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INQUISITION


Inquisitionis, p. 933, sentence de Pierre Autier ; Tanon, op. cit., p. 4(16-4(19.

Les relaps pénitents n'étaient pas toujours, à l’orif^ine, condamnés à mort. Sur la variation de la discipline à cet égard, voir Lea, op. cit., t. i, p. 543-546. Mais bientôt la coutume prévalut de les abandonner au bras séculier malgré leur conversion. Cf. S. Thomas, Siim. theol.. 11^ II’P, q. ix, a. 4, scd con/ra. Celle-ci ne leur j.rocurait d’autre avantage que la faculté de recevoir les derniers sacre nents. Cf. concile de Narbonne de 1244, can. Il ; F ernardGui, Prad/ca, part. III, p. 127.

Dans le style des sentences de condamnation, l’hérétique impénitent et le relaps étaient non pas livrés, mais abandonnés au bras, au juge séculier : relinquimus. Cf. Limborch, op. cit., p. 91 ; Bernard Gui, texte cité plus haut. C'était là une formule calculée de langage pour exprimer que l'Église se détournait du coupable et qu’elle laissait au juge laïque la responsabilité du traitement qui devait lui être infligé. Nota quod Ecclesia rf.unqvIT judici swcidari puniendos, TRADERE autem non débet, dit Alain, dans sa glose sur les Décrétales. Cf. Tanon, op. cit., p. 472, note 3.

Les mêmes sentences portaient que le bras séculier devait épargner au coupable la mutilation et la mort ; c'était une prière que l'Église adressait instamment au juge : afjectuose rogantes ut citra niortem et membroTiim nmtilationeni suam judicium moderetur. Bernard Gui Practica, part. III, p. 144. Cf. Limborch, op. cit., p. 255 et passim. Mais cette clause ne pouvait être qu’illusoire. Le juge séculier savait à quoi s’en tenir. Celui cjui l’aurait prise à la lettre et aurait fait au condamné grâce de la -vie, aurait encouru l’excommunication et se serait exposé à toutes les peines réservées aux fauteurs de l’hérésie. Scxl., t. V, tit. ii, c. 18, dans Eymeric, Dircctoriiim, part. II, p. 110 ; c^ ibid., p. xLvn, 360-361. On a donc peine à comprendre une pareille formule. Elle ne s’explique que par une sorte de transmission automatique. Employée d’abord pour des cas autres que l’hérésie, par exemple, pour le droit d’asile, Paul Viollet, Institutions politiques de ancienne France, t. i, p. 403 ; cf. Décrétâtes, t. V, tit. x, c. 27, Novinuis, et t. II, tit. i, c. 10, Cum ab hominc, elle a été ensuite conservée dans les jugements inquisitoriaux par la seule force de la tradition. « Elle palliait la contradiction trop flagrante qui existait entre le fait et l’enseignement évangélique, et rendait un hommage apparent à la doctrine de saint Augustin et des premiers Pères de l'Église. Mais elle avait aussi un autre but : elle fournissait au juge ecclésiastique un moyen… d'éluder, par une déclaration de pure forme, la défense faite aux clercs de jtrendrc part aux sentences de nature à entraîner la mutilation ou la mort et d'éviter l’irrégularité résultant de cette participation. Ce fut là sans doute le motif principal, sinon de son introduction primitive, du moins de son maintien dans les sentences de condamnation…, on ne la trouve pas dans la formule d’abandon au bras séculier, du plus ancien de nos manuels inquisitoriaux, cf. Vacandard, L' Inquisition, p. 320, niais elle figure dans toutes les sentences de Bernard Gui. » Tanon, op. cit., p. 473-474.

La prison.

Après la peine de mort, la pénalité

la plus grave du tribunal de l’Inquisition était la prison ou le « mur », murus. « Suivant, la doctrine inquisitoriale, la prison n'était pas en i-éalité une punition (une peine vindicative), mais un nioyen pour le pénitent d’obtenir, au régime du pain et de l’eau, le pardon de ses crimes : en même temps une surveillance attentive le maintenait dans le droit chemin et l’empêchait de contaminer le reste du troupeau. » Lea, op. cit., t. I, p. 484.

La prison était temporaire pour les hérétiques qui

faisaient l’aveu de leur faute durant « le temps de grâce » ; ceux ((ui ne se convertissaient que sous la pression de la torture et par crainte de la mort étaient « emmurés » à vie. Ce fut aussi le sort réservé en général aux relaps pénitents, pendant une bonne partie du xiii'e siècle. Du moins, Bernard de Caux (1244-1248)' ne leur applique pas d’autre pénalité. Cf. Tanon, op. cit., p. 471, note 4. « Il y avait deux régimes pour les prisonniers : le régime strict, murus strictus, durus, arctus et même strictissimus, et le régime adouci, murus largus. Le captif était enfermé dans une cellule et ne pouvait communiquer avec personne… Toutefois cette règle ne fut pas sévèrement appliquée, car, vers 1306, Geoffroi d’Ablis signale comme un abus les visites^ faites aux prisonniers par des clercs et des laïcs des deux sexes. Déjà en 1282, Jean Galand avait interdit au geôlier de la prison de Carcassonne de manger et de jouer avec les prisonniers ou de les laisser jouer. Doat, t. xxxii, fol. 125. On permettait aux conjoints de se voir s’ils étaient emprisonnés l’un et l’autre ou si l’un des deux seulement était en prison. Vers la fin du xiv siècle, Eymeric accorde que les catholiciues* zélés peuvent être autorisés à visiter les prisonniers, mais il interdit ces visites aux femmes et aux gens simples ; car, ajoute-t-il, les convertis sont très disposés aux rechutes, très aptes à infecter les autres, et généralement ils fmissent sur le bûcher. Directoriuni, part. III, p. 507. « Les personnes soumises au régime plus doux du nmrus largus pouvaient, si elles se conduisaient bien, prendre un peu d’exercice dans les corridors, où elles avaient la facilité d'échanger quelques paroles et de reprendre contact avec le dehors. Les cardinaux qui visitèrent la prison de Carcassonne et prescrivirent des mesures pour en atténuer les rigueurs ordonnèrent que ce privilège fût accordé aux captifs âgés et infirmes. » Le condamné au murus strictus était jeté, les pieds enchaînés, dans une cellule étroite et obscure », parfois il était enchaîné au mur. Cette pénitence était infligée à ceux dont les olîenses avaient été scandaleuses ou qui s'étaient parjurés par des confessions incomplètes, le tout à la discrétion de l’inquisiteur. « Lorsque les couj^ables appartenaient à un ordre religieux, la punition était généralement tenue secrète, et le condamné était emprisonné dans un couvent de son ordre. Les couvents étaient d’ordinaire pourvus de cellules à cet efïet, où le régime n'était pas meilleur que dans les prisons épiscopales… La nourriture était passée au prisonnier à travers une ouverture ménagée à cet effet. C’est la tombe des vivants, connue sous le nom d’in puce ». Lea, op. cit., 1. 1, p. 486, avec références.

Dans ces geôles misérables, la nourriture était parcimonieusement servie. C-ependant, " bien que le régime normal des prisonniers fût le pain et l’eau, l’Inquisition permettait aux siens de recevoir d’autres aliments, du viii, de l’argent ; il est si souvent fait allusion à cette tolérance qu’on peut la regarder comme un usage établi. » Lea, op. cit., t. i, p. 491.

Le nombre des hérétiques à qui la peine de la prison, , voire de la prison perpétuelle, fut infligée est relativement considérable. Le registre de l’inquisiteur de Toulouse, Bernard de Caux, contient, pour les années 1244-1246, cinquante-deux sentences dont vingt-sept portent la peine de prison perpétuelle. Et encore faut-il noter que plusieurs d’entre elles comprennent de nombreuses condamnations ; la seconde, par exemple, atteint trente-trois personnes, dont douze assujetties à la prison perpétuelle ; la quatrième dix-liuit personnes toutes frappées de la prison à vie. Il est vrai que le registre ne signale pas, même pour les relaps, de remise au bras séculier. Douais, Documeids, t. i, p. cclx-