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INSPIRATION DE L’ECRITURE

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compte la comparaison de la lyre, et il l’applique non plus aux prophètes de l’ancienne alliance, mais bien aux écrivains inspirés du Nouveau Testament. « La langue de saint Jean parlait par le mouvement de la grâce divine, et son âme était comme une lyre que le Saint-Esprit touchait. » In Jnn., homil. i, n. 1, 2, P. G., t. lix, col. 25, 26. Saint Paul était xb aTÔjxa toû XpiCTTO’j, yj X’jpa -où IIve’JfxaTOç. De Lazaro, conc. vi, n. 9, t. xlviii, col. 1041. Sa’oix était i] Gilmyt èxTtôv oûpavwv, v) Xûpa 7) Tcveu|i, aTtxy]. Ad populiim Anliochenum, homil. i, n. 1, t. XLix, col. 18. La comparaison perd sa signification passive et prend une allure active qu’elle a encore sous la plume de Théodoret, quand il dit que saint Paul a été l'ôpyocvov de la grâce du Saint-Esprit, In Epist. ad Rom., xii, 3, P. G., t. lxxxii, col. 188, et quand il appelle l’apôtre [AsydcX-/] to’j IIveù[ji.aTOç odcXTriyÇ. Dial., III, t. lxxxiii, col. 256. On n’a donc pas attendu le xxe siècle pour donner à cette comparaison une signification très juste, comme le dit M. O’Reilly, p. 495-496. De cet ensemble je suis porté à conclure que, dans son emploi primitif, la comparaison avait un sens très acceptable et ne présentait pas l’inspiration prophétique comme une action « mécanique » de l’Esprit Saint sur les prophètes, et que, quand elle était appliquée aux écrivains sacrés, elle marquait exactement le double rôle de l’Esprit et des inspirés, le premier étant initiateur et révélateur, le second convenant à des collaborateurs intelligents et soumis. Bref, elle exprimait, en termes imagés, ce que saint Thomas d’Aquin dira au xiiie siècle, sans métaphore et en termes scolastiques très expressifs : Spiriliis est auctor principedis sacnv Scripturæ, Iwmo inspiralus est instrumentum. Qiwdlib., VII, a. 16 ; De potentia, q. IV, a. 4, n. 8 ; Stim. Tiwnl., I^, q. i, a. 10.

2° L’auteur de la Cohortutio et Athénagore avaient dit que les prophètes étaient en extase au moins quand ils recevaient les communications divines. Cette explication, empruntée à Philon, n’a pas été universelle au ne siècle. Saint Irénée n’en parle pas, en traitant de l’inspiration prophétique. Puisque l’Esprit de Dieu annonçait l’avenir par les prophètes, il était nécessaire que ceux-ci vissent Dieu, sinon face à face, du moins dans une image de sa gloire. Cont. hxr., t. IV, c. xx, n. 8, P. G., t. VII, col. 1037. Mais quand ils avaient vu Dieu, comment agissaient-ils ? Ils annonçaient favenir de différentes manières, non seulement par la parole, mais encore par la vision et par la conversation et par leurs actions, secundum id qiuid suggerebat Spiritus. Or, quand ils annonçaient le Christ, quæ quidem videnda erant visibilitcr videntes, quai vero audienda erant, sermone præconantes, qiiæ vero agenda erant, operatione perficientes. universa vero prophelice annuntiantes. Et l'évoque de Lyon tire de l'Écriture des exemples de ces diverses manières de prédire l’avenir, col. 1037-1043. En tout cela, les prophètes avaient une part d’activité. Quant à leur état au moment de la révélation que Dieu leur faisait de l’avenir, s’ils avaient été en extase lors de leurs vivions des choses célestes, revenus à eux-mêmes, ils se souvenaient de ce qu’ils avaient vu et entendu et ils l’annonçaient aux autres. L. II, c. xxxiii, n. 3, col. 832. Ils n'étaient donc pas hors d’eux comme les devins païens, puisqu’ils gardaient fusage de la mémoire. Si, pour Irénée, les Écritures sont de FEsprit, si elles sont les paroles du Christ, t. IV, c. ii, n. 3, col. 1001, elles sont aussi les paroles de Moïse et des prophètes. La pensée d' Irénée n’a donc pas toute la portée que lui attribue M. O’Reilly, loc. cit., p. 496-499, 506-507. La distinction entre révélation et inspiration dans l’Ancien Testament n’est pas inconnue de saint Irénée, bien qu’il ne l'énonce pas explicitement. Il faudrait dire au moins que le prophète hébreu écrivait sous l’inspiration du Saint-Esprit ce qu’il avait appris par

les différents modes de la révélation divine, et en cela ses facultés naturelles, avaient un autre rôle que celui de la simple mémoire.

D’ailleurs, M. O’Reilly reconnaît que saint Irénée a nettement distingué, dans les écrits du Nouveau Testament, la révélation, qui venait de Jésus-Christ, de l’inspiration des apôtres, qui prêchaient et mettaient par écrit cette révélation. Par la volonté de Dieu, Matthieu et Jean ont rédigé l'Évangile qu’ils avaient prêché. Marc a consigné la prédication de Pierre, et Luc cellede Paul, ibid., t. III, c. i, col. 844 sq., en y ajoutant ce qu’il avait appris des autres apôtres. L. ill, c. XII, n. 2, col. 232 ; cꝟ. t. IV, præf., n. 3, col. 974. Le livre des Actes est une Écriture. L. III, c. xii, n. 5, col. 897. Saint Luc, son auteur, a rapporté la doctrine des apôtres Pierre et Paul, de leurs disciples et de fÉglise primitive, mais il a aussi narré ce qu’il avait vu et entendu. L. III, c. xv, n. 1, col. 917.

Or, aucun des écrivains du Nouveau Testament, hormis l’auteur de l’Apocalypse, n'était prophète. Ils n’avaient donc pas appris par révélation ce qu’ils écrivaient, et cependant ils étaient inspirés, en écrivantrSous l’action inspiratrice, ils jouissaient de leurs facultés naturelles et ils les mettaient en exercice Aussi saint Paul fait-il dans ses Épîtres, beaucoup d’hyperbates, à la fois propter velocitatem sermonum suorum et propter impetum qui in ipso est Spiritus. L. III, c. VI, n. 2, col. 863.

Quant à l’extase prophétique, telle que l’admettaient les premiers théologiens, elle fut bientôt formellement exclue par leurs successeurs, à cause des excès des montanistes. Ces hérétiques annonçaient une nouvelle économie, différente de celle du Père sous l’ancienne loi et de celle du Fils sous la nouvelle loi, l'économie du Saint-Esprit. Or, la nouvelle économie avait, comme les précédentes, ses prophètes et même ses prophétesses. L’Esprit s’emparait subitement du nouveau prophète, le ravissait en extase, et le prophète, hors de lui, avait des visions et publiait ce qu’il avait vu. Saint Épiphane a transcrit les paroles de Montan qui décrivait cet état extatique : 'ISoù avOpcoTcoç ôiCTEt. Xùpa xàyôi ÏKZ&.iiot.i wcrsl TTXrJK-pov. 'O àv6pcoTîoç xoifxôtTai, xàyà) yprjyopôj. 'ISoù Kùpioç èoxiv 6 èxcTTclcvcov KotpSîaç àvOpcÔTTcov, xal SiSoùç xapStaç a v6poj7roiç. Hwr., xlviii, n. 4, P. G., t. xli, col. 861. C'était la doctrine primitive sur l’inspiration extatique. Tertullien, devenu montaniste, distinguait bien les divers modes des colloques divins du Christ avec les prophètes : la vision, le songe, le miroir et l'énigme, Adv. Praxeam, c. xvii ; P. L., t. ii, col. 174175, mais il admettait l'état extatique des prophètes. Il définissait l’extase Spiritus viiii, prophétise operatricem. De anima, c. xt, xxi, col. 665, 684 ; excessum mentis et amentiæ instar. Il disait qu’extasis animw accessit aduersus quietem. C'était une folie, qui nec exterminât, sed avocat mentem, et qui agite. Ibid., c. XLV, co}. 724, 726. L'âme, cum vaticinatur, cumfurit, ab atio movctur c.vi, col. 695, Comme Pierre au moment de la transfiguration de Jésus, l’homme, saisi par l’Esprit, ne savait pas ce qu’il disait ; il avait nécessairement perdu le sentiment et il était couvert par l’ombre de la vertu divine. Adv. Marcionem^ t. IV, c. xxii, col 413. Les véritables prophètes étaient pour lui dans le même état extatique que Montan et que ses prophétesses.

L’inspiration désordonnée et excentrique des prophètes montanistestament les docteurs chrétiens à distinguer l’in-spiration des anciens prophètes d’Israël et des écrivains sacrés, de celle des nouveaux prophètes. Le rhéteur Miltiade avait composé un traité intitulé : IIspl toû ii.7) Seïv npocpriTy^v Iv ïy.r ! -é.azi XocXeïv. Les catholiques exclurent de la véritable prophétie et de l’inspiration divine l’extase ou la priva-