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INSPIRATION DE L’ECRITURE

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du Saint-Esprit dans la notion de l’inspiration : elle n’est qu’une impulsion à écouter la parole de l’Esprit, justifiée parla parole dite à Ézéchiel, ii, 1, une élévation de l’intelligence, qui n’est pas encore mise en activité, mais qui sera élevée, fortifiée, agrandie. De la sorte, son attention étant éveillée, elle comprendra mieux les vérités divines qui lui seront ]iroposées, mais elle ne le pourra sans une certaine lumière. Sous ce rapport, bien que l’inspiration difîère de la révélation, elle rentre cependant dans le genre de la révélation. Elle est une touche de Dieu. Or, lorsque Dieu agit sur une créature raisonnable, il s’adresse à son intelligence, et toute action de Dieu sur l’intelligence donne à celle-ci des clartes. Aucune révélation proprement dite ne s’en suit peut-être ; l’objet qui se présente à l’intelligence lui est au moins plus clairement manifesté, et cela appartient encore au genre de la révélation.

Saint Thomas établit la distinction entre révélation et inspiration, même dans le prophète. Se demandant si le prophète discerne toujours ce qu’il dit par son esprit jiropreet ce qu’il dit par l’esprit de prophétie, il répond que l’intelligence du prophète peut être instruite par Dieu de deux façons ; ou par une révélation expresse, ou par un certain instinct très occulte, que les intelligences luunaines subissent sans le savoir, selon le mot de saint Augustin. Dans le cas de la révélation expresse, l’homme ne peut douter ni que c’est Dieu qui lui parle ni que ce qu’il dit est vrai. Mais dans le cas de Vinstinclas, ou de l’inclination secrète venue du dehors, l’homme reçoit de Dieu une connaissance vraie, sans qu’il sache qu’elle lui vient de Dieu, et sans que l’objet connu ait reçu une sorte d’évidence ou de crédibilité divine. Cela se produit dans le cas de la simple inspiration. Siim. llieoL, II* Ih^ q. cLxxi, a. 5.

Dans l’acte même de la connaissance, il y a une différence entre la révélation et l’inspiration. La connaissance dans l’intelligence humaine comporte deux choses : l’acceplio seu repricsenialio reriim et le jiidiciiim de rébus reprasenlulis. Dans la prophétie, le judiciiim de acceptis est le principal, quia judicium est complelivum cognitionis. En effet, l’homme qui a reçu la révélation, soit par l’impression d’espèces fournies par des formes extérieures et sensibles, soit par des espèces intelligibles, imprimées parfois directement par Dieu, n’est prophète que si son intelligence est éclairée pour juger de la vérité des choses représentées. Or, pour porter ce jugement, l’intelligence du prophète agit sous l’influence de la lumière divine. Il en résulte donc que la révélation prophétique se fait parfois par cette seule influence, tandis que d’autres fois elle a lieu per species de novo impressas vel aliter ordinalas. Sum. theoL, ID-II^ », q. clxxiii, a. 2 ; De veritate, q. xii, a. 7 ; De potentia, q. iv, a. 2, ad 27">n ; Contra genteK, t. II, c. cliv. Or, à ce point de vue, les projjhètes proprement dits se distinguent des simples hagiographes.et saint Thomas explique la manière différente, dont les uns et les autres reçoivent la lumière surnaturelle.

Quandoque igitur in prophctis non est aliqua supernaturalis acceptio, scd judicium tantum supernaturalc, et sic solus intellectus illustratur sine nliqua imaginiuia visione. Et talis forte fuit inspiratus Salomon, in quantum de moribus hominum et naturis rerum, quæ naturaliler accepimus, divino instinctu ceteris certius indicaint. Specialiter proplictir nnncupantur, qui secundum imaginarias visiones prophetiam habuerunt…. Hagiographi autem dicuntur, qui supernaturaliter solum visiones intellectuales habuerunt. sire quantum ad judicium tantum, sive quantum ad judicium et acceptionem simul. De veritate, q. xii, a. 12, ad lU"’". ("/est sous une autre forme, la distinction que Hugues de Saint-Victor

avait faite entre les prophètes « de mission » et les prophètes « de grâce ».

Dans la Somme théologique, saint Thomas emprunte à saint Jérôme, In IV Reg., prol., la distinction entre prophètes et hagiographes. Les prophètes, Isaïe, Jérémie et les autres, ont eu des visions dans leur imagination et leur intelligence ; les hagiographes, sicut ex inspiratione Spiritus Sancti scribentes (sicut Job, David, Salomon et hujusmodi), n’ont eu que des visions intellectuelles. Les premiers sont donc plus proprement des prophètes que les seconds. Pour résoudre cette objection (la 3 « de la q. clxxiv, a. 2, de la II"- II*), le saint docteur explique la distinction entre les prophètes et les hagiographes. Les premiers reçoivent parfois la connaissance d’une vérité surnaturelle par une vision, produite dans leur imagination ou dans leur intelligence. Parfois, la lumière intellectuelle est donnée à l’un d’eux, non pour connaître des vérités surnaturelles, mais pour juger de vérités rationelles selon la certitude de la vérité divine. Les prophètes d’office ont eu des visions qui leur faisaient connaître des vérités surnaturelles. Unde ex persona Domini loquebantur, dicenles ad populum : Hœc dicit Dominus, quod non faciebant illi qui hagiographa consrripserunt : quorum plures loquebantur frcquentius de liis quæ humana ratione cognosci possunt, non quasi ex persona Dei, sed ex persona propria, cum adjutorio tamen luminis divini. Sum. theoL, II^’Ila^, q. clxxiv, a. 2, ad 3um.

En d’autres termes, Vacceptio rerum, ou la révélation, qui n’a pas toujours lieu, même pour les prophètes d’office ou prophètes proprement dits, qui ne se rencontre pas d’ordinaire chez les hagiographes, n’est pas de l’essence de l’inspiration. Pour être inspirés, il suffit aux prophètes eux-mêmes d’avoir reçu dans leur intelligence la lumière divine pour juger de la vérité divine des choses qu’ils avaient vues, et aux simples hagiographes d’écrire des vérités rationnelles, à l’aide de la lumière divine, de telle sorte que leur intelligence soit éclairée par Dieu pour les écrire, Cependant l’inspiration rentre dans le genre de la prophétie, mais elle est seulement quiddam imperfectum in génère prophetix. Sum. theol.. Il" liée, q. cLxxi, a. 5. Cf. Holzhey, op. cit., p. 89-93 ; J. Lagrange, Inspiration des Livres saints, dans la Revue biblique, 1896, p. 206-210 ; cf. ibid., p. 499-505 ; C. (chauvin. L’inspiration des divines Écritures, Pavis, s. d. (1896), p. 25-39. M. Chauvin a justement interprété saint Thomas ; mais le P. Lagrange et l’interprétation « thomiste » moderne s’éloignent de l’ange de l’école, quand ils excluent la révélation de la notion d’inspiration ou bien n’en font qu’un antécédent de celle-ci. D’après le docteur angélique, en effet, Vacceptio rerum, qui est le propre de la prophétie strictement dite, peut être accordée même aux hagiographes, puisque des visions intellectuelles leur sont données quantum ad judicium et acceptionem simul.

Pour Duns Scot, les prophètes qui avaient connu par révélation divine les choses qu’ils annonçaient, ne pouvaient douter de leur certitude ni ne pas leur donner leur assentiment. Leur certitude toutefois n’avait pas l’évidence de la chose, qui serait en contradiction avec la foi. Elle était néanmoins ferme autant que la certitude de la science, produite par les principes connus ou l’évidence des termes, quoiqu’elle provînt d’ailleurs. In IV Sent., t. III, dist. XXIV, n. 17.

Henri de Gand distingue, dans les œuvres d’art, l’artiste, qui dirige l’œuvre, et l’ouvrier, qui applique les règles tracées par l’artiste. Celui-ci assurément est l’auteur du chef-d’œuvre. Il en est de même dans toutes les sciences : le créateur de chacune d’elles en