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INQUISITION


des questions de foi ; sur les conseils de son confesseur, le domiricain Raymond de Pennafort, il demanda à Grégoire IX de lui envoyer des inquisiteurs, et par une bulle du 26 mai 1232, le pape invita l’archevêque de Tarragone et ses suffragants à faire dans leurs diocèses, soit personnellement soit avec l’aide des frères prêcheurs ou d’autres religieux, une inquisition générale. Un peu plus tard (le 30 avril 1235) répondant à plusieurs questions qui lui étaient posées, Grégoire IX fit transmettre au roi d’Aragon tout un code de procédure inquisitoriale qui avait été rédigé par saint Raymond de Pennafort. Dès lors, l’Inquisition fonctionna régulièrement en Aragon avec le concours des dominicains et des franciscains, et elle étendit, nous l’avons vii, son action en Navarre. Lea, Histoire de l’Inquisition, t. ii, p. 193 sq. La Castille ne pouvait échapper à son influence ; El Fuero real, code promulgué par Alphonse le Sage en 1255, et Las sicte Partidas de 1265 reproduisent les prescriptions insérées contre l’hérésie dans les Décrétales de Grégoire IX et celles qui, édictées par ses successeurs, figurèrent plus tard dans leScxte de Boniface "VIII. Cf. El Fuero real, i, 1 ; Sicte Purtidas, i, G, 58 ; vii, 24, 7 ; vii, 25.

C'était l’Italie du nord qui avait déversé sur le midi de la France les manichéens ou cathares, mais elle en nourrissait encore en son sein un très grand nombre. Aussi, dès 1224Honorius III avait chargé les évêques de Brescia, de Modène et de Rimini de poursuivre les hérétiques de leurs diocèses. En 1228, le légat du Saint-Sièjie, Geolïro/, ordoimait de livrer au bras séculier les liérétiques obstinés ou relaps du Milanais. Suivant la méthode qu’il avait adoptée, Grégoire IX nomma le dominicain Albéric inquisiteur en Lombardie (1232), le dominicain Pierre de Vérone (saint Pierre martyr) inquisiteur à Milan (1233), les dominicains Aldobrandini Cavalcante et Ruggieri Calcagni inquisiteurs à Florence, le premier en 1230, le second vers 1241. Cf. Lea, op. cit., t. ii, p. 237-254 ; Jordan, La responsabilité de l'Église, p. 26-27.

En Sicile, l’empereur Frédéric II seconda de tout son pouvoir l'œuvre inquisitoriale des légats de Grégoire IX, tout en faisant tourner à son profit les confiscations qu’amenait la poursuite des hérétiques. De 1220 à 1231 il promulgua plusieurs constitutions qui déclaraieni l’hérésie crime de lèse-majesté, passible de la peine de mort, et ordonnaient la recherclie des coupables. Sur l'œuvre inquisitoriale de Frédéric II, voir surtout E. Jordan, La responsabilité de l'Église dans la répression de l’hérésie au moijen âge, p 28-37. 'Un édit daté de Ravenne en 1232 étendit à tout l’empire l’application de cette législation : et c’est ce que répétèrent les ordonnances ultérieures du 14 mai 1238, du 26 juin 1238, du 22 février 1239. Pertz, Moniimenta Germaniæ, Leges, t. ii, p. 196, 281 sq. En Allemagne, Conrad de Marbourg fut chargé d’appliquer les ordonnances impériales et les bulles pontificales. Une lettre de Grégoire IX en date du Il octobre 1231, lui indiquait par le menu la procédure à suivre, Potthast, n. 8860 ; cf. Auvray, Registres de Grégoire IX, 11. 539.

D’Allemagne, l’Inquisition s'étendit en Bohême, en Hongrie, dans les pays slaves et Scandinaves ; elle s'ètal lit jusque dans le royaume de Jérusalem. Bref, en dehors de l’Angleterre, elle couvrit la chrétienté latine à peu près tout entière. Cf. Lea, op. cit., t. i, p. 352-356 ; Wattenbach, Ueber die Inquisition gegen die Waldenser Pommern und der Mark Brandenburg, Berlin, 1886, etc.

II. Le TRinuNAL.

Les juges.

Les inquisiteurs

sont essentiellement des juges délégués de la papauté. Et c’est de cette qualité que dérive le principe de leurs pouvoirs. Lors même qu’ils sont, comme nous l’avons vu, désignés par leurs provinciaux, à la demande du

pape, c’est toujours du souverain pontife qu’ils sont réputés tenir directement leur juridiction. Bulle d’Alexandre IV, du Il décembre 1260, dans Ripoll. op. cit., t. I, p 402, Cf. Tanon, op. cit., p. 184-185.

Dans la circonscription territoriale dont ils ont la surveillance, ils exercent une juridiction indépendante que limite seule l’autorité papale ; c’est dire qu’ils exercent une souveraineté absolue. Les évêques des diocèses où ils instrumentent n’ont pas à s’immiscer dans les procès qu’ils instruisent.

Cette situation pouvait amener des conflits. La question se posa de savoir si la commission donnée à l’Inquisition suspendait la juridiction de l’ordinaire sur les hérétiques. « Gui Faucois se prononça, dans ses Qua’stiones, lorsqu’il n'était encore que cardinal, pour la juridiction exclusive de l’inquisiteur. Il décidait que l’ordinaire ne pouvait pas procéder dans les matières commises aux frères, parce que le pape les avait reprises et que, dès lors, la juridiction de l'évêque cessait. Il appuyait cette proposition sur la règle de droit commun que le juge délégué était supérieur au juge ordinaire, quel qu’il fût, dans l’affaire qui lui était confiée. Quæst., i, dans Doat, t. xxxvi, fol. 207-208. Mais lorsqu’il fut devenu pape, sous le nom de Clément IV (1265), il ne persévéra pas dans cette doctrine qui portait une si grave atteinte à la juridiction épiscopale. Aussi (en réalité) le pouvoir juridictionnel des évêques sur les hérétiques ne leur a-t-il jamais été enlevé, même dans la période la plus active de l’Inquisition monastique. Dans la lettre du 13 décembre 1255, par laquelle Alexandre IV donne aux provinciaux des dominicains et des franciscains une délégation générale pour la désignation de leurs frères, la double qualité en laquelle les évêques peuvent agir, soit comme juges ordinaires, soit en vertu d’une commission spéciale, est formellement réservée, Ripoll, op. cit., t. I, p. 292 ; et cette réserve est reproduite encore dans une lettre de Grégoire X, de 1273, Ripoll, t. I, p. 512, aux inquisiteurs du royaume, et dans le canon du Sexte, t. V, tit. ii, c. 17, de Boniface VIII, de 1298. » Tanon, op. cit., p. 176 et 180.

En fait, l’inquisiteur demeurait au moins indépendant de l’ordinaire dans l’exercice de ses fonctions. Et de la sorte, il possède un pouvoir sans limites. « Par privilège, il cumule des attributions que dans la justice ordinaire l’on trouve réparties entre plusieurs personnes. II accuse, il instruit, il juge, il condamne. Ce n’est pas qu’il lui soit défendu de commettre à d’autres les actes de la procédure dont il ne peut se charger personnellement. Il est libre de s’adjoindre des vicaires, des lieutenants, des commissaires dont il fixera lui-même les pouvoirs et qu’il révoquera à son gré. » Vidal, Le tribunal d’Inquisition de Pamiers, p. 91. Cf. Tanon, op. cit., p. 188-195. Mais c’est dans sa personne que se centralise et s’incarne la juridiction inquisitorialc.

Des abus de pouvoir étaient à craindre. Ils éclatèrent, dès les origines mêmes ; témoin ceux qu’on reprocha à Conrad de Marbourg et à Robert le Bougre (on sait que ce dernier finit par être suspendu de son office, puis condamné à une réclusion perpétuelle. Cf. Tanon, op. cit., p. 114-116 ; Frid ricq, op. cit.)

La force des choses amena une réaction. Les inquisiteurs et les évêques comprirent les avantages et la nécessité d’agir de concert. Avant même qu’elle fût érigée en règle, l’entente du juge ordinaire et du juge délégué se trouva réalisée dans plusieurs diocèses. Citons simplement comme exemple, le cas de Bernard de Castanet, évêque d’Albi (1275-1308), instrumentant avec les inquisiteurs de Carcassonne. Cf. Vidal, Butlaire de l’Inquisition française, p. 11, note.

Le 2 mars 1304, Benoît XI recommande cette union aux inquisiteurs de Lombardie. Grandjean, Registres