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NQUISITION


droit commun. Vidal, Biillaire de l’Inquisition française, n. 318, p. 450 ; Cf. p. xliv-xlv.

Le fait de ne tenir aucun compte de l’excommunication encourue pour un manquement disciplinaire ne constitua sûrement un crime contre la foi qu'à partir du concile de Trente. Scss. XXV, De reformat, c. m. Mais, bien avant cette date, papes, conciles et inquisiteurs inclinèrent à considérer comme suspects d’hérésie les excommuni.s contumaces. Boniface VIII pressait, en 1291, l’inquisiteur de Garcassonne de poursuivre les magistrats de Béziers, qui ne faisaient aucun cas des foudres de l'Église. Histoire du Languedoc, t. X, p. 199-200. Les conciles de Reims de 1301 et 1303 ordonnèrent la punition des excommuniés comme hérétiques après deux années de contumace. Frédéricq, Corpus, t. i, p. 150. En 1398, Benoît XIII prescrivit des mesures semblables contre certains paroissiens de Marteau, au diocèse de Besançon, qui se trouvaient depuis fort longtemps sous le coup de censures dont ils refusaient de solliciter l’absolution. Vidal, Bullaire de l’Inquisition française du Xiv siècle, n. 329, p. 469. L’inquisiteur Geoffroy d’Ablis abonda dans ce sens et traita en hérétique Jean de Pecquigny, commissaire royal, excommunié pour obstruction au Saint-Ofiice. Cf. Vidal, ibid., n. 4 et note l, p. 13-15. Nicolas Eymeric rédigea en formules dans son Directorium la théorie de la contumace : quand un excommunié, quelle que fût la cause de la censure qui le frappait, ne se faisait pas absoudre dans l’année, il se trouvait atteint, par le fait même, d’un léger soupçon d’hérésie et pouvait dès lors être cité devant un juge d'église. S’il ne se rend pas à cette seconde citation, il rentre dans la catégorie des excommuniés pour cause d’hérésie, et, passé un an, il doit être poursuivi et condamné comme hérétique véritable. Le soupçon léger qui l’atteignait d’abord par suite de sa première excommunication se transformait, par la seconde, en un soupçon véhément et même en un soupçon violent d’hérésie qui le rendait justiciable de l’Inquisition. Eymeric, part. II, q. xlvii, p. 360-361.

A" Spirituels, béguins et béguines, bégliards, faux apôtres. — Parmi les membres de l’ordre de saint François une division éclata, dès le milieu du x]ii<e siècle, au sujet de la pratique de la pauvreté. Victimes des théories idéalistes de Joachim de Flore et de Jean d’Olive, les spirituels et leurs adeptes du tiers ordre séculier, les béguins, rêvèrent non seulement de pratiquer la pauvreté absolue, mais encore de l’imposer comme règle à l’universalité des chrétiens. Suivant eux, l'ère du Christ avait pris fin, pour faire place au règne du Saint-Esprit et à l’ascétisme monacal : l'Église corrompue des clercs, des évêques et du pape allait avoir le sort de Babylone. Nous n’avons pas à entrer dans le détail de ces théories. Cf. Ehrle, Les spirituels, dans Archiu fur Literatur une Kirchengescliiclde, 1888, t. iv, p. 1 ; Pierre Jean d’Olive et ses écrits, ibid., 1. iir, p. 409, 552. Voir Béghards, Béguines HÉTÉRODOXES, t. II, col. 528 sq. En pratique, elles jetèrent le trouble dans les monastères franciscains. Les zélateurs se développèrent en Italie et dans le midi de la France, surtout à Narbonne et à Béziers, où le saint et le théoricien du groupe, Pierre.Jean d’Olive, avait vécu. Dès qu’ils se sentirent en nombre, ils chassèrent des couvents de ces deux villes les frères de la communauté et essayèrent de former une congrégation indépendante.

A la demande des supérieurs franciscains, le pape Jean XXII entreprit d’arrêter ces essais de schisme. Le 17 février 1317, il ordonna aux inquisiteurs du Languedoc de traiter désormais comme hérétiques tous les exaltés, quelque nom qu’ils se donnassent : fratricelles, frères de la pauvre vie, bizoches ou béguins. Doat, t. XXXIV, fol. 147. En conséquence, des arres tations eurent lieu où furent compris lefameuxBernard Délicieux et soixante-quatre de ses amis ; phisieurs cxcculions s’ensuivirent le 7 mai 1318. Cf. //istoria septem tribulatiomim, dans Archiv fur Literatur, 1868, p. 142-149 : Histoire du Languedoc, t. ix, p. 198199, 390, 396-397.

La déroute des spirituels du premier ordre entraîna celle de leurs adhérents, les frères et les sœurs du tiers ordre, béguins et béguines. Le 13 décembre 1317, Jean XXII supprima leur prétendue congrégation et les dénonça à l’attention des inquisiteurs. Vidal, Bullaire de l’Inquisition française, n. 16, p. 39-40. Sans doute ; tout n'était pas à rejeter dans les œuvres de ces âmes éprises de perfection. L'Église avait encouragé le tiers ordre et les congrégations de béguines. Clémentines, t. V, tit. iii, c. 2 Et Jean XXII prit soin d'établir une distinction entre les âmes vraiment pieuses et celles qu’une fausse exaltation jetait en dehors des règles. Défense fut signifiée aux inquisiteurs de molester les béguines non suspectes d’hérésie ; mais ordre fut plus d’une fois renouvelé de poursuivre sans relâche béguins et béguines vraiment coupables. Vidal, ibid., p. Lin-Liv.

Aussi bien le schisme franciscain finissait par prendre un caractère doctrinal qui mettait la foi en péril. Les spirituels avaient toujours proclamé qu’en exigeant l’application stricte de la règle séraphique, ils ne faisaient que demander la pratique de la pauvreté absolue, telle que l’avaient observée le Christ et les apôtres. Et c'était là leur position dogmatique : le Christ et les apôtres n’ont rien possédé en commun ni individuellement ; donc la pauvreté rigoureuse est une loi de l'Évangile. La bulle de Nicolas III, Exiit qui seminat (1279), Sexte, t. V, tit. xii, c. 3, ne justifiet-elle pas cette interprétation, en déclarant que saint François et ses disciples ne font que se conformer à l’exemple du Christ et des apôtres ? Jean XXII coupa court à ces théories subversives, en fulminant la constitution Cu771 inter nonnullas (12 novembre 1323), où il condamne comme hérétique la doctrine qui prétendait que le Christ et les siens n’avaient rien possédé en commun ni en particulier. Extravagantes Joannis XXI 1, tit. XVI, c. 4 ; Cf. Gôller, Die Publikation der Extravagante « Cum inter nonnullos » Johannis xxii, dans Rômische Quartalsclirift, 1908, t. xxii, p. 143-146. Cette bulle déchaîna une violente tempête, qui faillit même compromettre l’unité de l'Église. Un certain nombre de frères mineurs se soumirent : les dissidents allèrent grossir les recrues du tribunal de l’Inquisition. Voir des exemples dans Vidal, Bullaire de l’Inquisition française, p. lv-lvi.

Les faux apôtres de l’Italie, parmi lesquels on distingue le fameux Dolcino, formaient une branche de réformistes à peu près semblable à celle des fratricelles. Cf. Tanon, op. cit., p. 87-92.

Il ne faudrait pas confondre avec les béguins provençaux la secte des béghards que condamne le pape Urbain V, 3 septembre 1365. Vidal, ibid., n. 257-375. Les béghards étaient de provenance allemande. Cf. Lea, Histoire de l’Inquisition, t. ii, p. 419-423, 441-450, 462-464. Urbain V ordonna aux évêques de France de les poursuivre. Le roi Charles V seconda l'œuvre des inquisiteurs, et le pape Grégoire XI le félicita de son zèle. Vidal, ibid., p. 276, 396.

D’autres sectes à peu près semblables prirent le nom de turlupins et de lollards et virent leurs adeptes aux prises avec l’Inquisition, notamment dans le nord. En 1373, turlupins et lollards de Paris demandent en foule à être réconciliés avec l'Églist. Cf. bulle de Grégoire XI dans Vidal, ibid., n. 174, p. 393 ; cf. p. 376, note 1.

5° Les sorciers. — La sorcellerie n’a pas donné d’abord à l'Église les mêmes alarmes que l’hérésie. Le concile de Valence de 1248, qui s’occupe des sorciers