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INSPIRATION DE L’ECRITURE

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rédaction des prophéties avait été ordonnée par Dieu lui-mcine aux prophètes. La révélation a donc précédé la rédaction de leurs prophéties ; elle n’est pas concomitante, elle a été antécédente à cette rédaction. Cf. Leitncr, op. cit., p. 170-179.

Cependant saint Jérôme parle ailleurs de l’inspiration proprement dite. Il attribue à l’inspiration divine la rédaction des quatre Évangiles canoniques. Si quelques écrivains ont essayé, sine spiritii et gratin Dei, (l’ordonner leurs récits plutôt que d'établir la vérité historique de l'Évangile, l'Église n’accepte que les quatre Évangiles, qui sont l’arche du Nouveau Testament. Or, l’auteur de l’un d’eux, Jean, saturé de révélation après avoir jeûné, a produit un prologue qui vient du ciel. In Matlh., prol., t. xxvi, col. 17-19. C’est comme prophète que Jean a écrit l’Apocalypse. Adv. Jovinianum, t. I, n. 26, t. xxiii, col. 247. Saint Paul a publié dans l'Épître aux Ephésiens une partie des mystères que le Christ lui a révélés. In Epist. ad Epit., t. II, t. xxvi, col. 478. Même quand cet apôtre parle selon son conseil, I Cor., vii, 25, en conseillant aux vierges de ne pas se marier, il ajoute qu’il croit cependant avoir l’esprit de Dieu, 40. Epist., xLviii, c. VIII, t. XXV, col. 499. Même quand il dit aux Galates : Ecce ego Pauhis dico vobis, v, 2, il ne faut pas prendre ces paroles comme si elles étaient de Paul seul, mais comme étant du Seigneur. In Epist. ad Gal., t. III, t. XXVI, col. 394. Quand il leur parle de leur retour à la vérité, v, 10, ce n’est pas pure conjecture, comme quelques-uns le pensent, mais il est rempli de la grâce prophétique ; il prévoit en esprit et il a confiance en Dieu qu’il prophétise l’avenir qu’il connaît. Ibid., col. 403. Dans tout ce que Paul a dit, le Christ parlait en lui. Aussi les raisons que quelquesuns croyaient avoir de ne pas attribuer à Paul l'Épître à Philémon, comme s’il était indigne du Saint-Esprit de s’occuper des nécessités corporelles, ne paraissent pas valables k saint Jérôme. En accusant cette Épitre de simplicité, ils montrent, dit-il, leur impéritie ; ils ne comprennent pas la vertu et la sagesse, cachées dan ; chacune des paroles, et il s’ingénie à montrer que tout le contenu de la lettre a été écrit sous la suggestion du Saint-Esprit. In Epist. ad Pliile., prol., col. 599-602 ; 4 sq., col. 609. Ces derniers passages ne semblent pas exiger une révélation préalable, opérée par le Saint-Esprit. L’Esprit Saint suggère, inspire, si l’on veut, il ne révèle pas. Que le Christ parle en l’apôtre, cela se signifie pas nécessairement une révélation des paroles prononcées ou écrites ; saint Paul, en les disant, en les écrivant, parle et écrit selon l’esprit du Christ, et non d’après son sentiment personnel. Ces passages établissent donc, à mon avis, une différence entre l’inspiration des prophètes et celle de saint Paul. Si cet apôtre a énoncé aux Éphésiens quelques-uns des mystères qui lui avaient été révélés, tout le contenu de l'Épître qu’il leur adressait, ne lui a pas été révélé au moment où il écrivait. Si saint Jean a reçu révélation du contenu du prologue de son Évangile, il ne s’en suit pas que tout le reste lui a été révélé. Saint Jérôme dit, il est vrai, que le Saint-Esprit a dicté à saint Paul l'Épître aux Romains et que, par suite, l’interprète a besoin des lumières de cet Esprit, pour expliquer les passages difficiles de la lettre. Epist., cxx, ad Hcdibiam, c. ix, t. xxir, col. 927. Faut-il prendre littéralement l’expression « dicter » et l’entendre expressément d’une révélation directe des mots eux-mêmes ? Il ne semble pas, puisque saint Jérôme remarque souvent l’activité propre des écrivains sacrés dans renonciation des pensées divines. Voir plus loin. En conséquence, je n’admets pas sans restriction la conclusion, de M. Schade, Die Inspirationslehre des tieiligen Hieronymus, p. 27, que pour le saint docteur, toute l'Écri DICT. DE THÉOL. CATHOL.

ture est un produit de la révélation directe de Dieu. Cela est vrai de l’annonce de l’avenir, faite par les prophètes, qui, en écrivant si souvent : Hœc dicit Dominus, rapportaient les paroles divines qu’ils avaient entendues et dont ils se souvenaient. In Jer., xxiii, 23, 24, t. XXIV, col. 826. Cela n’est pas expressément affirmé de tous les hagiographes par saint Jérôme lui-même, qui emploie les expressions de « suggérer >, d' « inspirer », qui, sous sa plume, ne sont pas toujours synonymes de « révéler. » Cf. L. Sanders, Éludes sur saint Jérôme, Bruxelles, Paris. 1903, p. 97-121 (Schade, op. cit., p. 21-41).

On a vu plus haut, col. 2092, que Benoît XV, dans l’encyclique Spiritus Paraclitus, du 15 septembre 1920, reconnaît que saint Jérôme a affirmé la composition des Livres saints sous l’inspiration, ou la suggestion, ou l’insinuation, ou même sous la dictée de l’Esprit Saint, et en même temps que chacun des écrivains sacrés, conformément à son caractère et à son génie, a prêté librement son concours à l’inspiration divine. Ainsi le saint docteur, continue le souverain pontife, « n’affirme pas seulement sans réserve ce qui i st l'élément commun des écrivains sacrés, à savoir que leur plume était guidée par l’Esprit de Dieu, au point que Dieu doit être tenu pour la cause principale de chacune des pensées et des expressions de l'Écriture, il discerne encore avec soin ce qui est particulier à chacun d’eux, à de multiples points de vue : ordonnance des matériaux, vocabulaire, qualités et forme du style, il montre que chacun a mis à profit ses facultés et forces personnelles ; il arrive ainsi à fixer et à dépeindre le caractère particulier, les notes, pourraiton dire, et la physionomie propre de chacun d’eux, surtout pour les prophètes et l’apôtre saint Paul. Pour mieux expliquer cette collaboration de Dieu et de l’homme à la même œuvre, Jérôme donne l’exemple de l’ouvrier qui emploie à la confection de cjuclque objet un instrument ou un outil ; en effet, tout ce que disent les écrivains sacrés « constitue les paroles de Dieu, non leurs paroles à eux, et en parlant par leur bouche, le Seigneur s’en est servi comme d’un instrument. » (Tract, de ps. Lxxxrui, G. Morin, Anecdota Maredsolana, Maredsous, 1903, t. m c, p. 53.) Si maintenant nous cherchons comment il faut entendre cette influence de Dieu sur l'écrivain sacré et son action comme cause principale, nous verrons aussitôt que le sentiment de saint Jérôme est en parfaite harmonie avec la doctrine commune de l'Église catholique en matière d’inspiration : Dieu, affirme-t-il, par un don de sa grâce, illumine l’esprit de l'écrivain pour ce qui touche à la vérité que celui-ci doit transmettre aux hommes ex persona Dei ; il meut ensuite sa volonté et la détermine à écrire ; il lui donne enfin assistance spéciale et continue jusqu'à l’achèvement du livre. C’est principalement sur ce concours divin que le très saint homme fonde l’excellence et la dignité incomparable des Écritures, dont il assimile la science « au riche trésor, » (In Matlh., xiii, 44, P. L., t. xxvi, col. 94 ; Tract, in ps. Lxxvii, G. Morin, Anecdota Maredsolana, Maredsous, 1897, t. m b, p. 02) et « à la noble pierre précieuse ; » (In Mattli., xiii, 45 sq., ibid., ) dont il assure qu’elles recèlent les richesses du Christ (Quæst. in Gen., præf., P. L., t. xxiii, col. 936) et « l’argent qui orne la maison de Dieu. » (In Agg., ii, 1 sq., P. L., t. xxv, col. 1404. Cf. In Gai, II, 10, t. xxvi, col. 338, etc. Acta apostolicx sedis, 1920, t. XII, p. 889-890. Cf. F. Valente, S. Girolamo e l’cncyclica Spiritus Paraclitus, p. 27-30.

Saint Augustin a, sur la nature de l’inspiration, une doctrine plus souple et plus variée que celle de saint Jérôme. Selon lui, la volonté divine poussait les prophètes à parler. Mais Dieu leur communiquait les choses qu’il voulait leur faire dire, par trois sortes de

VII.

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