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INQUISITION

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Avouer la vérité, cela veut dire : reconnaître le bienfondé des accusations, en d’autres termes, reconnaître sa culpabilité. C’est à forcer cet aveu qae se réduisait à peu près roffice de l’avocat. Pegna le dira plus tard nettement dans sou commentaire du Directoriurn (passage cité : comment. 28) : Advocati partes erunt ndmonere rsum ut veritatem confiteatur…, pœnitentiam pctat pro culpa, si quain habet. De la sorte, comme on l’a remarqué, le défenseur était plutôt l’avocat du tribunal que celui de l’accusé, Vidal, loc. cit. ; ce qu’il recherchait uniquement, c'était le triomphe de la justice.

A vrai dire, si son client n'élail pas coupable, il pouvait l’aider à faire éclater son innocence. Mais l’accusé dont la conscience n'était pas nette, n’avait rien à attendre de son avocat. Tout au plus, par l’aveu que celui-ci lui conseillait, pouvait-il obtenir une sentence plus bénigne, un adoucissement de sa peine.

A tout prendre, l’avocat des tribunaux de l’Inquisition ne fut jamais à proprement parler qu’un avocat conseil. Cf. Vidal, loc. cit., p. 196-203. En aucun cas, il ne paraissait à l’audience. Son rôle se bornait à conseiller l’accusé dans l'élaboration de la ccdule de défense. Douais. La procédure inquisitoriale, p. 18-19.

La vexatio ou contrainte.

Si l’accusé, en face

des témoignages qui lui sont contraires et malgré les conseils de son avocat, s’obstine à nier sa culpabilité, on lui applique divers moyens de contrainte destinés à lui ouvrir la bouche, bon gré mal gré. L’emprisonnement préventif est une de ces mesures coercitives. « Les suspects doivent être soumis à la prison étroite et à une vie dure, pour qu’ils parlent », déclare Guillaume de la Broue, évêque de Carcassonne. Douais, Documents, t. I, p. Lxvii. L’inquisiteur était juge du mode d’emprisonnement. « Il pouvait placer l’accusé dans une cellule plus ou moins incommode ou malsaine, le charger de chaînes aux mains et aux pieds, le priver de repos et de sommeil, le réduire par la faim. Il y avait, dans les prisons de l’office, des séjours de misère, bien faits pour porter la terreur dans les cœurs les plus fermes. Elles avaient leurs basses-fosses, étroites, obscures, humides, fétides, où le prisonnier n’avait pas la place pour se mouvoir, à peine celle nécessaire pour se tenir debout (Cf. Vidal, Le tribunal de l’Inquisition de Pamiers, p. 228-229). Les cellules du mur étroit de Carcassonne ou de la prison du château des Allemans (à Pamiers) étaient l’effroi des accusés ; et la seule menace et, à plus fjrte raison, une épreuve suffisamment prolongée d’une telle détention, étaient de nature à vaincre les volontés les plus rebelles. L’emprisonnement avec chaînes, dans de telles prisons, le carcer durus ou arctus était considéré comme une véritable torture. » Tanon, op. cit., p. 360. Aussi, remarque l’inquisiteur Bernard Gui, Practica, p. 302, plusieurs, soumis à ce régime pendant des années, ont fmi par convenir non seulemen de fautes rccenti’s, mais de chutes plus anciennes ; l'épreuve ouvre l’esprit, » vexatio dat intellectum.

Tant de viol nces sont pourtant parfois inefficaces : il y a des suspects qui restent dans les murs six mois, un an, deux ans et plus, sans rien avouer, et qui y meurent. Exemples dans Vidal, Le tribunal de l’Inquisition de Pamiers, p. 167-168.

La torture.

Quand tous les moyens de douceur

et de contrainte ont échoué, reste la suprême épreuve : la torture.

La torture était pratiquée par les tribunaux civils au moyen âge, c’est de là qu’elle passa dans les trilmnaux ecclésiastiques, non seulement pour cause d’hérésie, mais encore pour crimes de droit commun. Cf. P. Fournier, Les officialités au moyen âge, p. 280-281 ; Tanon, op. c ; 7., p. 362 sq. ;.Jordan, op. cit., p. 45-00. Certains tribunaux de l’inquisition l’adoptèrent dès

avant le milieu du xiii'e siècle. Cf. exemples dans Vidal, Le tribunal de l’Inquisition de Pamiers, p. 171. Innocent IV en autorisa l’usage par sa bulle Ad extirpanda du 15 mai 1252, qui fut ratifiée par Alexandre IV (30 novembre 1259) et Clément IV (4 novemijre 1265), Ripoll, op. cit., t. T, p. 210, 383, 460 ; Potthast, Regesta, n. 14 592, 17 714, 19 433. Il fut seulement stipulé que la question devait toujours être appliquée citro membri diminutionem et mortis periculum. Bulle Ad extirpanda.

Les modes de torture employés au xiii" et au xive siècle paraissent avoir été le chevalet, l’estrapade et la torche enflammée.

Nonnulli ponuntur in equuleis, lisons-nous dans un document. Vidal, Jean Galand et les Carcassonnais, Paris, p. 39. Le patient était couché et fixé dans une complète immobilité sur un tréteau de forme triangulaire. L’extrémité des cordes qui attachaient ses membres aboutissait à un cric. Il suffisait d’imprimer un mouvement au cric pour que les liens fussent tendus et les membres du patient disloqués ou même déchirés r tractus in equuleo.

D’autres subissent l'épreuve de l’estrapade ou de la corde : in corda levati. Cf. Limborch, Liber sententiarum, Inquisitionis Tholosanæ, p. 146. Le patient était lié, les mains derrière le dos, et hissé, à l’aide d’une poulie et d’un treuil, au sommet d’une potence ou simplement jusqu'à la voûte de la chambre de torture ; puis on le laissait tomber lourdement près du sol. La manœuvre recommençait plusieurs fois. Certains tortionnaires allaient jusqu'à attacher des poids lourds aux pieds du supplicié, afin d’augmenter la violence de la chute. Ce mode de torture fut sans doute l’un des plus douloureux.

Cependant l'épreuve du feu ne paraît pas avoir été moins périlleuse : per esser molto pericoloso, hormai poco si usa, disait plus tard un canoniste : Masini, Sacro arsennle ovvero prattica delV Ojficio délia santa Inqnisizione, Bologne, 1665, p. 167-168. C’est le supplice décrit par Marsollier. Histoire des Inquisitions, Cologne, 1759, t. i, p. 201. On allume un feu ardent on étend le patient les pieds tournés vers le feu, pris dans des ceps ou entraves ; on les lui frotte avec du lard, de la graisse ou tout autre matière pénétrante. On le brûle ainsi horriblement. De temps en temps, on place un écr.nn entre ses pieds et le brasier : c’est un moment deïepit qui permet à l’inquisiteur de reprendre l’interrogatoire. Un officiai de Poitiers, à l’exemple de ce qui se pratiquait dans le toulousain à l'égard des hérétiques, questionna une sorcière en lui plaçant les pieds juxta carbones accensos et l'épreuve fut telle que la victime mourut des suites de ses brûlures. Bulle de Jean XXII. du 28 juillet 1319, dans Vidal, Le tribunal de l’Inquisition de Pamiers, p. 247. 248. M. Vidal signale encore d’autres modes de torture, employés plus tard en Italie et en Espagne : l'épreuve des brodequins et celle de l’eau. Ibid., p. 183.

La torture est ordonnée par un décret interlocutoire. Eymeric, Directoriurn, part. III, p. 480. Lorsque les préparatifs sont achevés, le juge exhorte l’accusé à faire des aveux. L’exhortation se poursuit pendant qu’on le dépouille de ses vêtements. Puis la torture commence par les épreuves les moins douloureuses. Si celles-ci ne suffisent pas, on essayera des autres, et dès la première séance on a soin d’en montrer la série au patient, afin que la vue des supplices qui l’attendent lui inspire une crainte salutaire et lui ouvre la bouche. Eymeric, ibid., p. 481.

On ménage de loin en loin de courtes pauses, pour permettre au juge de poser des questions. Le notaire dresse un procès-verbal détaillé de tous les actes matériels de contrainte et consigne Ls réponses. Chaque séance dure une demi-heure environ. Cf. Masini, Sacro arsenale, p. 157-100, 182. Si on n’obtient pas