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INSPIRATION DE L'ÉCRITURE


est l’auteur principal, et non celui qui la décrit. Or Dieu seul connaît par lui-même la science surnaturelle et aucune créature ne peut y atteindre par elle-même, mais seulement par l’inspiration divine. C’est donc par les raisons que Dieu leur avait inspirées que les prophètes et les apôtres ont écrit et ont pu écrire la science surnaturelle. Comme ils ont parfaitement compris la sagesse qu’ils avaient contemplée, ils ne sont pas seulement des organes ou des canaux, par où les paroles de cette science ont passé, ils doivent plutôt être dits les auteurs, quoique secondaires, des écrits où ils ont fait passer le trésor d’art qui leur avait été infusé. La vérité de cette science acquise par l’inspiration de l’autorité divine ne dépend pas seulement de ce que ceux qui l’ont écrite par inspiration ont compris la pensée qu’ils écrivaient ; elle dépend aussi de la qualité et de la forme de leurs paroles, puisque la prophétie n’est pas écrite en des ternies et un mode de locution autres que ceux don t usent les hommes en parlant et autr<?s que ceux en quoi les ouvrages séculiers sont composés.. Etvoritablement laparoledesprophêtes était ou bien celle qu’ils avaient entendue ou bien celle que le Saint-Esprit, qui parlait en eux, voulait leur faire exprimer. De même qu’ils ne pouvaient toujours avoir l’Esprit ni prophétiser l’avenir, les prophètes ne pouvaient pas enseigner ce qu’ils voulaient, mais ils enseignaient ce qu’ils avaient appris du Saint-Esprit, en sorte que, en cela, l’homme peut être dit l’auteur secondaire et ministériel. De ce que Dieu est l’auteur principal de l'Écriture, celle-ci peut être dite de la Trinité entière ou de chacune des trois personnes, mais par appropriation, à des titres différents. Summa, a. 9, q. n.

Selon saint Bonaventure, l'Écriture sainte a la plus haute autorité, parce que non per hnnuinam invesligationem est tradiia, sed per revehUionem divinam. Le Saint-Esprit est son auteur très parfait. Breviloquiiim, proœm., § 6. Or il a illuminé diversement les prophètes et ceux qui ont écrit l'Écriture, en faisant des révélations à leurs cœurs. Ibid., § 5. La sainte Écriture ne procède pas par raisonnements, définitions et divisions, comme les autres sciences, mais, comme elle procède de la lumière surnaturelle, elle enseigne des vérités supérieures aux choses de ce monde. Le prophète n’accepte pas ce qu’il prédit, propter se, sed propter veriialem ipsiiin illutninantem et erudienlem. Prophetia non requirit rationcm motivi in prophelatis, sed totam rationem sua ; cognitionis sumit ab inspirante. In IV Sent., t. II, dist. XXIV, a. 1, q. ii, ad 5°™. Saint Bonaventure distinguait deux sortes de’prophéties : le soliloquium, qui se produit, comme en David, sans aucune aide extérieure donnée aux prophètes, mais par l’instinct de l’Esprit Saint seul, et le signiloquium, qui se fait par un signe : paroles, actes, songes ou visions. In Psalterium, prsef.

Les écrivains sacrés n'étaient pas hors d’eux-mêmes, comme l’ont prétendu quelques hérétiques anciens. L’Esprit Saint ne rend pas déments ceux qu’il inspire ; ceux-ci ont donc parfaitement compris ce qu’ils ont écrit, quoique, comme l’a dit saint Augustin, tous ne l’ont pas compris au degré suprême que Moïse a atteint. Ibid., a. 13, q. ix.

Comme la vérité de l'Écriture dépend de sa divine inspiration, on a donc bien dit, au jugement de Gilles de Rome, que Dieu, créateur de toutes choses, est la cause efficiente principale de toute l'Écriture inspirée. In IV Sent., t. I, prol.

Les docteurs du xive siècle n’ont pas sur l’inspiration une doctrine différente de ceux du xini^. Nicolas de Lyre, qui fut un exégète, voit l’excellence de l'Écriture en ce qu’elle n’est pas l'œuvre de l’investigation humaine. Les prophètes et les apôtres qui nous l’ont transmise, l’ont reçue par révélation divine. Le Saint Esprit, qui l’a révélée, nous a fait connaître toutes les vérités nécessaires au salut. Les prophètes n’ont pas vu l’essence de Dieu, ils ont lu seulement dans le livre de la prescience divine. Ils voyaient la vérité, qui dérivait de Dieu en eux par révélation, par des espèces divinement imprimées dans leurs intelligences et par la lumière prophétique. Postillæ. Prol. i, De commendutione sacrx Scripturæ in générait.

Non seulement David est prophète, il est encore le plus grand des prophètes. Nicolas de Lyre part de là, pour exposer quelle est la cause efficiente du psautier et la nature de la prophétie. Quant à la cause efficiente, il en distingue une principale et l’autre instrumentale. Principalis est ipse Deus revelans mysieria in hoc libro descripta. Instrumentalis autem est ipse David (l’auteur de la plupart des psaumes), rui, secunduin Augustinum, omnia contenta in hoc libro fuerunt revelaia et ab eo descripta. David fut prophète. Ad actum enim prophetandi concurrit Deus mentem prophétie tangens seu eleuans ad supernaturalem cognitionem, et mens prophetæ hoc modo tacta seu illuminata ; oportet enim quod simul sint movens actu et res mola. Afin de prouver que David est le plus grand des prophètes, Nicolas de Lyre traite de la révélation prophétique, des degrés de la prophétie et des manières dilïérentes dont l’Esprit Saint touche l’intelligence des prophètes. La prophétie, connaissance des choses cachées, quel que soit son objet, naturellement connaissable ou non, se fait par l’inspiration du Saint-Esprit. Mais la connaissance intellective est nécessaire pour constituer la prophétie proprement dite. A son défaut, il ne peut y avoir prophétie qu’au sens large du mot ; ce qui se produit de trois façons : quand une vision, une parole ou une action symbolique n’ont lieu que par l’instinct du Saint-Esprit. Les degrés de la véritable prophétie ne s'établissent donc que par les degrés de l’intelligence de la chose prophétisée. Le premier a lieu quand à une vision se joint l’intelligence de son objet. Le second consiste dans l’audition d’une parole, car les mots sont des signes de la vérité plus importants que 1 s figures vues en vision. Le troisième degré comporte l’apparition de la personne qui parle, et cette personne peut être un saint, un ange ou une figure représentant Dieu lui-même. Enfin ces apparitions peuvent avoir lieu durant le sommeil ou à l'état de veille. Or ces dernières visions à l'état de veille sont plus excellentes, parce qu’une illumination de l’intelligence plus grande que durant le sommeil est nécessaire pour écarter les distractions qu’apporterait la vue des choses sensibles. C’est pourquoi le ravissement est alors nécessaire. Mais le quatrième degré, supérieur aux précédents, est celui de la prophétie faite par révélation divine, et c’est celui auquel David a été élevé. Son intelligence a été divinement illuminée de façon à saisir les vérités intelligibles sans aucun signe possible. Quant au tact du Saint-Esprit sur l’intelligence du prophète ; il porte sur le passé, le présent ou l’avenir, distincts les uns des autres, ou sur le présent et l’avenir simultanément, ou sur le présent, le passé et l’avenir en même temps. L’Esprit Saint, en effet, agit sur les intelligences humaines comme il veut, et par conséquent des diverses manières signalées précédemment, et d’autres manières encore. Toutefois, les contacts les plus parfaits sont ceux qui font connaître des vérités plus éloignées des choses sensibles.

(îela étant, le prophète David n’axas surpassé les prophètes du Nouveau Testament, c’est-à-dire les apôtres, qui ont reçu, sur les secrets divins, des lumières supérieures aux siennes et la grâce du Saint-Esprit dans une plénitude plus grande. Il n’est pas non plus le plus grand prophète de l’Ancien Testament, puisque, d’après saint Thomas, Moïse est le premier