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INSPIRATION DE L’ECRITURE

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ments passifs sous l’action du Saint-Esprit et qu’ils gardaient leur activité propre. Si d’ailleurs la Cohortatio était bleu autheutiqucment de Justin, cet apologiste serait le premier théoricien de l’inspiration. € Pour lui, l’inspiration est plus qu’une illumination de l’esprit humain par l’Esprit de Dieu. C’est une vraie dictée, et la passivité des écrivains sacrés est absolue : les prophètes — car Justin parle exclusivement des prophètes — sont un instrument dont Dieu se sert pour révéler aux hommes les mystères de la vérité. Dieu les choisit comme il lui plaît, là où il lui plaît et pour être choisi, pas n’est besoin de talent ou de science, c’est un don de Dieu. » E. Rabaud, Histoire de la doelrine de rinspirnlion des saintes Êcriures, etc., Paris, 1883, p. 11-12.

Tout en reconnaissant que la Cohorlatio n’est pas de saint Justin, M. O’Reilly a trouvé dans les écrits les plus authentiques du philosophe conveiti, des passages, « d’après lesquels la part d’activité du prophète dans la composition de ses discours ou de ses livres est réduite presque à rien. » Les deux premiers textes, empruntés à la Z" Apologie, ne prouvent rien. Le plus clair, celui du Dialogue, 7, col. 490, dit seulement que les prophètes « parlaient par l’Esprit » et que « remplis du Saint-Esprit, ils disaient ce qu’ils avaient vu et entendu. » Sans doute, dans la I"^ Apologie, 36, col. 389, il est dit que, quand les prophètes parlent en leur propre nom, ce ne sont pas eux qui parlent, « mais le Verbe divin qui les meut. » Toutes leurs prédictions sont donc rapportées au Verbe, qui, comme un écrivain humain, qui rédige son livre tout entier, met en scène des interlocuteurs différents. Les textes du Dialogue, cités plus haut, montrent que le Verbe parle et écrit par les prophètes ; il n’a donc pas toute l’activité, les hommes inspirés gardent la leur. Saint Justin n’a donc pas eu « ce concept exagéré d’après lequel les prophètes étaient dans une passivité trop absolue. » L’inspiration de l’Ancien Testament chez saint Irénée, dans la Revue biblique, juillet et octobre 1917, p. 494-495. L’action du Logos n’exclut pas l’activité des prophètes qui n’étaient pas de simples transcripteurs d’une dictée, mais des rédacteurs intelligents de ce qu’ils avaient vu et entendu. Cf. F. Leitner, Die Prophetische Inspiration, Fribourgen-Brisgau, 1896, p. 113-114.

Si la Cohorlatio n’est pas de saint.Justin, elle énonce l’opinion de l’époque. Or, elle dit : « Le plectre divin descend du ciel, se servant des hommes justes comme d’une guitare ou d’une lyre, il nous révèle la connaissance des choses divines, » 8, P. G., t. vi, col. 256-257. La même comparaison est employée par Athénagore. Les prophètes ont parlé de Dieu et des choses divines par l’Esprit divin, qui se servait de leurs bouches comme d’organes. Ils parlaient xar’ëxaTaaiv, xivvjaavTOÇ aÙTOÙç -où 6etou TTvsûpiaTOi ;. Et comment l’Esprit agissait-il sur eux ? Huyyp-^crafjiÉvou TOÙ TTveûiJiaTOi ; ùirszi y.aX aùXY)Tr, < ; aù>, ôv è|i.Tcveùaai. Legatio pro christianis, 7, 9, P. G., t. vii, col. 903, 907. "Au sentiment de Reuss, Histoire du canon des saintes Écritures, 2e édit., Strasbourg, 1864, p. 50-51, et de J. Delitzsch, De inspiratione Scriptune sacrse quid statuerint Paires apostolici et apologetæ secundi sœculi, Leipzig, 1872, p. 45,.Justin et Athénagore compaiaient l’inspiration des prophètes à la mantique païenne, et ils avaient emprunte à Philon la comparaison de la lyre, vibrant sous l’archet céleste. M. O’Reilly adopte cette explication. Loc. cit., p. 494. Or, l’auteur de la Cohorlatio, tout en admettant l’extase des prophètes quand ils vaticinaient, sinon quand ils écrivaient, les distingue cependant de la Sibylle et des devins païens qui, eux, ne comprenaient rien de ce qu’ils disaient durant leur extase et qui ne se souvenaient plus, l’inspiration ayant cessé, de leurs oracles,

37, col. 308-309. I^es prophètes d’Israël ne parlaient pas d’eux-mêmes sans doute, mais par un don de Dieu : toutefois, ils enseignaient ce qu’ils avaient appris de Dieu, 10, col. 261 ; ils s’en souvenaient donc, quand ils prononçaient les oracles divins et quand ils les écrivaient. Or, ils les écrivaient sous l’inspiration du Saint-Esprit, 12, col. 264, et c’est cette inspiration qui est comparée à l’action d’un archet sur un instrument de musique. L’archet était céleste et divin ; la lyre ou la cithare étaient-elles des instruments purement passifs c.onnne la Sybille et les devins païens ? Non. Il faut se souvenir que toute comparaison cloche et par suite ne pas trop presser la comparaison des écrivains sacrés à des instruments de musique, eût-elle été empruntée à Philon, Quis rerum divin, ., 53 (ce qui n’est pas prouvé, d’autant que Philon disait que le prophète n’avait pas conscience des oracles qu’il proférait. De monarchia, 3). Il faut tenir compte de la différence des deux termes de la comparaison. De leur nature, une lyre, une guitare sont des instruments muets et privés de raison ; les prophètes étaient doués d’intelligence et du langage. Si l’artiste fait vibrer la lyre et en tire un son harmonieux, l’Esprit Saint, en agissant sur les prophètes et les écrivains sacrés, les poussait à parler et à écrire et, quand ils écrivaient, il se servait de leurs facultés naturelles, de leur intelligence, pour qu’ils exprimassent, sous son inspiration céleste, ce qu’il voulait révéler aux hommes des choses divines par le moyen de ces instruments intelligents, qui n’étaient pas purement passifs sous son action, mais qui y coopéraient pour écrire ce que l’Esprit leur avait suggéré ou révélé.

Du reste, la comparaison des écrivains sacrés à des instruments de musique n’est pas exclusivement propre à ces deux écrivains du iie siècle ; elle a été répétée dans les siècles suivants, sans que les écrivains ecclésiastiques qui l’employaient, l’aient pressée outre mesure et lui aient donné le sens de pure passivité qu’y voient certains historiens modernes de l’insjjiration. Saint Théophile d’Antioche fait des prophètes des Ôpyava ôeoù. Ad Aul., t. II, c. x, P. G., t. vj, col. 1065. Il ne les considère pas comme des instruments purement passifs, puisque, selon lui, ils reçoivent la récompense de leur coopération, en comprenant la sagesse de l’Esprit. C. ix, col. 1064. Saint Hippolyte compare la façon dont le Verbe de Dieu, avant son incarnation, se manifestait aux prophètes de l’ancienne loi à l’action d’un musicien sur un instrument de musique : les prophètes étaient comme les cordes d’un tel instrument, et le Verbe était l’archet, qui les faisait mouvoir et les poussait à annoncer aux autres les volontés divines. De Christo et Antichristo, 2, édit. Achelis, Leipzig, 1897, p. 4. Mais il explique longuement la nature de cette motion divine : d’abord, le Verbe leur donnait la sagesse, puis il leur enseignait l’avenir par des visions ; ainsi instruits, ils disaient ce que Dieu leur avait révélé et qui était caché aux autres. Les prophètes ne disaient donc que ce qu’ils avaient vu en esprit, et c’est pourqnoi ils étaient appelés « voyants ». Si Dieu leur enlève la liberté, c’est seulement celle de se taire, car il les oblige par l’Esprit Saint à parler, et ceux qui ont reçu l’inspiration de l’Esprit du Père annoncent le dessein et la volonté du Père. Contra hæresim Noeti, 11, P. G., t. X, col. 820.

Clément d’Alexandrie appelle encore les prophètes Ôpyava Œiaç (pciVTjÇ. Slrom., VI, c. xviii, P. G., t. viii, col. 401. Il n’admet pas pour autant que leurs paroles étaient formées par Dieu dans leur bouche, car il reproche aux hérétiques de s’en tenir aux mots bruts de l’Écriture pour en chercher le sens, VIT, c. xvi, col. 533.

Saint Jean Chrysoslome, lui-même, reprend à son