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INQUISITION


Auvray, Registres de Grégoire IX, n. 2218, furent bientôt supprimées. « I.e péril que la divulgation de leurs noms faisait courir aux témoins, les représailles qu’elle pouvait attirer sur leur tête et dont on avait eu, à l’origine, d’assez nombreux exemples, amenèrent cette int.rdiction. » Tanon, op. cit., p. 389-390. Cf. Vacandard, L’Inquisition, p. 152, note 1. D’après un petit manuel inquisitorial des environs de 1244, l’usage de taire les noms des accusateurs fut confirmé d’abord par Grégoire IX et ensuite par Innocent IV et Alexandre IV. Processus Inquisitionis, dans Vacandard, L’Inquisition, p. 317 ; bulle Cum negotium d’Innocent IV, Ripoll, op. cit., 1. 1, p. 241 ; Layettes du Trésor des Chartes, n. 4112, 4221 ; cf. conciles de Narbonne de 1244 et deBéziers, 1246. Hardouin, Concilia, t. vil, col. 255 et 417.

Telle fut la règle jusqu'à Boniface VIII. Ce pontife, inaugurant un droit nouveau ou plutôt renouvelant le droit ancien, décida que la réticence des noms ne serait plus obligatoire. Elle devrait être observée si un réel danger menaçait les accusateurs. Et même dans ce cas l’inquisiteur ne pourrait se dispenser de communiquer les noms à un petit nombre de personnes prudentes et sûres formant son conseil durant le cours du procès. Mais si aucun péril n'était à redouter, accusatorumet testium nomina, proul in aliisfitjudiciis, publicen^ur. A l’inquisiteur déjuger, selon sa conscience, si le danger existe ou non.Sext., . V, tit. ii, Dehæreticis, c. 20.

Il semble que Bernard Gui n’ait pas voulu tenir compte habituellement de cette règle. Cf. Practica, p 229 et 189. Sur la pratique de l’Inquisition de Carcassonne au xiii'e siècle, cf. Douais, Documents, t. ii, p. 147. D’autres inquisiteurs, tels que Jacques Fournier, par exemple, obéirent à la lettre aussi bien qu'à l’esprit de la bulle de Boniface VIII. Cj. Vidal, Le tribunal de l’Inquisition de Pamiers, p. 192 sq. Au temps d’Eymeric, la pratique n'était pas uniforme. Certains inquisiteurs communiquaient les noms des témoins, mais avec un tel luxe de précautions que l’accusé ne pouvait s’y reconnaître. D’autres, et Eymeric est du nombre, se faisaient un devoir de les garder secrets, afin de garantir la liberté du témoin. Le Directorium décrit divers moyens de procéder à la communication des témoignages ; aucun ne favorise l’accusé : Modi sex tradendi copiam processus delato de hscresi… suppressis delatorum nominibus, p. 499 sq.

Il y avait pourtant un cas où le témoignage perdait toute valeur : la déposition d’un ennemi mortel n'était pas recevable en droit inquisitorial, conspirationes et inimicitiæ capitales, comme dit le concile de Béziers de 1245, can. 13, Hardouin, Concilia, t. vii, col. 418 ; cf. concile de Narbonne de 1244, can. 24, ibid., col. 256 ; Eymeric, Directorium, part. III, q. Lxxiii, p. 606-607. Il importait donc que l’accusé connût les noms des témoins. Si on ne les lui communiquait pas, il était réduit à chercher au hasard quels pouvaient être parmi ses accusateurs les ennemis qui voulaient sa mort. « Pour tomber juste, il eût fallu être devin. L’accusé en était réduit à élayer sa défense sur des soupçons et des conjectures. Le plus souvent, il perdait son temps et son procès. » Vidal, loc. cit., p. 194-195. Cf. Molinier, L’Inquisition dans le Midi, p. 340-358 ; Tanon, op. cit., p. 396-404. On voit combien la constitution de Boniface était sage.

L’avocat.

De doit commun, tout accusé pouvait

requérir un avocat. Le 18 novembre 1234, Grégoire IX préconise encore cette règle dans une lettre qu’il adresse à l’archevêque de Vienne au sujet d’un procès inquisitorial : Quidam ad inquircndum super dicto crimine procedentes, juris ordine prxtermisso, testes super hoc recipiunt in occulta et, nominibus vel dictis testificantium minime publicatis, omnem defensionis copiam et ADVOCATORUM SUFFRAOIUM eis contra quos inqui ritur, pro sua SVBTRauvnt voluntate. Auvray, Registres de Grégoire IX, n. 2218. Mais bientôt l’assistance judiciaire fut refusée aux justiciables de l’Inquisition. En 1248, les évêques assemblés à Valence sous la présidence des légats du pape, les cardinaux d’Albano et de Sainte-Sabine, édictèrent la règle suivante : Item, ne Inquisitionis negotium per advocatorum strcpitum Tclardetur, providendo statuimus quod ab inquisi toribus.VOi' ADÎIITTANTUR IN PROCESSI BVS ADVOCATI.

Circa vero adpocatos hæreticorum, fautores et dejensores, constitutioncm de hærcticis præcipimusobseriiari.Can.lU Hardouin, Concilia, t. vii, col. 426. Or on sait que d’après la constitution. Si adversus. Décrétâtes, t. V, tit. VII, cil, les avocats ou notaires qui auraient prête leur office aux hérétiques et à leurs fauteurs étaient condamnés à perdre leur office et subissaient la note d’infamie. Cette règle fut insérée dans le Sexte, t. V, tit. i ! i, c. 20, De luvrelicis : Conccdimus quod… procedi possit simpliciter et de piano et absque advocatorum oc judicinrum strepitu et figura. Bernard Gui l’enregistre à son tour dans sa Practica, édit. Douais, p. 192. Undecimo, possunt inquisitores, in commisso fidei negotio procedere simpliciter et de piano absque advocatorum et judiciorum strepitu et figura.

Le droit est formel. Cependant au cours du xiv"e siècle on voit apparaître en quelques procès la mention d’un ou de plusieurs avocats. C’est notamment le cas pour une alïaire relative à des défunts soupçonnés d’hérésie. Les avocats prêtent leur ministère, non à proprement parler à des hérétiques, mais à des héritiers qui défendent la mémoire de leurs ascendants, pour conserver, ou se faire restituer des biens confisqués. Cf. Doat, t. XXXI V, fol. 217 ; exemple cité par Tanon, op. cit., p. 401, note 2. L’assistance judiciaire est pareillement accordée à des accusés vivants, conformément au droit et selon la pratique du tribunal de l’Inquisition : Si vult habere advocatum seu advocctos ipse (episcopus sive inquisitor) dabit ei et concedet illos quos habere volueril, juxta juris jormam ac stylum et usum officii Inquisitionis. On connaît deux cas de ce genre : l’un signalé par Douais, La procédure inquisitor iale en Languedoc au Xiv<e siècle, p. 43, et l’autre par Vidal, I.etribunalde l’Inquisitionde Pamiers, p. 19&. Eymeric formule la règle à cet égard dans son Directorium, part. III, n. 117, p. 446. « Quand l’accusé nie son crime, dit-il, malgré l’affirmation des témoins et qu’il demande un défenseur, petit dejensiones sibi concedi, soit qu’on présume son innocence, soit qu’on présume sa malice et son opiniâtreté, il faut lui accorder les défenses du droit, de/ensiones juris. Qu’on lui donne alors un avocat probe et non suspect, habile en droit canon aussi bien qu’en droit civil, » etc. Eymeric se réserve le di’oit d’agréer l’avocat que se choisit l’inculpé : Concéda sibi talem quem petit in advocatum. Ibid., p. 451, 453.

Il faut remarquer que, si l’inquisiteur consent à ce que l’accusé recoure au ministère d’un avocat, c’est à condition que l’avocat et le client s’en tiendront » aux prescriptions du drcit ainsi qu’au style et à l’usage reçus dans les tribunaux d’Inquisition. » La formule se retrouve dans les deux procès que nous connaissons. Or cette formule est caractéristique, et il faut l’entendre. Un des accusés, celui que cite M. Vidal, s’adresse à deux jurisconsultes de Pamiers, Jacques Camcl et Hugues d’Abclhès. Tous deux lui déclarent qu’ils ne prendront sa défense que sur l’ordre formel de l'évêque (l’inquisiteur). Celui-ci désigne Jacques Camel, qui s’engagea aussitôt à prêter ses services « selon la coutume et la manière de ses pareils, quand ils défendent des personnes suspectes d’hérésie, obstinées à la nier. » Il conseillera donc à l’accusé, modo et forma pra’dicfis… quod recognosceret veritatem. Vidal, loc. cit.. p. 199.