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en elTet, dans la Somme du Décret de Benencasa, cette indication que l’usage est de punir les hérétiques, non de la mort, mais de l’exil et de la perte des biens. Vacandard, op. cit., p. 78, note. Les conciles de Tours et de Latran, aux environs de l’an 1175, préconisent la confiscation, mais à l’exil ils substituent la prison, genre de châtiment que ne connaissait pas le droit romain. A partir de Lucius III, sous l’influence des légistes, le régime du bannissement et de la confiscation des biens prévalut. La décrétale Ad abolendum du concile de Vérone de 1164, disait bien : Ilœreticus relinquatur arbitrio potestatis animaduersione débita punicndiis, et Vanimaduersio romaine était la peine de mort. Mais Frédéric Barberousse, dans l'édit répondant à cette décrétale, ne parle que du ban impérial : imperiali baiino subjecit. Cf. textes dans Vacandard, op. cit., p. 67, notes. Il semble donc que l’onimadversio réclamée par le pontife n’entraînait pas nécessairement la peine capitale. Aux environs de l’an 1200, Alain de Lille pouvait encore écrire dans son traité Contra hæreticos, t. I, e. xxit : Hærelici propter hæresim non sunt occidendi. Et on l’a justement remarqué, « dans la législation d’Innocent III, comme dans ses lettres, il n’est nullement ((ucstion de la mort pour les hérétiques. Il n’a jamais demandé que leur bannissement ctlaconliscationdeleurs biens. S’il parle de recourir au tras séculier, virtute matericdis yladii cocrceri, Episi., i, 81, du l"' avril 1198, à l’archevêque d’Auch, il n’entend par là que l’emploi de la force nécessaire aux mesures d’expulsion et d’expatriation édictées par son code pénal. » Luchaire, Innocent III et les albigeois, ]). 57-58. Ficker, Die gesetzliche Einfùhriing der Todeslrafe fur Kelzcrei, p. 177-226, 430-431, Julien Havet, L’hérésie et le bras séculier, p. 165, note 3, Lea, op. cit., 1. 1, p. 220-222, partagent ce sentiment. Contre ce sentiment, Tanon, op. cit., p. 442 sq. ; voir Vacandard, op. cit., p. 69-75, où tous ces textes sont critiqués. Il est vrai qu’Innocent III invoqua des raisons qui devaient plus tard servir à aggraver le châtiment des hérétiques : « D’après la loi civile, dit le pontife, les criminels de lèse-majesté sont punis de la peine capitale et leurs biens sont confisqués, c’est même uniquement par pitié qu’on épargne la vie de leurs enfants. A combien plus forte raison ceux qui, désertant la foi, offensent Jésus, le Plis du Seigneur Dieu, doivent-ils être retranchés de la communion chrétienne et dépouillés de leurs biens, car il est infiniment plus. grave d’ofïenser la majesté divine que de léser la majesté humaine, » cum longe sit gravius œternam quam temporalem lœdere majestutem. Epist., ii, 1.

Cette remarque adressée aux magistrats de Viterbe, le 25 mars 1199, ne sera pas perdue. Frédéric II se chargera de tirer les conséquences qu’elle renferme. La constitution qu’il promulgua le 22 novembre 1220 pour tout l’empire rappelle expressément, c. vi, la phrase d’Innocent III, Monumenta Germaniæ, Lcges, sect. IV, t. II, 1). 107-109. Dans la constitution de 1224, pourla Lombardic, la peine de mort est décrétée contre les manichéens, et, comme la législation antique édicté contre eux la peine du feu, c’est au bûcher que Frédéric II condamne les héréliciues. En 1230, le dominicain quala, devenu évêquc de Brescia, fit l’application de cette loi terrible dans sa ville épiscopale. Ficker, Die gesetzliche Einjiihrung der Todeslrafe fur Ketzerei, p. 199-201.

Le pape Grégoire IX, qui était en relations fréquentes avec Guala, adopta sa manière de voir. La constitution impériale de 1224 fut inscrite, soit à la tin de 1230, soit au commencement de 1231, sur le registre des lettres pontificales, où elle figure sous le n. 203 de la quatrième année de Grégoire. Auvray, Registre de Grégoire IX, n. 535. Le pape s’occupa ensuite de la mettre en vigueur, à commencer par la

DICT. DE THÉOL. CATHOL.

ville de Rome. Il promulgua, probablement en février 1231, une loi dans laquelle il ordonnait que les hérétiques condamnés par l'Église fussent abandonnés à la justice séculière, pour recevoir le châtiment qu’ils méritaient, animaduersio débita. Un règlement municipal, publié en même temps par le sénateur de Rome, Annibaldi, fixa pour la ville éternelle la jurisprudence nouvelle. Boehmer, Acta iniperii selecta, p. xiii, 378 et 665. La peine à appliquer n’est pas spécifiée. Mais le genre de supplice était suffisamment indiqué par la constitution de l’empereur qu’on venait de transcrire sur les registres de la chancellerie pontificale. De fait, dès le mois de février 1231, on arrêta dans Rome un certain nombre de patarins ; ceux qui refusèrent de se convertir furent condamnés à être brûlés vifs, les autres envoyés au Mont-Cassin et à Cava pour y faire pénitence. Monumenta Germaniæ, Scriptores, t. xix, p. 363. Les actes montrèrent ainsi d’une façon éclatante en quel sens il fallait interpréter les documents. Sur tout ceci, voir Vacandard, L' Inquisition, jy. 129-134. Les théologiens et les canonistes se chargèrent de justifier cette pratique et cette législation. Saint Thomas, par exemple, s’exprime ainsi : « Il faut considérer le crime d’hérésie, d’abord en lui-même, ensuite par rapport à l'Église. A considérer le crime en lui-même, les hérétiques méritent non seulement d'être exclus de l'Église par l’excommunication, mais encore d'être retranchés du monde par la mort. Car il est beaucoup plus grave de corrompre la foi, qui est la vie de l'âme, que de falsifier la monnaie qui est un moyen de subvenir à la vie temporelle. Si donc les faux monnayeurs ou autres malfaiteurs sont justement mis à mort par les princes séculiers, à plus forte raison les hérétiques, dès qu’ils sont convaincus d’hérésie, peuvent-ils être non seulement excommuniés, mais encore justement tués. Quant à l'Église, comme eHe est miséricordieuse et cherche la conversion des coupables, elle ne condamne pas immédiatement l’hérétique, mais elle l’exhorte une première et une seconde fois à la repentance ; que s’il demeure obstiné et si elle désespère de sa conversion, elle pourvoit au salut des autres en le séparant d’elle par l’excommunication et l’abandonne au juge séculier pour qu’il l’extermine du monde par la mort. » Sum. theol., Il* II », q. xi, a. 3.

Saint Thomas ne parle que de peine de mort, sans indiquer le genre de supplice. Les glossateurs qui vinrent après lui précisèrent davantage. La débita' aninwdi’ersio, dit Henri de Suse (Hostiensis, f 1291), dans sa glose de la bulle Ad abolendum, est la peine du feu : ignis cremalio. Dans Eymeric, Directorium, part. II, p. 149-150. Et il justifie cette interprétation par la parole du Sauveur : « Si cjuclqu’un ne demeure pas en moi, il sera jeté dehors comme le sarment et il séchera, et on le recueillera et on le mettra au feu et il brûlera : in igneni mittent et urdet. >< Joa., xv, 6. Jean d’André († 1348), dont la glose n’eut pas moins d’autorité au moyen âge que celle d’IIostiensis, invoque le même passage de saint Jean pour l’appliquer aux hérétiques. Eymeric, loc. cit., p. 170-171, Cf. d’autres exemples dans Ziletti, Consilia selecta, 1577, t. i, p. <S. Voir Tanon, op. cit., p. 474-478.

Étaient livrés au bras séculier, pour être mis à mort par le feu, les hérétiques impénitents et les relaps.

La sentence qui frappait l’impénitent portait que l'Église étant désarmée en face de lui, puisque tout espoir de l’amender était perdu, n’en avait que faire et l’abandonnait au juge séculier : Cum Ecclesia ultra non hubcat quod facial pro suis meritis contra eum, relinquimus brachio et judicio curise sœcularis. Bernard Gui, Practica, part. III, p. 144. Cette formule laisse entendre qu’il dépendait toujours du coupable d'échapper au supplice. Pour cela il n’avait qu'à abjurer, même au pied de l'échafaud, CL Limborch, Historia

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