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INSPIRATION DE L’ECRITURE


III, P. L., t. Lxxii, col. 700. Le pape saint Grégoire le Grand, au contraire, est resté dans la ligne de l’ancienne tradition. Les Écritures, rédigées par des hommes saints, ont été éditées par le Saint-Esprit. In I Reg., t. III, c. v, n. 3, P. L., t. lxxix, col. 216217. L’histoire des Rois, parce qu’elle a été composée par le même Esprit que les autres Écritures, n’a pas une autorité moindre qu’elles, car tous ceux qui l’ont écrite sont réputés prophètes. Ibid., proœm., n. 4, col. 20. Cꝟ. t. V, c. I, n. 1, col. 313. Elle a été écrite tout entière par l’inspiration du Saint-Esprit. L. III, c. IV, n. 5, col. 184. Job a écrit ce que le Saint-Esprit lui dictait ; aussi a-t-il pu parler de lui-même comme d’un autre, parce que l’Esprit inspirait son œuvre. Tous les autres écrivains sacrés ont fait de même, notamment Moïse, parce qu’ils agissaient sous l’impulsion du Saint-Esprit. Saint Grégoire en conclut que, puisque les Écritures sont de celui qui les inspirait, il n’est pas nécessaire de connaître les hommes inspirés, étant donné que l’Esprit Saint parlait par eux’tous. Moral., præf., c. i, n. 2, 3, P. L., t. lxxv, col. 517518. Cf. Hom. in Ezech., t. I, homil. ii, n. 8, t. lxxvi, col. 799. Saint Grégoire place donc au premier plan l’action de l’Esprit inspirateur, et au second plan, à un rang làen inférieur, celle des écrivains inspirés.

Saint Isidore de Séville, après avoir énuméré les écrivains sacrés, affirme leur inspiration divine. Mais selon la foi, l’auteur principal des Écritures, est le Saint-Esprit. C’est lui-même qui a écrit, en dictant à ses prophètes ce qu’ils devaient écrire. De eccl. ofjîciis, t. I, c. xii, n. 13, P. L., t. lxxxiii, col. 750. Cf. Etijm., t. VI, c. ii, n. 50, t. lxxxii, col. 235. Saint Isidore distingue trois genres de prophétie : la vision corporelle, la vision spirituelle et la vision intellectuelle. D’autres en comptent sept genres. Etijm., t. VII, c. VIII, n. 1, 33-40, col. 283, 286. Il résume donc ses prédécesseurs.

Le Véntrable Bède dit que les prophètes et les apôtres ont écrit par l’inspiration du Saint-Esprit. Epist., II, P. L., t. xciv, col. 667. Si saint Luc a écrit ce qu’il lui a paru bon d'écrire, il a voulu dire que ce ne fut pas comme de lui-même, mais à l’instigation du Saint-Esprit. 7/1 Lac, t. I, proœm., t. xcii, col. 307-308. Le Saint-Esprit dirigeait sa plume. Super Acta aposL, ad Accam epist., col. 938. Jean, instruit par une révélation céleste et enivré de la grâce du Saint-Esprit, a réfuté tous les hérétiques. In S. Joa. Ev. expositio, c. I, col. 637 ; Homil., 1 I, homil. viii, t. xciv, col. 49.

Alcuin explique l’origine céleste des deux Testaments, parce que les saints ont écrit sous la dictée de Dieu, parce que le Saint-Esprit, qui est Dieu, les a dictés lui-même. Inscriptiones sacri codicis, P. L., t. CI, col. 727-735.

Pour l’abbé Smaragde, saint Paul ne parlait pas d’après son intelligence propre et il ne dispensait pas une doctrine qu’il avait trouvée par son génie, mais c'était l’Esprit-Saint, qui la lui suggérait. Collcctiones in Epist. et Ev., P. L., t. on, col. 28.

Sedulius Scotus dit que Luc n’a écrit son Évangile qu'à l’instigation du Saint-Esprit. Exposiliuncula' et argumenta secundum Lucam, P. L., t. ciii, col. 287, 288. Marc apprit l’histoire de Notre-Seigneur de la bouche de son maître, saint Pierre, mais il l'écouta, prout Spiritus Sanctus ejus intellectum gubernabat. Exposit et arg. sec. Marcum, col. 284. Paul avait reçu des révélations, et il était prophète. Collectiones in I ad Cor., c. XV, col. 157 ; in Epist. ad Gal., c. i, col. 182 ; in Epi.it. ad Phil, c. i, col. 213.

Raban Maur compile les anciens Pères, dont il reproduit les témoignages. Walafrid Strabon confond inspiration et révélation, ainsi que Haymon d’Halberstadt, qui parle aussi de dictée. Ce dernier explique encore les différentes espèces de visions prophétiques.

Cf. Leitner, op. cit., p. 185-190 ; K. Holzhey, Die Inspiration der hl. Schrifl in der Anschauung des Miltelallers, von Karl rfem Grossen bis zum Konzil von Trient, Munich, 1895, p. 1-78.

Conclusion. — Durant l'ère patristique, les écrivains ecclésiastiques, orientaux et occidentaux, ont donc étudié surtout l’inspiration ad loquendum. Beaucoup lui ont assimilé l’inspiration ad scribendum et par suite ils ont regardé celle-ci comme une révélation divine, accordée aux auteurs inspirés dans la rédaction même de leurs ouvrages. Quelques-uns cependant, tout en maintenant la révélation directe, au moins antécédente, aux prophètes de l’ancienne alliance, ont présenté l’inspiration des autres hagiogi-aphes comme une simple inspiration de l’Esprit Saint, une suggestion, une motion ou instigation à écrire, une illumination intérieure de l’intelligence et une direction dans la rédaction de leurs ouvrages. Cette explication devait devenir prédominante chez les théologiens des âges postérieurs. Dans les temps intermédiaires, il y a eu plutôt décadence que progrès dans l’enseignement catholique sur la nature de l’inspiration divine des Écritures.

II. CHEZ LES THÈOLoaiESS.

1° Chez les précurseurs de la scolastique. — Abélard attribue à Moïse et aux prophètes de l’Ancien Testament une révélation du Saint-Esprit, qui aboutit à une dictée de leurs livres. Mais il reconnaît qu'à la parole extérieure se joignait, pour eux, la parole intérieure du Saint-Esprit, qui leur faisait comprendre ce qu’ils écrivaient. Et cette intelligence les distingue des démoniaques, à qui le démon, en les tourmentant, ne communique, dans leur folie, que les mots seulement qu’ils prononcent, et non pas le sens des paroles prononcées. Le Saint-Esprit, quand il parle aux hommes de son choix, les illumine d’abord intérieurement, avant de leur faire dire aux autres par des paroles extérieures ce qu’il leur communique. La voix du prophète s’ajoute donc à la voix divine pour manifester au dehors les choses inspirées. Toutefois, le Saint-Esprit ne faisait pas nécessairement comprendre aux prophètes tous les sens que comportaient ses paroles ; il leur en communiquait un ou plusieurs, mais non pas tous. C’est pourquoi les commentateurs peuvent expliquer diversement une prophétie, sans que les prophètes aient perçu ces divers sens, mais le Saint-Esprit les a prévus et voulus. Serm., xix, P. L., t. clxxviii, col. 514. Cf. Scr/n., XX, col. 516. La révélation, faite aux prophètes par le Saint-Esprit, était donc l’illumination divine par laquelle leur intelligence percevait les choses qu’ils devaient proférer extérieurement par leurs paroles. L’Esprit Saint a inspiré à saint Paul l'Épître aux Romains. Le scribe, auquel l’apôtre la dictait, se nommait Tertius, et ce nom n'était peutêtre pas sans présage : il indiquait que le notaire était tertius in operatione. Spiritus quippe Sanctus inspirabat quæ Apostolus dictabai seu proferebat, quæ iste, qui Tertius dicitur, sua manu scribebat. Comment, super Epist. ad Rom., t. V, c. xvi, col. 976.

Abélard attribue aux philosophes la même inspiration divine qu’aux prophètes de l’Ancien Testament. C’est par elle qu’ils ont annoncé aux gentils la Trinité que les prophètes prêchaient aux ]uifs. Inlroductio ad theologiam, t. I, n. 12, col. 998. Les mêmes philosophes ont décrit aussi diligemment que les saints les vertus morales, la justice, la force, etc., quasi et ipso Spirilu eodem locutos fuisse non ambigant. Theologia christiana, t. II, col. 1174-1175. Par cette comparaison, Abélard diminue étrangement l’idée de la révélation faite aux prophètes et de l’inspiration des écrivains sacrés. Il diminuait aussi le rôle de la foi, en exaltant celui de la raison.

Pierre Lombard emprunte aux anciens docteurs