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INQUISITION


.connais qu’on signale leurs groupements. Cf. Jean Marx, L’Inquisition en Dauphiné, p. 7-27. On n’en renconi re que très peu en Languedoc. Cf. Vidal, Le tribunal d’Inquisition ù Pamiers, p. 129-135.

L’inquisiteur David d’Augsbourg, auteur d’un traité contre les vaudois, dans Martène et Durand, Thésaurus novus anecdotorum, t. v, col. 1779, dit avec raison que leur première et fondamentale hérésie consiste dans le mépris de la puissance de l’Église. A l’origine leur hiérarchie était constituée par l’évêque, le prêtre et le diacre qui remplissaient les fonctions ecclésiastiques. L’évêque ou « majorai » exerçait le pouvoir des apôtres, en dépit du pape. Plus tard, ce fut le " barbe » (mot usité avec le sens d’onde dans tout le nord de l’Italie et qui est devenu pour les missionnaires vaudois un prédicat d’honneur, avec le sens d’homme vénérable, cf. Comba, Histoire des vaudois, Paris et Florence, 1901, p. 585), ce fut le « barbe » qui devint le missionnaire et le ministre par excellence de la Vaudoisie. Dans ce système, l’autorité du pape est nulle. Aussi bien l’Église romaine est devenus une Babylone nouvelle. Les prêtres ont cessé d’observer la vérité de l’Évangile et la pauvreté apostolique, ils ont perdu leur autorité parce qu’ils ont perdu leur sainteté. C’est par la sainteté de leur vie que le « majorai 1) et le « barbe » sont puissants. C’est parmi eux qu’il faut chercher l’Église de Dieu, puisqu’ils mènent la vie des apôtres. Ils ont toute puissance de lier et de délier, car la puissance du confesseur est en raison de sa sainteté. Etienne de Bourbon, Anecdotes historiques, p. 297 ; Bernard Gui, Practica, p. 247. Ni les foudres, ni les censures de l’Église romaine ne sont donc à craindre. Dieu seul a le pouvoir d’excommunier et Dieu n’excommunie pas ses saints.

Les vaudois attaquent avec une particulière violence la doctrine catholique du purgatoire et les pratiques qui en dérivent. Les messes pour les défunts sont inutiles ; inutile aussi l’intercession des saints. Toute une partie du culte catholique se trouve dès lors sans objet. C’est Dieu qu’il faut prier et non les saints, ni même la Vierge, car ils n’entendent pas nos oraisons, et ne sauraient nous aider : les chants religieux sont superflus, les églises n’ont pas de raison d’être : on peut aussi bien prier dans une étable. Etienne de Bourbon, Anecdotes historiques, p. 296-297 ; Jean Marx, L’Inquisition en Daupluné, p. 20-22. Cependant dans la pratique, les vaudois se mêlaient volontiers aux fidèles et suivaient leurs exercices religieux, de peur d’être traités en hérétiques.

Bien qu’ils considérassent le serment comme un péché, ils y avaient recours en cas de danger grave, pour ne pas faire suspecter leur religion : jura, perjura, secretum prodere noli. Ils s’élevaient contre la justice séculière qui exigeait le serment et édictait la peine de mort ; ils réprouvaient également la guerre et les croisades, en vertu des principes de l’Évangile. Dénoncer aux tribunaux un des maîtres de la secte et l’exposer ainsi à une condamnation capitale, c’était commettre un crime et un péché contre le Saint-Esprit. Etienne de Bourbon, loc. cit. ; Bernard Gui, Practica, p. 245 ; Jean Marx, op. cit., p. 22.

La morale des vaudois s’achève en quelques autres préceptes : mal faire et causer du tort à son prochain est un péché ; on doit respecter le mariage et éviter le faux témoignage. Bernard Gui, Practica, p. 246-247.

Les sacrements d’eucharistie et de pénitence sont appropriés à l’usage de la s ?cte. Les vaudois ne nient pas la transsubstantiation, mais ils estiment que la consécration peut être opérée par tout homme juste qui prononce les paroles rituelles. Les Tidèles se confessent aux évêques et aux prêtres, plus tard aux barbes, qui leur imposent pour pénitence des jeûnes et la récitation d’un certain nombre do Paler. Cf. Jean Marx,

loc. cit., et Vidal, Le tribunal de l’Inquisition de Pamiers, p. 132-134. Le Pater est la grande prière des vaudois. Ils ont coutume de la réciter cinquante fois à genoux avant de prendre leur nourriture et autant de fois en se levant de table. Bernard Gui, Practica, p. 249.

On leur a reproché leur hypocrisie et on a prétendu qu’à certaine date au moins, ils se réunissaient dans des synagogues et se livraient à la débauche. Mais cette accusation ne repose sur aucun document digne de foi. Cf. Jean Marx, op. cit., p. 24-27. En réalité, sauf sur les points de doctrine qui les faisaient verser dans l’hérésie et la révolte contre l’Église, ils s’adonnaient à la pratique des vertus chrétiennes. C’est avec une grande conviction que les vaudois du Dauphiné déclaraient encore à la fm du xve siècle (1488) : " Nous sommes de fidèles. serviteurs du roi et de véritables chrétiens. Nous ne voulons pas imiter ceux qui foulent aux pieds l’Évangile et ont abandonné les traditions apostoliques… Ce que nous recherchons, c’est la pauvreté et l’innocence qui ont présidé à l’établissement et aux premiers développements de la foi orthodoxe. » Jules Chevalier, Mémoire historique sur les hérésies en Dauphiné avant le xvie siècle. Valence, 1890, p. 85. Tout n’est pas faux dans ces déclarations » Mais les sectaires oubliaient de révéler les articles secrets de leur croyance qui les rendaient justiciables de l’Inquisition. Pour une bibliographie plus complète du sujet, voir Jean Marx, op. cit., p. xviii-xxiii.

3 » Les Juifs, les apostats et les excommuniés. — Les Juifs, comme tels, ne relevaient pas de l’Inquisition. L’observation de leurs rites était autorisée par l’Église. Cf. Eymeric, Directorium, part. II, q. xlvi, p. 355. Mais il leur était interdit de faire du prosélytisme. Les chrétiens qu’ils auraient amenés au judaïsme tombaient nécessairement sous la juridiction des inquisiteurs. Sexte, t. V, tit. ri, c. 13. Les juifs convertis qui apostasiaient et retournaient à la loi de Moïse subissaient la même règle. Divers papes du xuie siècle, Clément IV, Grégoire X, Nicolas III et Nicolas IV, soumirent cette nouvelle catégorie de coupables à l’Inquisition. Potthast, Regesta, n. 20 081, 20 082, 20 095, 20 720, 20 724, 20 798 ; Doat, t. xxxvii, fol. 191 ; Langlois, Registres de Nicolas IV, n. 322. Et les papes du xiv imitèrent leurs prédécesseurs : Benoît XII, par exemple, pourvoit de sa recommandation les émissaires de l’Inquisiteur de Provence chargés de débusquer un apostat judaïsant, en Savoie et en Dauphiné, Vidal, Bullaire de l’Inquisition française au Z/Fe siècle, p. 258, n. 171 bis ; Innocent VI (1359) donne des lettres du même genre à un inquisiteur qui va rechercher des coupables de cette espèce jusque dans l’Aragon et la Castille. Ibid., n. 224-229. Voir d’autres exemples cités par Vidal, ibid., p. xliv.

Cependant la juridiction contre les juifs demeura souvent indécise, dans la pratique, entre les inquisiteurs et les évêques ou même les juges civils. Au xm<e siècle, aussi bien qu’au xiv « , tous ces juges paraissent avoir exercé une action concurrente en matière de judaïsme. Cf. Tanon, op. cit., p. 244-245. Certaines formules de la Practica de Bernard Gui font penser que, si un inquisiteur citait les Juifs à son tribunal, c’était en vertu d’une commission spéciale. Nos talis, inquisitor hæreticse pravilatis ac perfidiie judn-orum in regno Franciæ per sedem apostolicam deputatus. Formules, 1, 4, 13, de la II « partie de la Practica ; cf. Tanon, op. cit., p. 245-246. Ce privilège fut même ôté aux tribunaux d’inquisition par Clément VII. Les juifs des provinces de Sens, de Reims, de Rouen et de Lyon, s’étant plaints des mauvais traitements que les inquisiteurs leur faisaient subir, le pape décida que les causes des Israélites seraient à l’avenir portées et traitées devant les curies épiscopales, suivant les prescriptions de