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INQUISITION


IV. Procédure.

La mission de l' Inquisiteur est ainsi expliquée dans un lettre que Grépoire IX adresse, le Il octobre 1231, à Conrad de Marbourg : « Lorsque vous arriverez dans une ville, vous convoquerez les prélats, le clergé et le peuple et vous ferez une solennelle prédication ; puis vous vous adjoindrez quelques discrètes personnes et ferez avec un soin diligent votre enquête sur les hérétiques et les suspects. Ceux qui, après examen, seront reconnus coupables ou suspects d’hérésie devront promettre d’obéir absolument aux ordres de l'Église ; sinon vous aurez à procéder contre eux suivant les statuts que nous avons récemment promulgués contre les hérétiques. » Kiichenbecker, Analecla Hassiaca, t. iii, p. 73. Nous avons là toute la procédure inquisitoriale : 1° tournée inquisitoriale ; 2° prédication et temps de grâce ; 3° enquête, qui comprend la dénonciation et la citation des suspects ; 4° examen ou interrogatoire des accusés ; 5° audition des témoins ; 6° l’avocat ; 7° la vexation qui comprend l’internement et 8° à partir d’Innocent IV, la torture ; 9° la sentence publique dans un sermo generalis ou autodafé ; 10° subsidiairement nous examinerons la question de l’appel au pape.

Tournées inquisitoriales.

- A l’origine, les inquisiteurs entreprenaient des tournées dans les villes et

villages où ils avaient quelque espoir de saisir des hérétiques et des suspects. Mais ces déplacements étaient extrêmement périlleux. Les hérétiques recouraient parfois à la violence pour échapper à la poursuite de leurs juges. Dans la nuit du 28 au 29 mai 1242, par exemple, l’inquisiteur Guillaume Arnault et le frère mineur Etienne de Saint-Tibéri furent assassinés au château d’Avignonet, avec leur notaire et leurs clercs. A partir de cette date, les tournées inquisitoriales se firent plus rares. Le concile de Narbonne de 1246 et Innocent IV, en 1247, autorisèrent les inquisiteurs à citer les suspects hors de leur résidence, dans des lieux qui paraîtraient commodes et sûrs, Ripoll, op. cit., t. I, p. 779 ; consultation de l'évêque de Narbonne, dans Tanon, op. cit., p. 329, note 3. Les tournées inquisitoriales restèrent cependant l’une des formes normales de l’exercice de l’olTice. Nous en avons la preuve dans les formules mêmes que donne Eymeric pour le sermon général qui inaugurait les poursuites. Directoriiim, part. III, p. 408 ; cf. Martène et Durand, Thésaurus, t. v, col. 1811.

Prédication et temps de grâce.

Le premier devoir de l’inquisiteur était d’inviter, dans un sermon

public, ceux qui se sentaient coupables d’hérésie, si légère que fût leur faute, à se présenter devant lui spontanément, dans un délai fixe, qui allait de quinze jours à un mois. Cf. Processus inquisitionis, dans Vacandard, L’Inquisition, p. 314. Le temps ainsi destiné aux confessions volontaires, prenait le nom de « temps de grâce », tempus gratiae sive indulgentiæ. Cf. ibid., p. 315. Ceux qui en profitaient et dont la faute était demeurée jusque-là cachée, étaient dispensés de toute peine ou ne recevaient qu’une pénitence secrète très légère ; ceux dont l’hérésie s'était manifestée au dehors étaient exonérés de la peine de mort et de la prison perpétuelle et ne pouvaient être condamnés qu'à un court pèlerinage ou aux autres pénitences canoniques habituelles. Consultation du cardinal- évêque d’Albano, Pierre de Colmieu, ancien archevêque de Rouen, dans Doat, t. xxxi, fol. 5 ; cf. Tanon, op. cit., p. 144-145 et 329, note 4.

A l'édit de grâce était joint un « édit de foi », qui ordonnait, sous peine d’excommunication, à quiconque connaîtrait soit un hérétique notoire, soit une personne suspecte d’hérésie de les dénoicer à l’inquisiteur. Eymeric, Directorium, part. III, n. 52, 53, 50.

Délation et citation.

Le tribunal d’Inquisition

ne poursuivait pas seulement les hérétiques avérés ;

il étendait sa compétence aux suspects. En principe la difjamatio ou infamia désignait ces justiciables ; mais en réalité le plus léger soupçon, la dénonciation la plus vague faisait ouvrir des poursuites contre celui qui en était l’objet. Cf. lettres des consuls de Narbonne à ceux de Nîmes, dans Ménard, Histoire de Nîmes, t. I, p. 74, et Registres d’inquisiteurs, cités par Tanon, op. cit., p. 333, note 4.

Les hérétiques et les suspects qui ne se présentaient pas d’eux-mêmes étaient convoqués par une citation en règle, citation quelquefois verbale, le plus souvent écrite. Habituellement cette citation se faisait par l’intennédiaire du curé du lieu dans lequel demeurait le prévenu. Cf. Bernard Gui, Practica, part. I, form. 1, p. 3.

La première citation était péremptoire ; le refus d’y obtempérer exposait les inculpés à une poursuite pour contumace. Néanmoins, quand il le jugeait à propos, l’inquisiteur pouvait, par faveur spéciale, essayer d’une deuxième sommation. Cf. Bernard Gui, ibid., p. 21, n. 24 : Forma secundæ citationis quando inquisitori visum fuerit amplius jacicnda. « Lorsque l’accusé néglige de se présenter ou prend la fuite, on procède à son arrestation. A l’origine, nous l’avons dit, la capture des hérétiques n'était pas sans danger. Les populations, les magistrats, les nobles étaient manifestement hostiles. L’inquisiteur était souvent obligé de payer de sa personne. Il s’en allait, avec une escorte, à la recherche des suspects et les arrêtait lui-même. Cf. Molinier, L’Inquisition dans le midi de la France, p. 318-319. Lorsque, après de longs efforts, l’Inquisition eut brisé toute résistance et gagné l’appui des grands, elle en usa plus commodément. Officiers civils, balles, châtelains, sergents d’armes furent requis, sous peine d’excommunication, de prêter main forte aux messagers inquisitoriaux porteurs de mandats d’arrêt. Bernard Gui, Practica, n. 4-8, p. 5-7 ; Cf. Sexte, . V, fit. ii, c. 6. Les gens furent recherchés, capturés et conduits par les agents de l’autorité laïque. » Vidal, Le tribunal d’Inquisition de Pamiers, p. 150. S’agissait-il de débusquer un hérétique réfugié sur le territoire d’une autre juridiction inquisitoriale, on trouvait des émissaires qui se chargeaient volontiers, moyennant récompense, de cette besogne délicate. Voir des exemples dans Vidal, ibid., p. 151 sq.

Examen ou interrogatoire des accusés.

Une fois

arrêté, l’accusé comparaissait devant le tribunal de l’Inquisition et recevait communication des charges relevées contre lui. Il avait à y répondre. Et pour qu’il n’eût pas la tentation de trahir la vérité, on l’invitait à prêter sur les quatre Évangiles serment de dire la vérité tam de se ut principalis, quam de aliis vivis et mortuis, ut testis. Cf. Décrélales, t. V, tit. i, c. 17, et textes de conciles ou de registres dans Tanon, op. cit., p. 348, notes ; Vidal, Le tribunal de l’Inquisition de Pamiers, p. 156 sq. Après cette formalité, la parole est à l’accusé qtai la garde autant qu’il le désire. De loin en loin, le juge provoque des explications. Des questionnaires furent rédigés de bonne heure à l’usage des inquisiteurs. Un cathare ne doit pas être interrogé comme un vaudois ou un béguin. De là l’utilité des modèles spéciaux d’interrogatoires ; Interrogatoria ad credentes de secta manichæorum. — Interrogatoria specialia ad illos de secta ualdensium. — Interrogatoria ad bequinos moderni temporis. — Interrogatoria specialia ad examinandum pseudo-apostolos. Bernard Gui, Practica, part. V, p. 242-256, 263, 277, 282 ; cf. Eymeric, Directorium, part. III, p. 421 : Modus interrogandi reum accusatum, p. 429, Observanda ab inquisitoribus in examinatione hæreticorum.

Pour obtenir la vérité, l’inquisiteur est parfois obligé d’user d’artifice. Certains accusés masquent avec une