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INSPIRATION DE L’ÉCRITURE


n’ont pas été inspirés immédiatement par Dieu, mais que Salomon a été inspiré par David, son père, qui lui remit le plan du temple, reçu de Dieu, et lui apprit aussi tout ce qui est exposé dans ces livres. Mais Ferez prouve par des textes sacrés que Salomon a reçu immédiatement de Dieu l’esprit prophétique par l’infusion du Saint-Esprit, qu’il fut prophète et qu’il a parlé prophétiquement des divins mystères. Il conclut que Salomon fut l’auteur instrumental de ces trois livres et le Saint-Esprit l’auteur principal. C’est dans sa jeunesse que Salomon, plus tard dépravé, a été éclairé par le Saint-Esprit et a compose prophétiquement les trois livres, dont il est l’auteur. In Caniica canticorum, prsef.

4° Théologiens et controversistes du xvi<’siècle. — Ainsi donc, jusqu’au début du xvie siècle, les théologiens catholiques ont généralement confondu l’inspiration de l’Écriture avec la révélation divine. Il s’agissait toutefois d’une sorte particulière de révélation, qui se produisait dans l’intelligence des écrivains sacrés par l’infusion d’une lumière surnaturelle, capable de leur révéler immédiatement les choses inconnues qu’ils devaient écrire et qui influait sur la rédaction des choses qu’ils connaissaient naturellement. Cette révélation était la vision intellectuelle, dont parlaient les scolastiques.

La Renaissance et la Réforme n’eurent pas une influence directe sur l’enseignement théologique relativement à la nature de l’inspiration. Au début du xvie siècle, la scolastique dominait dans les écoles. Quelques humanistes versèrent dans l’étude de la Cabale. Marsile Ficin, Pic de la Mirandole, Reuchlin et Paracelse, qui se complaisaient dans la recherche des sens mystiques de l’Écriture, n’étalent pas portés à dindnuer l’influence de l’Esprit inspirateur sur l’intelligence des écrivains sacrés. Les premiers réformateurs n’ont pas nié l’inspiration de l’Écriture, qui était, pour eux, la seule règle de la foi. Si la notion en demeura vague et flottante dans l’esprit de Luther et de Zwingle, elle fut plus précise et plus ferme chez Calvin, et plus systématique chez Théodore de Bèze. Voir V. Rohnert, Die Inspiration der heiligen Schrift und ihre Bestreiier, Leipzig, 1889, p. 134-211 ; E. Rabaud. Histoire de la doctrine de l’inspiration, Paris, 1883, p. 29-84 ; P. Dausch, Schriftinspiration, Fribourg-en-Brisgau, 1891, p. 106-118 ; Holzhey, Die Inspiration der hl. Schriftinder Anschauung des Mittelalters, Munich, 1890, p. 129-136 ; C. Pesch, De inspiratione sacrée Scripturæ, p. 202-217. Aussi les premiers controversistes catholiques ne traitèrent pas directement de la nature de l’inspiration, , et ils s’occupèrent spécialement de la canonicité et de ses critères. Cochlée, Pigiii, Eck, Driedon, Alphonse de Castro, Hosius affirmèrent fortement l’inspiration, sans disserter sur sa notion. Hosius cependant défendait, contre les objections de Brenz, le théologien espagnol Pierre de Soto, qui avait soutenu que l’Écriture avait été révélée par le Saint-Esprit. Avec les catholiques, il reconnaissait que l’Écriture, par un admirable dessein de l’Esprit Saint, avait été écrite afin d’assurer au plus haut degré le salut des hommes, mais il concédait que l’Esprit inspirateur y avait laissé intentionnellement beaucoup de choses obscures et difficiles, en donnant toutefois à l’Église la charge de les expliquer, sans laisser à chacun le droit de les interpréter dans son sens propre. Con/utatio prolegomenon Brentii, t. III, De auctoriiate Scripturæ sacræ.

Le cardinal Cajétan, qui avait commenté la théorie de saint Thomas sur la prophétie, a remarqué, au sujet du prologue du troisième Évangile, que saint Luc a écrit son récit, non par révélation immédiate de Dieu, mais conformément à ce qu’il avait appris des apôtres, divina tumen graliu dirigenle et servante ne in

aliquo erraret. In h. toc. Voilà donc l’inspiration de l’évangéliste ramenée à une simple direction et à la préservation de ioute erreur. En commentant II Pet., I, 21, il a distingué le prophète de l’écrivain ordinaire, en ce que celui-ci écrit ce qu’il connaît par la seule lumière de son intelligence, tandis que le prophète dit et écrit ea quæ sibi sub lumine divinee revelationis apparent, non secundum proprii judicii interpretalionem. In h. loc.

Les théologiens, qui écrivirent après le décret De canonicis Scripturis, que le concile de Trente avait porté en 1546, commentèrent ce décret et légitimèrent le droit de l’Église à dresser la liste officielle des Livres saints. Ils distinguaient très nettement l’inspiration génératrice de ces Livres, et la canonicité, simple déclaration de leur inspiration. Au sujet de l’action du Saint-Esprit sur les écrivains sacrés, il se dessina bientôt un double courant, qui dégénéra vite en conflit très aigu.

La distinction, faite par saint Thomas, entre la révélation des vérités ignorées des écrivains sacrés et la simple influence de la lumière surnaturelle pour celles qu’ils connaissaient, fut fortement accentuée par un dominicain, Melchior Cano. Dans son célèbre traité posthume. De locis theologicis, édité en 1568, tout en soutenant l’inerrance absolue des écrivains inspirés, il déclarait très expressément que ceux-ci n’avaient pas eu besoin d’une révélation immédiate pour rédiger tous les passages de leurs écrits, mais qu’ils avaient reçu un secours particulier du Saint-Esprit, qui les assistait, les dirigeait et leur suggérait tout ce qu’ils avaient à écrire. L. II, c. xviii, dans le Theologiæ cursus completus de Migne, 1. 1, col. 168-169. Il admettait toutefois une présence et un secours particulier du Saint-Esprit, qui mettait la plume à la main des h-agiographes et les assistait tandis qu’ils écrivaient, col. 170.

LTn disciple de Cano, Dominique Bafiez, dans son Commentaire de la I"’partie de la Somme théologique, publié en 1584, suivit une voie opposée à celle de son maître. Il distingua trois modes d’inspiration de l’Écriture : 1. la révélation, faite par Dieu, des choses que l’écrivain sacré ignorait ; 2. une motion spéciale de Dieu, qui inspirait à l’hagiographe d’écrire ce qu’il savait, avec l’assistance du Saint-Esprit pour que l’écrivain n’omit volontairement ou par oubli rien de ce qu’il devait écrire ; 3. en plus de ces deux actes, la suggestion et, pour ainsi dire, la dictée de tous les mots. Or, Bafiez conclut que, pour les catholiques, il est certain que l’inspiration a eu lieu, en partie de la première manière, par la révélation des mystères de la trinité et de l’incarnation et d’autres encore, et en partie de la seconde manière, par la motion à écrire ce que l’écrivain connaissait et par assistance pour qu’il n’omît rien et ne se trompât en rien. Mais Bafiez allait plus loin, il conclut que le Saint-Esprit n’a pas seulement inspiré les choses contenues dans l’Écriture, il a aussi dicté et suggéré tous les mots de l’écrit inspiré. Si l’écrivain était resté libre de choisir les termes de son exposition, il aurait pu se tromper en intei’prétant la révélation qu’il avait reçue et par suite il pourrait y avoir des erreurs dans l’Écriture. Toutefois, en dictant et en suggérant ainsi les mots de l’Écriture, le Saint-Esprit s’est conformé aux dispositions intellectuelles de l’écrivain sacré et au milieu historique de son temps. Bafiez expliquait ainsi les particularités du style de chaque écrivain sacré et les connaissances naturelles qu’il avait conformes à la science de son temps. Scholasiica comment, in I^’^ pariem, etc., q. i, a. 8, Rome, 1584, p. 61 sq.

Cette opinion de Banez fut adoptée par l’école thomiste qui, en cela, est justement appelée bannézienne. Elle n’était pas toutefois commune au xvii= siè-