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INQUISITION


siteurs du midi (14 mai 1239), Cum a quibusdam, se plaint de leur nombre excessif ainsi que de celui des scribes de l’office et des exactions qu’ils commettaient. Une lettre adressée par l’archevêque d’Embrun en qualité de nonce apostolique ; l’inquisiteur de Florence, nous donne une idée approximative du nonibre normal d’ofiiciers de tout ordre que comportait une circonscription inquisitoriale de moyenne étendue. Il lui accorde deux notaires, deux geôliers, et douze autres auxiliaires, tant officiers que familiers, duodecim alios inlcr officiales et familiares et non ultra. Lettre du 2 mai 1282, dans Dont, Appendice, t. i, p. 572. Clément V recommandait aux inquisiteurs, au concile de Vienne de 1311, Clémentines, t. V, tit. iii, c. 2, Nolentes, de ne pas abuser de leur droit d’accorder le port d’armes et de n’avoir que les officiers qui leur seraient nécessaires. » Tanon, op. cit., p. 199-200.

Pour débusquer les hérétiques réfugiés en terre étrangère ou dans un autre juridiction territoriale, les inquisiteurs employaient volontiers des espions. On pourrait citer un certain nombre de ces officiers subalternes. « Le modèle du genre, c’est le limier Arnaud Sicret, d’Ax, qui se met au service du tribunal de Pamiers et fouille la moitié de l’Espagne dans l’espoir d’y saisir des cathares fugitifs. Lorsqu’il a trouvé une bonne piste, il retourne à Pamiers, se fait délivrer un mandat régulier par Jacques Fournier, reçoit de rargentet, cequiestplus grave, l’autorisation de passer pour un « croyant » des hérétiques et de fréquenter leurs conventicules. Il ne tarde pas à se rendre maître du (cathare) Guillem Bélibarte et de presque toute sa bande. Quand son œuvre est terminée, il reçoit les félicitations chaleureuses des trois inquisiteurs Bernard Gui, Jean deBcaune et Jacques Fournier. » Vidal, Le tribunal d’Inquisition de Pamiers, p. 151-152, avec les références.

Les geôliers étaient des personnages dont la responsabilité s’aggravait suivant l’importance des murs ou prisons dont ils avaient la garde. A Pamiers, le mur des Allemands était surveillé par un geôlier en chef, rnstos mûri, qui avait sous ses ordres plusieurs gardiens, carcerarii, et leurs femmes. « Celles-ci concouraient avec leurs maris à la garde des détenus et plus spécialement sans doute à celle des prisonnières. On les voit assister, en outre, comme témoins aux différentes formalités judiciaires dont la prison peut être le théâtre. » Tanon, op. cit., p. 200 ; Cf. MoVm’ier, Études, p. 123 et note 7 ; Vidal, Le tribunal d’Inquisition de Pamiers, p. 110-111.

En raison de leurs relations constantes avec les prisonniers, les geôliers avaient de grandes facilités pour adoucir ou aggraver, dans les détails de la vie quotidienne, le sort des condamnés. Les faveurs qu’ils leur accordaient étaient parfois une source illicite de profils. De là un grand relâchement dans le régime intérieur des prisons. C’est un état contre lequel proteste une lettre de Jean Galand, inquisiteur de Carcassonne en 1282. Doat, t. xxxii, fol. 125 ; Douais, Documents, t. i, p. clxxxix ; cf. l’enquête faite par les cardinaux Bérenger de Frédal et Taillefer de la Chapelle, Douais, Documents, t. ii, p. 304-349. Dans son règlement sur l’entente et la collaboration de l’ordinaire et de l’inquisiteur délégué. Clément V essaie de prévenir ces abus, en autorisant l’établissement de deux geôliers indépendants pour chaque mur, l’un à la nomination de l’inquisiteur, l’autre à la nomination de l’évoque, Clémentines, t. V, tit. iii, c. 1-2. Mais, s’il faut en croire Eymeric, Directorium, part. III, q. Lix, p. 587, ces prescriptions, qui présentaient des difficultés dans la pratique, ne furent guère observées.

III. Les justiciables.

1° Les néo-manicliéens ou cathares. — L’hérésie particulière contre laquelle l’Inquisition fut primitivement instituée paraît se

rattacher au manichéisme oriental par les pauliciens et les bogomiles, qui professaient sur l’origine des êtres la théorie dualiste. Au’x.e siècle, l’impératrice Théodora, voulant se débarrasser des pauliciens, en avait fait massacrer une centaine de mille. Cf. Dœllinger, Beitrage, t. i, p. 13. L’empereur Alexis Commène (vers 1118) persécuta pareillement les bogomiles (ou amis de Dieu). Voir t. ii, col. 927-930. Mais nombre des membres" des deux sectes prirent, par la Bulgarie, la route de l’Occident, où ils trouvèrent un refuge et firent souche. Cf. Dœllinger, Beitrage, 1. 1, p. 51-55.

Au xiie siècle, on les trouve un peu partout en Lomhardie et en France. En 1167, ils tinrent un concile à Saint-Félix de Caraman, dans le voisinage de Toulouse, sous la présidence d’un de leurs chefs, le pape ou tout simplement l’évêque Nikéta ou Niquinta, venu de Constantinople. D’autres évêques de la secte siégèrent auprès de lui : Marc chargé de toutes les églises de Lombardie, de Toscane et de la Marche de Trévise ; Robert de Sperone, qui dirigeait une église du Nord ; Sicard Cellerier, évêque de l’église d’Albi. On pourvut de chefs quelques autres commimautés : Bernard Raymond fut nommé évêque de Toulouse, Guiraud Mercier, évêque de Carcassonne, et Raymond de Casalis, évêque du Val d’Aran, au diocèse de Comminges. Une telle organisation marque un développement considérable de la secte en Occident. Historien.’} des Gaules, t. xiv, p. 448.

Aux environs de l’an 1200, ses progrès sont plus etïrayants encore. Un évêque cathare converti, Bonacursus, écrivait vers 1190 : « Ne voyons-nous pas les villes, les bourgs, les châteaux remplis de ces faux prophètes ? » Manifestatio hæresis catharorum, P. L., t. cciv, col. 778. Et d’après Césaire d’Heisterbach, Dialogi, Anvers, 1604, p. 289, le cathai’isme comptait un peu plus tard des partisans dans près d’un millier de villes plus spécialement dans le nord de l’Italie et dans le midi de la France. En Languedoc, le nombre des « parfaits » s’élevait à sept ou huit cents, et il faudrait, semble-t-il, Dœllinger, Beitrage, 1. 1, p. 212-213, multiplier ce chiffre par vingt ou même plus, pour obtenir approximativement le nombre des membres de la secte ou simples « croyants ».

En Italie, ils portent différents noms : concoréziens et bagnolais, etc., du nom des villes qu’ils occupent ; à Milan, on les confond avec les patarins ; de là ces patareni que signalent les constitutions de Frédéric II ; enfin dans les speronistes il est facile de reconnaître les disciples de l’évêque cathare Sperone. En France, bien qu’il semble que le centre du catharisme ait été Toulouse, et non Albi, on les appela communément albigeois, voir Albigeois, ou encore bulgares, à cause de leur provenance : d’où boulgres, bougres, qualification qui fut étendue à tous les hérétiques du xiii’e siècle.

M. Vernet, voir Cathares t. ii, col. 1993 sq. n’a donné qu’une indication très sommaire de leur doctrine. Pour plus de détails, il conviendrait de lire Jean Guiraud. La morale des albigeois et le « Consolamentum » ou initiation cathare, dans Questions d’histoire et d’archéologie chrétiennes, Paris, 1906, ou Vacandard L’hérésie cathare, dans l’Inquisition, S"-’édit., Paris, 1914. Si l’on veut comprendre le zèle et l’outrance avec lesquels l’Église et l’État poursuivirent la secte, il importe de connaître ses praticiues à la fois antireligieuses et antisociales. Cf. Tanon, op. cit., p. 229-230. Nous insisterons surtout sur leur théorie antimatrîmoniale et sur leur initiation à l’i tat de « parfaits ».

Le commerce de l’homme avec la femme est chose damnablc, disaient-ils, c’est en cela que consistait la faute de nos premiers parents. Le fruit qui leur fut défendu, enseignait à Toulouse Pierre Garsias, ce fut tout simplement le plaisir de la chair, Dœllinger, Bei-