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INQUISITION


ccLxi ; t. Ti, p. 1-89. Bernard Gui, qui rrmplit à Toulouse les fonctions d’inquisiteur pendant dix-sept ans (de 1308 à 1323) eut afîfaire à neuf cent trente coupables. Cf. Douais, Documents, t. i, p. ccv ; Vacandard, L’Inquisition, tableau, p. 322. Le nombre de ceux qu’il condamne à la prison, soit temporaire, soit perpétuelle, s'élève à trois cent sept, c’est-à-dire au tiers environ du chiffre total des hérétiques traduits devant son tribunal. Même proportion, à peu près, de condamnations à la prison perpétuelle dans l’Inquisition appaméenne pendant les années 1318-1324. Cf. Vacandard, loc. cit., p. 233 ; ida, Le tribunal de l’Inquisition de Pctmiers, p. 227 sq.

Nous avons dit que la condamnation au « mur » comportait certains adoucissements, ou même des commutations de peines. La prison à vie était quelquefois changée en prison à temps, l’une et l’autre en pèlerinages ou port de croix. Vingt emmurés de l’Inquisition de Pamiers reçoivent la croix en échange de leur prison. Vidal, ibid., p. 242. Cette indulgence n'était pas particulière au tribunal appaméen. En 1328, par une seule sentence, vingt-trois prisonniers de Carcassonne furent relâchés, quitte à subir d’autres pénitences moindres. Dans le registre des Sentences de Bernard Gui, on trouve cent dix-neuf cas de mise en liberté, avec l’obligation de porter des croix : de ces cent dix-neuf libérés, cinquante et un furent par la suite exemptés du port des croix. Lea, op. cit., t. i, p. 495.

Les prisonniers obtenaient quelquefois des « congés » réguliers pour cause de maladie — les femmes pour cause d’accouchement — oupoursubvenir aux besoins de leur famille. Le terrible Bernard de Caux trouva ainsi le moyen d’adoucir la rigueur de l’une de ses sentences. En 1246, il condamna Bernard Sabbatier, hérétique relaps, à la prison perpétuelle, mais il ajouta que le père du coupable étant un bon catholique, vieux et malade, son fils pourrait rester auprès de lui, sa vie durant, pour le nourrir. Lea, op. cit., 1. 1, p. 486.

Les croix et autres signes d’infamie.

Les croix

étaient une peine infamante, confusibilis ; elles partageaient ce caractère avec la peine du « mur » ou prison. Cf. Bernard Gui, Practica, part. ii, p. 48. « Elles devaient être portées sur les vêtements d’une manière très apparente, comme la roue des juifs. Mais il y avait entre ces deux marques une différence essentielle. C’est que la roue n’avait par elle-même aucun caractère pénal et qu’elle était portée par tous les juifs comme un signe distinctif de la race et de la religion, tandis que la croix n'était imposée aux hérétiques que comme une peine et portée par ceux-là seuls contre lesquels cette peine était prononcée. « La première mention d’imjiosition de croix à laquelle nous puissions assigner une date certaine, est celle de l’acte de 1206, dans lequel saint Dominique impose à l’hérétique Roger Pons, en même temps qu’une pénitence publique, le port d’un liabit spécial sur lequel devaient être cousues deux petites croix de chaque côté de la poitrine. Martène, Thésaurus anecdolorum, t. i, col. 802. Ces deux petites croix devinrent par la suite les deux grandes croix de feutre jaune de la justice inquisitoriale. Concile de Toulouse de 1229, can. 10, Hardouin, Concilia, t. vii, col. 177. On les plaça d’abord par devant, de chaque côté de la poitrine, puis l’une par devant au milieu de la poitrine, et l’autre par derrière entre les épaules. Leurs dimensions, comme leur place, furent rigoureusement déterminées. Le grand bras devait avoir deux palmes et demie de long, et trois doigts de large, et le bras transversal trois doigts de large et deux palmes de long. Concile de Narbonne de 1246, can. 26, Hardouin, Concilia, t. vii, p. 420 : Limborch, Hist. Inquisitionis, p. 13. Ces croix étaient cousues sur chaque vêtement

de dessus, de manière à ce que l’hérétique en fût toujours revêtu, soit au dehors, soit à l’intérieur de la maison. Elles devaient être refaites ou réparées dès qu’elles étaient déchirées ou effacées par l’usure. » Tanon, op. cit., p. 491-492.

Il y avait aussi des croix doubles, Limborch, loc. cit., p. 13, Bernard Gui, Practica, part. III, p. 98, réservées particulièrement à ceux qui s'étaient parjurés en cachant la vérité aux inquisiteurs. Elles étaient formées comme la croix simple, à laquelle on ajoutait un second bras transversal, d’une palme environ. Concile de Narbonne, can. 26, loc. cit.

Certains inquisiteurs appliquaient fréquemment la peine des croix. Dans les sentences de Bernard Gui, par exemple, c’est la peine la plus usitée après la prison ; elle est prononcée contre cent quarante-trois condamnés sur neuf cent trente. Cf. Vacandard. L’Inquisition, p. 322. D’autres impositions de croix résultent des commutations de peines accoi’dées aux « emmurés ». Cf. Limborch, op. cit., p. 7, 9, 40, 100, 185, 213.

Les croix étaient un châtiment très redouté, parce qu’elles exposaient les condamnés aux injures et aux vexations des fidèles. Les conciles et les inquisiteurs eurent beau protester contre ces pratiques odieuses, cf. Tanon, op. cit., p. 495, leurs prescriptions demeurèrent le plus souvent impuissantes. En 1329, l’archevêque de Narbonne en était réduit à menacer ceux qui molesteraient les porteurs de croix de s’en voir imposer à eux-mêmes de semblables. Doat, t. xxvii, fol. 107.

Pour échapper aux vexations et à la honte, les condamnés sollicitaient volontiers une commutation de peine qui leur était quelquefois accordée. De 1308 à 1323, Bernard Gui signale cent trcrûe-deux commutations de cette sorte. Cf. Vacandard, op. cit., p. 322. « La remise était parfois temporaire, comme celle qui a été faite à un condamné, pour un voyage, Registre (le Carcassonne, part. I, fol. 6, ou comme l’exemption générale accordée par les évêques du concile de Béziers de 1246, can. 26, loc. cit., à ceux qui iraient en Palestine combattre les infidèles.. « L’imposition des croix très fréquente pendant toute la période active de l’inquisition monastique, paraît avoir été beaucoup moins usitée, ou même avoir à peu près disparu, dans les temps qui ont suivi. » Tanon, op. cit., p. 497-498.

D’autres signes d’infamie figurèrent dans le code inquisitorial pour châtier certaines fautes spéciales ; ils avaient, comme les croix, un caractère symbolique. C'étaient des langues, des marteaux, des vases, des figures de cire, une hostie, une lettre. Voir pour les détails, Tanon, op. cit., p. 499-500. Deux hosties, l’une par devant l’autre par derrière, étaient imposées à ceux qui avaient profané le sacrement de l’eucharistie ; les langues à ceux qui avaient accusé faussement quelque personne d’hérésie. Les langues étaient de drap rouge et devaient être cousues sur les vêtements, deux par devant la poitrine, deux par derrière entre les épaules.

Les calomniateurs devaient subir en outre la prison perpétuelle et l’exposition publique. Revêtus de leurs langues d’infamie, ils étaient exhibés au sommet d’une échelle, à l’angle d’une rue, au coin d’un marché, ou sur le parvis d’une église, les jours de grand concours populaire, notamment le dimanche. Cette peine était le prologue de leur emprisonnement. Limborch, op. cit., p. 90, 97 ; Bernard Gui, Practica, part. III, p. 105 Douais, La formule Communicato, p. 22, 27.

Pèlerinages et flagellations.

Le pèlerinage expiatoire et la flagellation publique n’apparaissent

qu’assez tard dans la discipline ecclésiastique. Cf. Tanon, op. cit., p. 501-502. Le pèlerinage en Terre Sainte était considéré comme le plus méritoire. Les premiers inquisiteurs l’imposèrent à un grand nombre d’héré-