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INQUISITION


tràge, t. i, Doknmente, p. 34 ; cf. p. 88 et 612. Aussi le mariage est-il une abomination. L’un de ses eflels n’est-il pas la procréation des enfants ? Or la propagation de l’espèce humaine, par le moyen des corps, constitue une reuvre diabolique. Une femme enceinte est une femme qui a le diable au corps. « Priez Dieu, disait une " parfaite » à la femme d’un marchand de bois de Toulouse, qu’il vous délivre du démon que vous avez dans le ventre. » Dœllinger, ibid., p. 35. Cf. ms. 609 de la bibliothèque de Toulouse, fol. 230. Le plus grand malheur qui pouvait arriver à une femme était de mourir enceinte : les hérétiques déclaraient nettement quod si dcccderct prægnans, non possei salvari, parce qu’elle mourait sous la puissance de Satan Doat, t. xxii, p. 57. Le mariage, qui rend possible un tel état, doit être réprouvé, et il n’y a pas de terme assez fort pour marquer cette réprobation : « Le mariage est un concubinat légal » matrimonium est merctricium : matrimonium est lupanar. Dœllinger, ibid, p. 40, 156 ; ms. 600 de Toulouse, fol. 41 et 64 ; cf. Bernard Gui, Praclica, édit. Douais, p. 130. Dans leur aversion pour le mariage les cathares vont jusqu’à lui préférer le libertinage déclaré. « Avoir un commerce avec une épouse, disaient-ils, est pire que de l’avoir avec une autre femme. » Et pour justifier ce paradoxe, ils faisaient remarquer qu’il était facile de rompre avec une étrangère, tandis que le mariage semblait lier l’im à l’autre l’époux et l’épouse et les autorisait à commettre le péché sans honte ni vergogne quia magis publiée et sine verecundia peccatum fiebat. Dœllinger, ibid., t. ii, p. 23 ; cf. p. 156.

Il faut reconnaître pourtant que les cathares n’appliquaient pas avec une égale rigueur leur théorie à tous les membres de la secte. Ils distinguaient entre les simples « croyants » et les « parfaits ». Les « croyants », qui étaient initiés par la « convenenza », n’étaient pas astreints absolument au célibat. Mais lorsqu’ils avaient reçu le consolamentum, force leur était de renoncer aux œuvres du mariage. Le consolamentum était le vrai baptême spirituel des cathares. On en peut voir les rites dans Clédat. Le Nouveau Testament traduit au xille siècle en langue provençale, suivi d’un rituel cathare. Paris, 1888, p. xi sq. Un Ancien imposait les mains au candidat et disait : « Père saint, recevez votre sers’iteur dans votre justice et envoyez votre grâce et votre esprit sur lui. » Le candidat s’engageait à suivre exactement les prescriptions morales de la secte : « Je promets de me rendre à Dieu et à l’Évangile, de ne jamais mentir ni faire serment, de ne plus toucher à une femme, de ne tuer, aucun animal et de ne manger ni viande, ni œufs, ni laitage, de ne me nourrir que de végétaux et de poisson ; de ne rien faire sans dire l’oraison dominicale, de ne voyager ni passer la nuit sans compagnon ; et si je tombe entre les mains de mes ennemis et suis séparé de mon frère, de m’abstenir au moins trois jours de nourriture, de ne jamais dormir que vêtu, enfin de ne jamais trahir ma foi devant n’importe quelle menace de mort. » Sacconi, Summa de catharis, dans Martène et Durand, Thésaurus novus anecdotorum, t. v, p. 1776 sq.

Ces engagements étaient si rigoureux que peu d’hommes étaient capables de les tenir. Les « croyants » qui demandaient le consolamentum au cours d’une maladie, étaient généralement suspects de les violer s’ils venaient à guérir. Aussi, pour prévenir toute rechute, les engageait-on fortement à assurer leur salut par l’endura. L’endura était un suicide volontaire. On en connaît deux formes appliquées aux malades, l’asphyxie et le jeûne ; le candidat à la mort est interrogé sur le titre qu’il préfère, celui de martyr ou celui de confesseur. Lorsqu’il choisit le martyre, on lui pose un mouchoir ou un coussin sur la bouche jusqu’à ce que l’étouffement s’ensuive. Si l’état de confesseur

lui semble préférable, on se borne à lui supprimer toute nourriture, afm qu’il meure de faim. Dœllinger, op. cit., t. II, p. 373 (ce texte est emprunté à la Summa de catharis de Sacconi) ; cf. p. 271, 370. Voir des exem-’pies dans Vacandard, L’Inquisition, p. 116-117. Lorsque, vers le milieu du xiii’e siècle, la coutume s’introduisit de « consoler » ou « hérétiquer » même les enfants, les sectaires eurent souvent la barbarie de les mettre en endura. On se serait cru revenu, dit un historien, au temps odieux où des mères dénaturées offraient à Moloch le fruit de leurs entrailles. Dœllinger, op. cit., t. I, p. 222 ; cf. p. 193. Il pouvait arriver que les parents des « consolés » opposassent une résistance plus ou moins ouverte au désir cruel des « parfaits ». En pareil cas, ceux-ci s’installaient auprès des malades et veillaient à ce que leurs prescriptions homicides fussent ponctuellement observées. Cas fréquent dans les Actes de l’Inquisition de Carcassonne, dit Dœllinger, op. cit., t. I, p. 225, note 1.

Le plus souvent, à vrai dire, les hérétiques se condamnaient de leur plein gré à Vcndura. Exemples dans Vacandard, L Inquisition, p. 118-119. Certains cathares avaient recours à d’autres moyens de suicide non moins horribles. Une Toulousaine, du nom de Guillemette, commença d’abord par se soumettre à de fréquentes saignées, puis elle cssaj’a de s’affaiblir davantage en prenant des bains prolongés, elle absorba enfin certaines substances vénéneuses, et comme la mort tardait à venir, elle avala du verre pilé pour se perforer les entrailles, ms. 609 de Toulouse, fol. 33. Une autre se fit ouvrir les veines dans un bain. Ibid., fol. 70. Cf. Tanon, op. cit., p. 224-225.

De telles pratiques, sans doute, étaient exceptionnelles dans la secte. Mais l’endura y sévissait fréquemment, au moins dans le Languedoc. Cf. Molinier, L’endura, p. 293-294. Et tout compte fait, dit un historien grave, pour qui sait lire les Actes des tribunaux d’Inquisition de Toulouse et de Carcassonne, il n’y a pas de doute que l’endura, volontaire ou forcée, a fait plus de victimes que le bûcher de l’Inquisition. Dœllinger, op. cit., t. i, p. 226. Voir les cas d’endura cités par Dœllinger, ibid., t. ii, p. 20, 24, 25, 26, 37, 136, 138, 139, 141, 142, 147, 157, 205, 234, 238, 239, 242, 248, 250, 271, 295, 370, 373. Cf. Molinier, L’endura p. 288.

Les cathares faisaient donc courir à l’État et à la société, aussi bien qu’à l’Église, un péril grave. Ils relevaient de ce chef, plus peut-être que tous les hérétiques contemporains, du tribunal de l’Inquisition. 2° Les vaudois.

L’an 1173, nous dit le Chronicon

universale anonymi Laudunensis, édit. Cartellieri, Paris, 1909, p. 20-22, un riche marchand de Lyon, Pierre Valdo, subitement touché de la grâce, distribuait ses richesses aux pauvres et groupait autour de lui quelques hommes épris de perfection, qui voulaient vivre de la vie du Christ et des apôtres. Les vaudois étaient nés. Mais, au lieu de rester dans les limites de la pauvreté évangélique, selon la doctrine de l’Église, ils s’émancipèrent bientôt, et piirent peu à peu l’aspect d’une secte hérétique. Les conciles de Vérone (1184) et de Latran (1215) les excommunient. Des missions vaudoises ne s’en organisent pas moins en Provence et en Lombardie. Etienne de Bourbon, Anecdotes historiques, p. 292-293. Une scission éclate à l’intérieur de la secte ; mais séparés ou unis les pauvres lombards et les pauvres de Lyon, continuent activement leur propagande. Des missionnaires s’en vont en Alsace, en Bohême, en Autriche, en Bavière jusqu’en Poméranie. Cf. Ilaupt, Deutschbbhmische Waldenscr, dans Zeitsehrift fur Kirchengeschichte, t. xiv ; Wattenbach, Ueber die Inquisition gegen die Waldenser in Pommera unddcr Mark Brandenbnr g, Berlin, 1880. Au xive siècle c’est surtout dans les vallées du Piémont et du Brian-