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INQUISITION


omnihiia et Præ cunctis d’Urbain IV, du 20 mars et 28 juillet 1262, dans Ripoll, t. i, p. 249, 418 et 429. Le Sexle, t. V, tit. ii, c. 18, est plus explicite encore, s’il est possible : Appellotionis et proclamationis benenciiim expresie sit hærciicis et credenlibus ac conim receptatoribux, fauloribiis et defensorihiis interdictum. Cf. ibid., c. II, et la loi Commissi de Frédéric II promulguée par Innocent IV, dans la bulle Cum adversus, du 31 octobre 1243. Ripoll, op. cit., 1. 1, p. 125.

Cependant, malgré la généralité de leurs termes, ces lois ne fermaient pas aux justiciables de l’Inquisition tout appel à Rome. « On considéra que, les hérétiques et leurs fauteurs étaient seuls expressément exclus du bénéfice de ce recours, il fallait qu’ils eussent été reconnus tels, pour que ces textes leur fussent applicables : et on admit dès lors que leurs appels étaient recevables, tant que la sentence de condamnation n’avait pas été rendue. Ainsi donc, les jugements interlocutoires pouvaient faire l’objet d’un appel de la part de l’accusé. Au contraire, les sentences définitives et particulièrement les sentences de mort, n'étaient susceptibles d’aucun recours. » Tanon, op. cit., p. 436.

Cette distinction est facile à justifier, remarque Pegna, dansEymeric, Directorium, part. III, comm.31. L’appel étant une voie établie seulement en faveur de l’innocent, un accusé dont la culpabilité n’est pas encore prouvée peut être admis à en bénéficier, mais un condamné qui n’a été déclaré coupable que sur son propre aveu ou sur des preuves légales convaincantes ne saurait, sans abus, avoir le même avantage.

n L’appel des sentences interlocutoires ne suspendait pas d’ailleurs nécessairement le cours du procès. L’inquisiteur en appréciait d’abord les motifs et il ne se d ssaisissait de l’affaire que lorsque l’appel lui paraissait légitime, ou, dans tous les cas, assez sérieux pour motiver le renvoi de la cause devant un juge supérieur. Il délivrait alors à l’appelant des lettres dites révérentielles, apostoli reverentiales seu affirmatiui, dans lesquelles, sans reconnaître la réalité du grief allégué, il déclarait qu’il déférait à l’appel, par respect pour le Saint-Siège devant lequel il assignait l’appelant. Si la cause ne lui paraissait pas légitime, il déclarait l’appel frivole et poursuivait le procès, après avoir remis à l’appelant des lettres par lesquelles il lui faisait connaître sa décision ; c'étaient les apostoli refutatorii ou negativi. Toutefois l’accusé n'était pas tenu de déférer à cette décision ; il demeurait libre, soit de se désister de son appel, soit d’y persévérer, et de le porter devant le juge supérieur qui dessaisissait l’inquisiteur et attirait à lui toute l’aiïaire, s’il considérait comme légitime la cause que celui-ci avait considérée comme dénuée de fondement. » Tanon, op. cit., p. 437438 ; Eymeric, op. cit.. De appdlalione, paft. III, p. 353-356.

Telle est la théorie. Dans la pratique, les inquisiteurs ne se montraient guère disposés à recevoir les appels, même des sentences interlocutoires. Cf. Tanon, op. cit., p. 439. Cependant on a remarqué que Rome acceptait le recours non seulement des simples prévenus, mais encore, quoique plus rarement, des condamnés. On en signale, au xive siècle, un certain nombre de cas : « ils sont, en comptant les recours pour récusation et les évocations de causes provoquées par des recours, au nombre de dix-huit, dont trois ont suivi la sentence de condamnation. » Vidal, Bullaire de l’Inquisition française, p. lxxii-lxxviii. Citons, comme exemple, l’appel du sire de Partenay, qui, condamné pour sorcellerie par l’inquisiteur de Tours, fut acquitté par le tribunal de Jean XXII. Cf. Vidal, ibid., p. 80-83. « Il ne faut pas confondre avec les appels les adoucissements qui sont parfois apportés par le pape aux

peines prononcées par les inquisiteurs sur la demande des condamnés. Ce sont là de simples commutations de peines que le pape accorde, soit directement, soit le plus souvent en renvoyant les condamnés aux inquisiteurs eux-mêmes pour la détermination des peines à substituer à celles dont ils font la remise. Telles sont. Histoire du Languedoc, édit. Privât, t. VI, p. 800, les consultations, d’ailleurs si mal reçues par les inquisiteurs, qui furent accordées à quelques habitants de Limaux, en 1248. » Tanon, op. cit., p. 440.

V. Pénalités. — « La pénalité inquisitoriale est surtout curieuse à étudier comme la conception d’un système très particulier, dans lequel on s’est efforcé de concilier la répression la plus sévère avec les principes de la pénalité et de la discipline ecclesiosl iques, à l’aide de fictions qui attribuaient un caractère purement pénitentiel à toutes les peines autres que la mort, même à l’emprisonnement perpétuel. » Tanon, op. cit., avant-propos, p. m. De la sorte, toutes les peinesprononcées par le tribunal de l’Inquisition, y compris les incapacités (sur les incapacités, voir Tanon, op. cit., p. 539-544), étaient médicinales, seule, la peine de mort aurait eu un caractère vindicatif. Et nous verrons que l'Église ne prit jamais la responsabilité de la peine de mort, infligée aux hérétiques.

1° La peine de mort était, avec l’emprisonnement perpétuel et la confiscation, le plus terrible châtiment de l’hérésie. On peut se demander comment elle fut rangée parmi les pénalités de l’Inquisition.

Au xi « et au xii<e siècles, c’est-à-dire dans les siècles qui précédèrent immédiatement l’institution du tribunal inquisitorial, on voit de tous côtés des princes, des évêques et des fidèles, tuer, pendre ou brûler les hérétiques, à mesure qu’on découvrait leurs conventicules. Les passions populaires ont une grande part dans les exécutions. Cf. Vacandard, L’Inquisition, p. 39-44. Mais l’influence du droit romain n’y est peutêtre pas tout à fait étrangère. Anselme de Lucques et la Panormie, attribuée à Yves de Char ! re, , avaient reprodait textuellement sous la rubrique : De edicto imperatorum in dampnationem hærcticorum, la loi 5 du titre De hærcticis du code de Justinien. Cf. Tanon, op. cit., p. 453-454. Or cette loi, qui prononce la peine de mort contre les manichéens, a pu paraître rigoureusement applicable aux cathares qu’on regardait alors comme les héritiers directs du manichéisme. Gratien, dans son Decretum, part. II, caus. XXIII, q. IV, VI, vii, préconise, il est vrai les théories de saint Augustin, sur les peines à infliger aux hérétiques, à savoir : l’exil et les amendes. Mais quelques-uns de ses commentateurs, notamment Rufin, Jean le Teutonique et un anonyme dont la glose est insérée dans la grande Somme du Décret d’Huguccio, n’hésitent pas à déclarer que les hérétiques impénitents peuvent ou même doivent être punis de mort. Cf. Vacandard, op. cit., p. 76, note 4 ; Tanon, op. cit., p. 455-457.

Ces divers ouvrages parurent avant le concile de Latran de 1215. Ils reflètent les pensées qui flottaient dans les esprits. Et il est possible que l’archevêque de Reims, le comte de Flandre, Philippe-Auguste, Raymond de Toulouse et Pierre d’Aragon, qui autorisaient l’application de la peine du feu aux hérétiques, aient cru imiter en cela les premiers empereurs chrétiens. Il faut pourtant reconnaître qu’il n’y a dans leurs actes, voire dans leurs écrits, aucune allusion directe à la législation impériale. Vraisemblablement ils subissaient l’influence de l’usage plus encore que celle de la loi écrite.

Au fond, Gratien, qui propose sous le couvert de saint Augustin, pour le châtiment de l’hérésie, des pénalités inférieures à la peine de mort, devait être suivi pendant quelque temps encore. Nous relevons.