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INSPIRATION DE L'ÉCRITURE


et spécialement à Cassiodore les termes par lesquels il aflirme que tous les prophètes ont parlé par la révélation du Saint-Esprit, et il appelle David la llùte du Saint-Esprit. In psulmos, prref., P. L., t. cxci, col. 55. Eu expliquant le ps. xciv, il dit que l’intelligence du psalmiste, remplie des célestes aliments, éructât verbum, et que David, veluti calamus Spiritus Sancti, écrit rapidement et sans effort ce qu’il dit. In ps. jTi/r, col.437, 438.

Au milieu de ses erreurs sur le canon des Écritures, voir ici col. 272, Hugues de Saint-Victor introduit une distinction féconde que saint Thomas d’Aquin adoptera sous une autre forme. Il appelle prophètes « de grâce » ceux à qui Dieu per inlernam inspirationcm dabat notitiam rerum, quam nec natura nec clisciplina habere poteral, sed sola gratta, sicut David et Daniel et Job. Leurs livres, bien qu’ils contiennent des prophéties, sont cependant rangés parmi les hagiographes. Il les distingue ainsi des prophètes « de mission et d'élection », qui étaient les prophètes proprement dits. De Scripluris et scriptoribus, c. xii, P. L., t. clxxv, col. 19 ; De sacramentis, 1. 1, prol., c. vii, t. clxxvi, col. 43. L’inspiration des hagiographes dilîère donc de la révélation, faite aux prophètes de mission et d’ofiîce.

A cette époque, les commentateurs des Livres saints demeurent fidèles à la doctrine de la révélation et de la dictée. Voir Rupert de Doutz, //i Abdiam, P. L., t. cxLviii, col. 377-379 ; Hervé de Bourgdieu, In Isaiam, t. I, P. L., t. clxxx ; col. 18 ; Richard de Saint-Victor, In Apoc., t. I, c. i, P. L., t. cxcvi, col. 686-688.

Les théologiens scolastigues.

Alexandre de Halès prouve que l'Écriture vient de Dieu, comme ks autres sciences, mais non de la même manière, car elle contient le vrai et le bien, qui proviennent du Saint-Esprit. Suni.iheoL, P, q. i, m. ii. De plus, quant à la manière de connaître le vrai et le bien, elle est plus certaine que les autres sciences, puisque son contenu est connu par inspiration, par le témoignage de l’Esprit et par goût. Ibid., m. iv, a. 2. Or, la manière d’enseigner du Saint-Esprit a été multiple et différente, a. 3.

Guillaume d’Auv^rgie attribue à la révélation divine les connaissances prophétiques. De anima, part. VII. Cette révélation s’est faite par des Irradiations de l’Esprit. De universo, part. I, c. xlvi. Ces irradiations se sont produites durant l’extase ; elles ont été faites dans l’esprit des prophètes et leur ont rendu présentes les choses sublimes, cachées et spirituelles. La clarté prophétique est une vision bien plus sublime et plus noble que les connaissances et les sciences philosophiques. C’est une irradiation de la lumière divine, ou une illumination, ou même une révélation des choses cachées et secrètes, qui ne peuvent être connues ni par l’intelligence ni par les sens de l’homme. De anima, part. XXXI. Guillaume définit ensuite l’extase qui exalte la puissance de connaître, part. CXXII, et il la distingue du ravissement, part. XXXIV.

Albert le Grand distingue la science théologique de toutes les autres sciences humaines. Celles-ci sont des sciences acquises, la science divine vient de la révélation. Elle ne provient donc pas de Dieu de la même manière que les autres, puisque Dieu l’a révélée, et il l’a révélée, non pas comme la philosophie, qui a été révélée par la lumière g nérale de la raison, mais par la lumière surnaturelle, puisque l'Écriture a été inspirée par le Saint-Esprit, par le moyen d’une lumière surnaturelle, qui découle de cet Esprit, comme du premier principe. Siim. theol., l^, tr. I, q. iv. Cf. In IV Sent., l. I, dist. II, a. 5. Tout ce que contient l'Écriture n’a pas été révélé au sens propre du mot, ainsi l’histoire, les paraboles, la morale et tout ce qu’on peut

connaître de Dieu par la raison. Sum. theol., D, tr. I, q. V, m. III. Albert expose ensuite les différents modes de révélation : par l’interinédiaire des anges, ou en figures et en imaginations. Mais le Saint-Esprit a parlé à David par lui-même. Comment ? Cordi ejus injundens sincerissimam veritatem, et ipsum movens ad ea cloqiiendnm in exultatione oris et operis, qiiæ inleriu.s inspirabat… Aperte ei loqæbatur Spiritus et sine nubilo figururum. Dans le prologue de son commentaire sur l'Évangile de saint Jean, il distingue les visions corporelles ou sensibles, les visions dans l’imagination et les simples visions intellectuelles et il déclare que l’apôtre bien-aimé a joui de toutes ces sortes de vision. Le Saint-Esprit mouvait David, qui était mù. In psalmos, pnef. David est donc le plus grand des prophètes quant au mode de son inspiration : Audiebat enim quid loqæbatur in eo Dominas Deus ; aliis autem loqæbatur per visiones et angelos et eenigniata. In IV Sent., I. I, dist. II, a. 23. David a décrit le mode propre de son inspiration dans le ps. xLiv : la parole qu’il chante ne vient pas de lui, mais de Dieu ; il est mù lui-même par le Saint-Esprit, et il ne rencontre point d’obstacle. Bien plus, sa langue est le calame du scribe, calame qui ne fait rien de luimême, car elle est mue par le Saint-Esprit. Cette façon d'écrire est l’illumination du cœur, qui fait comprendre ce qui est dit. Cette illumination est subite, et la prophétie n’impose pas d’etïort au psalmiste ni de pensée personnelle ; c’est une irradiation divine. In ps. XLiv.

Pas plus que ses devanciers, saint Thomas d’Aquin n’a traité e.r professa de l’inspiration de l'Écriture. Il en a parlé en passant, à l’occasion d’autres questions théologiques. Il a notamment résumé, à plusieurs reprises, les données traditionnelles sur le rôle respectif de Dieu et de l’homme dans la rédaction des Livres saints par cette formule lapidaire, que l’on trouve fréquemment citée : Deus est auctor principalis Scriptura homo autem instrumentum. Mais il n’en a déduit aucune théorie sur la nature de l’inspiratio.i scripturaire. Il a longuement étudié la prophétie en paroles et en actes symboliques, et il a exposé son essence, ses causes, la manière dont se produit la connaissance prophétique et les diverses sortes de prophéties. Sum. theol.. IIa-IIæ*, q. CLXXi-CLXxiv. Tout l’enseignement traditionnel y est condensé, expliqué, précisé et développé à la manière propre au docteur angélique. Il y est question des diverses sortes de visions : imaginatives, intellectuelles et spirituelles, et de l’extase, que saint Thomas attribue aux prophètes de l’Ancien Testament. Or, au sujet du mode de connaissance prophétique, saint Thomas aborde ce que nous appelons aujourd’hui la psychologie du prophète.

Comme son maître Albert le Grand, il distingue l’inspiration, de la révélation. Voulant prouver que la prophétie consiste premièrement et principalement dans la connaissance, il se pose cette objection : Sical revelatio pertinet ad intellectum, ita inspiratio videtur pertinere ad afjectuni, eo quod importet motionem quamdam. Sed prophetia dicitur esse inspiratio vel revelatio, secundum Cassiodorum (in Prolog, super Psalt., cap. r). Ergo videtur quod prophetia non magis periineat ad intellectum quam ad af/ectum. Il y répond : In prophetia requiritur quod intentio mentis elevetur ad percipenda dii’ina… Ilœc autem elevatio intentionis fit Spirilu Sanctu movente…. Postquam autem intentio mentis elevalu est ad superna, percipit divina… Sic igitur ad prophcliam requiritur iri’ipiratio quantum ad mentis eleixUionem, revelatio autem quantum ad ipsam perccptionem divinorum, in quo perfuitur prophetia, et per ipsam removetur obscaritatis et ignorantiw velamen… Sum. theol., ID-Il*, q. clxxi, a. 1, ad 4°™. C’est ainsi qu’est introduite la motion ou le mouvement

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