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INQUISITION


en 1324, 1328 et 1329. Le conseil se composait de tous ceux que les inquisiteurs avaient jugé utile d’y appeler, en vertu de leur pouvoir discrétionnaire, sans aucune limitation ni quant au nombre ni quant à la qualité des personnes : Ita ut in ferendis sententiis, possis pcritos et discretos, prout expédient, advocare, disait Alexandre IV. Bulle Capientes du 8 mars 1255, dans Ripoll, op. cit., t. I, p. 273 ; cf. Bernard Gui, Praclica, p. 26. C'étaient, pour la plupart, des clercs, archidiacres, olliciaux, chanoines, chapelains, prieurs et simples moines, dominicains, franciscains, carmes, augustins et autres, auxquels on adjoignait quelques jurisconsultes laïques. Leur nombre, variable selon les circonstances, était en général assez élevé. Le conseil tenu en 1329, dans le palais épiscopal de Pamiers, sur la convocation des inquisiteurs H. de Chamay et P. Bruni, se compose de trente-cinq membres, parmi lesquels neuf jurisconsultes. On n’en compte pas moins de quarante-deux dans celui qui fut réuni la même année par H. de Chamay et le vicaire de l'évêque. Cf. Vidal, Le tribunal d’Inquisition de Pamiers, p. 206 sq. ; Tanon, op. cit., p. 420 ; Douais, La jormule « Communicato bonorum virorum consilio » des sentences inquisitoriales, dans Congrès scientifique international des catholiques, section des Sciences historiques, Fribourg, 1898, p. 316-317. « On leur soumettait un extrait sommaire des pièces du procès. Eymeric enseigne qu’on devait leur faire connaître le procès tout entier ; et c'était sans doute sa pratique. Mais Pegna repousse cette solution et estime qu’il est préférable de ne pas révéler aux assesseurs les noms des témoins, ni même ceux des accusés. Il ajoute que c’est la coutume générale de l’Inquisition, au moins en ce qui concerne les noms. Directorium, part. III, q. lxxx, comm. 129, p. 632. C'était aussi la pratique des inquisiteurs du midi de la France, telle que Bernard Gui nous la rapporte. Praclica, part. III, p'. 83. On n’y donnait à la plupart des conseillers qu’un extrait sommaire des pièces du procès, sans aucun nom. Un très petit nombre de personnes seulement, sur la discrétion desquelles on pouvait compter, recevaient la communication des interrogatoires complets. » Tanon, op. cit., p. 421.

L’examen des extraits achevé, les inquisiteurs recevaient les avis de tous les conseillers, en procédant séparément pour chaque accusé, et en commençant, connue dans les sentences, par ceux dont les fautes étaient le moins graves. Les assesseurs rendaient une des sentences suivantes : Pénitence au gré de l’Inquisiteur. L’accusé doit être emprisonné ou liuié au bras séculier. Bien que l’avis des consulteurs ne fût pas décisif, on a remarqué que les inquisiteurs le suivaient d’ordinaire, quand ils ne le modifiaient pas dans le sens de l’indulgence. Cf. Douais, La formule Communicato bonorum virorum consilio, avec exemples à l’appui, toc. cit., p. 324-326 (on peut cependant signaler, bien que très rarement, des cas d’aggravation de peine. Cf. Tanon, op. cit., p. 423).

Les sentences une fois arrêtées, on citait les accusés pour la séance publique où leur sort devait être solennellement fixé. A cette séance étaient pareillement convoqués les officiers royaux, les premiers magistrats de la ille, le clergé et le peuple. Cette cérémonie dans laquelle on groupait le plus grand nombre possible de condamnés prenait le nom de sermo generalis ou autodafé (auto du je, acte de foi).

Pour le peuple — et pour bien d’autres — elle évoque le souvenir des pires horreurs de l’Inquisition. On ne se la représente guère sans un accompagnement de flammes ardentes et de bourreaux féroces. Or l’autodafé ne comportait ni la présence des bourreaux ni le spectacle d’un bûcher. C'était tout simplement un prononcé du jugement, auquel les inquisiteurs

tenaient à donner le plus d'éclat possible. Processus Inquisitionis, dans Vacandard, L’Inquisition, p. 321 ; bulle d’Alexandre IV, du 8 mars 1255, dans Ripoll, op. cit., 1. 1, p. 273.

Le sermo generalis était célébré le plus souvent le dimanche. Cf. Tanon, op. cit., p. 424-425. « On dressait, dans l'église ou sur la place publique une vaste estrade en bois sur laquelle prenaient place les personnages assistant à la cérémonie ; les pénitents étaient placés de manière a être bien en vue du public. Des hommes d’armes, en nombre suffisant, étaient requis pour accompagner les inquisiteurs et les juges, ainsi que les notables qui leur faisaient escorte, et pour conduire et garder les prisonniers. Les gravures de l’Histoire de l’Inquisition de Limborch, p. 372-375, nous représentent la conduite des accusés et l’entrée solennelle du cortège des juges et de leurs assistants, puis l’estrade, et une vue générale de toute la cérémonie des Actes de foi de l’inquisition espagnole. Quoique la description de ces actes contienne un grand nombre de détails qu’on ne retrouve pas dans l’inquisition de France, les traits principaux sont les mêmes, et ces gravures peuvent nous donner une idée assez exacte de nos sermons généraux, pour l’ensemble. » Tanon, op. cit., p. 426.

Il ne paraît pas que les accusés fussent, à l’origine, revêtus d’un costume particulier, ni mitres, comme cians l’inquisition espagnole du xvie siècle. Pourtant Jeanne d’Arc en 1431 portait une mitre sur laquelle étaient écrits les mots : hérétique, apostate, relapse. Dans le sermon de 1459 tenu à Arras contre les sorciers condamnés au feu par les vicaires de l’inquisition et de l'évêque, les coupables étaient pareillement mitres. Frédéricq, Corpus, 1. 1, p. 353.

L’autodafé commençait de bon matin, par un sermon approprié à la circonstance et prononcé par l’inquisiteur : Bene mane proceditur ad sermonem. Bernard Gui, Praclica, part. III, p. 84. On proclamait ensuite l’indulgence accordée par les constitutions pontificales aux assistants. Ibid. Puis venait la distribution des grâces, qui consistaient en commutation de peines. Les nouveaux condamnés repentants prononçaient à genoux leur abjuration, la main sur l'Évangile. On leur faisait cliantcr les psaumes de la pénitence et réciter des prières, et on levait la sentence d’excommunication qui les avait frappés. Lecture leur était donnée des fautes contre la foi qu’ils avaient commises. Enfin on fulminait leurs sentences en commençant par celles qui entraînaient les peines les plus légères, et en finissant par les plus terribles. Bernard Gui, ibid., p. 84, 89, 93. Pour plus de détails, voir Tanon, op. cit., p. 247-430.

Les sentences individuelles prononcées en dehors des sermons généraux étaient aussi publiques et rendues avec un grand apparat, surtout quand elles édictaient des peines graves. Telle la condamnation de la bégharde Marguerite Porète, prêchée publiquement et exécutée à Paris, sur la place de Grève, en 1310. Cf. Frédéricq, Corpus, t. i, p. 158 ; Lea, op. cit., t. ii, p. 123.

Appels.

Les tribunaux de l’Inquisition reconnaissaient un supérieur dont ils tenaient tout leur

pouvoir : le pape. Et l’on peut se demander si leurs justiciables avaient le droit de recourir à Rome par la voie de l’appel. La réponse est très simple : les lois de Frédéric II et toutes les constitutions pontificales qui statuent sur ce sujet proclament que le bénéfice de l’appel doit être entièrement refusé aux hérétiques et à leurs fauteurs. La bulle Excommunicamus de Grégoire IX, du 8 novembre 1236, pose ce principe : appellationcs hujusmodi personarum minime audiantur, que reproduisent la constitution Noverit unii>ersitas d’Innocent IV, du 5 juillet 1254, et les bulles Licet ex