Anncdes de la Société des soi-disant jésuites, in-4°, Paris, 1764, t. i, p. 174-175. Les théologiens de Louvain admettaient donc l’inspiration verbale et la révélation immédiate de toute l'Écriture.

Des copies de cette censure, qui ne fut imprimée qu’en 1641 à Paris, furent envoyées à plusieurs évêques des Pays-Bas, à l’archevêque de Cambrai et aux facultés théologiques de Paris et de Douai. La Sorbonne refusa positivement d’approuver la censure, mais la faculté de Douai y joignit la sienne, qu’avait rédigée Estius et qui parut seulement le 20 janvier 1588.

Lessius avait rédigé à cette date, une Apologia, qui était une Responsio ad censuram assertionumde Scripturis, qu’il envoya d’abord à Rome avec la censure et qu’il communiqua ensuite à l’Académie de Louvain. Il y reconnaît siennes les assertions censurées, mais il démontre qu’elles n’ont rien de répréhensible si elles sont expliquées comme il les a expliquées d’ailleurs dans son cours. Dans les deux premières, il ne nie pas que les hagiographes ont écrit par une inspiration spéciale, une direction et une assistance du Saint-Esprit, il dit seulement qu’il n’a pas été nécessaire qu’ils aient eu besoin, pour chaque sentence et chaque mot, d’une inspiration nouvelle et positive, c’est-àdire d’une nouvelle illumination, par laquelle non seulement ils recevaient connaissance des vérités qu’ils écrivaient, mais encore ils voyaient les mots dont le Saint-Esprit voulait qu’ils se servissent. Il suffisait que le Saint-Esprit les eût excités et poussés d’une manière particulière à écrire ce qu’ils avaient entendu et vu ou connu d’une autre manière, et en même temps qu’il les eût assistes pour chaque sentence et chaque mot, et qu’au besoin il les dirigeât.

Cette opinion lui a paru plus probable que l’autre, et il en donne deux raisons : 1. Les évangélistes n’ont pas eu besoin d’une nouvelle révélation pour écrire la vie de Jésus, dont ils avaient été témoins ou qu’ils connaissaient par la tradition ; 2. le Saint-Esprit s’est servi d’instruments idoines à écrire ce qu’ils connais-