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INQUISITION


Regesia, n. 95. Saint Dominique, dont on a voulu faire le premier inquisiteur, n’agit d’abord qu’en sous-ordre ; s’il rendit des services à l’Inquisition, ce fut en vertu d’une délégation qu’il tenait de la légation cistercienne dirigée par Arnauld de Cîteaux et Pierre de Castelnau. Acta sanctorum, augusti, t. i, p. 410-411 ; cf. Douais, L’Inquisition, ses origines, sa procédure, p. 25-26. L’Inquisition proprement dite n’était pas encore née.

Du pontificat de Lucius III à celui de Grégoire IX, la législation inquisitoriale ne fit guère de progrès. Grégoire IX, au début de son ministère, usa de l’Inquisition légatine comme avaient lait ses prédécesseurs. En 1227, commissions particulières à deux dominicains, l’une pour Florence, l’autre pour l’Allemagne. Lanci, Lezione di aniichila Toscana, II" partie, p. 493 ; Lettre à Conrad de IMarbourg, Ripoll, BuHarium, t. I, p. 20. Mais bientôt il transforma sa méthode, Cf. sa constitution de février 1231, Auvray, Registres de Grégoire IX, n. 539. Sans nous arrêter aux missions un peu vagues, comme celles qui furent confiées au prieur des dominicains de Besançon et aux dominicains d’Aragon, Ripoll, op. cit., t. i, p. 3042, nous arrivons aux documents décisifs du 13, 20 et 22 avril 1133 où la pensée du pontife se déclare tout entière. Percin, Monumenla convenlus Tolosani, t. IV, p. 92 ; Ripoll, t. i, p. 47. Le 13 et le 20 avril, Grégoire IX annonce à tous les prélats de Fr.ance qu’il a choisi, pour combattre l’hérésie, les frères prêcheurs, qui se sont, dans l’humilité d’une pauvreté volontaire, dévoués à cette tâche. S’il confie à des religieux les fonctions d’inquisiteurs, ce n’est pas qu’il veuille priver les évêques du droit de poursuivre eux-mêmes les hérétiques, mais c’est qu’il se propose de les soulager et de les relever en quelque sorte de ce soin, parce que « les soucis de leurs multiples occupations leur permettent à peine de respirer. » Le texte mérite d’être cité : Nos considérantes quod vos diversis occupationum turbinibus agitali » ix valetis intcr inundantium solliciludinurn angustias respirnre, ac per hoc dignum ducenles ut onera vestra cuin aliis dividantur, diclos Fratres prædicatores contra hærcticos in rcgnum Francise et circumjacentes provincias duximus deslinandos, mandantes quatenus ipsos bénigne recipienles et honeste tractantes in liiis et aliis consilium, auxilium et favorem ialiler impendatis, quod ipsi commissum sibi ojjicium exsequi valeant. Le 22 du même mois, Grégoire complétait ces instructions, en chargeant le provincial dominicain de Toulouse d’envoyer dans le pays quelques-uns de ses frères, choisis par lui, pour procéder contre les hérétiques, conformément à la récente constitution qu’il avait publiée contre eux en 1231. Ripoll, op. cit., 1. 1, p. 47.

Ces bulles qui répondaient à un besoin signalé par le concile de Toulouse du 12 novembre 1229, Mansi, Concil., t. xxiii, col. 191-198, sont, dit un historien, « très remarquables par l’ensemble des instructions qu’elles contiennent. Il ne s’agit plus ici de recommandations générales aux membres du nouvel ordre pour la prédication contre les hérétiques, mais de véritables poursuites à exercer, de sentences à rendre par les juges délégués, de l’exercice, en un mot, d’un véritable pouvoir judiciaire. Enfin et c’est là le point capital de cette intervention de l’autorité pontificale, il s’agit avant tout de substituer aux évoques, pour la répression de l’hérésie, non plus des légats, choisis spécialement par la papauté pour des missions temporaires, mais un institut nouveau qui reçoit le mandat définitif de pourvoir, par tous ses membres, sur le simple choix d’un provincial, à l’exercice dans un diocèse d’une juridiction que les prélats sont déclarés impuissants à garder. Les ministres ou gardiens de l’ordre des franciscains recevaient une délégation semblable.

de Grégoire IX, pour la Navarre, 24 avril 1238, Sbaralea, Bullar. franciscanum, t. i, p. 230, et d’Innocent IV, une délégation générale pour tous les pays où leurs frères seraient employés. Wadding, Annales minorum, ad ann. 1254, t. iii, p. 328. C’est cette délégation du droit de commission aux chefs d’ordres qui fondait véritablement l’inquisition monastique et lui donnait son caractère permanent. » Tanon, op. cit., p. 173-174.

Le régime inquisitorial, inauguré dans la France méridionale, remonta vers le nord. Par une bulle en date du 29 avril 1233, Grégoire IX nommait inquisiteur général du royaume de France, pei universum regnum Francise, frère Robert (surnommé le Bougre, parce que, avant d’entrer dans l’ordre des dominicains, il avait lui-même fait partie de la secte des cathares que le peuple désignait sous le nom de bulgari, bougres). Robert avait ordre d’agir de concert avec les évoques et les religieux. Frédéricq, Robert le Bougre premier inquisiteur de France, p. 13 ; Tancn, op. cit. p. 114.

Le royaume de France se trouva ainsi bientôt divisé en différentes circonscriptions inquisitoriales, dont les sièges se trouvaient à Toulouse, à Carcassonne, à Paris, etc. L’inquisiteur de Toulouse, par exemple, s’intitulait inquisiteur de la province de Toulouse, ou inquisiteur de Toulouse, ou enfin inquisiteur du royaume de France, Tolosse residens. Cf. Vidal, Bulluire de l’Inquisition française cm A’/ F-’siècle, p. vu sq.

Le pouvoir civil se montrait disposé à seconder l’Église dans son œuvre répressive. Dès 1228, Blanche de Castille n’avait pas hésité à déclarer qu’elle poursuivrait les coupables, qui lui seraient déférés par l’Église : postquam fuerint de liœresi per episcopum loci vel per aliam ecclesiaslicam personam quæ potestatem habeat condemnali. Laurière, Ordonnances des rois de France, 1. 1, p. 50. Louis IX n’était pas homme à désavouer sa mère. Il se mit à la disposition des inquisiteurs. Dans sa Chronique rimée, vers 2887928882, Bouquet, Historiens des Gaules, t. xxii, p. 55, Philippe Mousket dit que Robert le Bougre agissait, à la fois au nom du pape et au nom du roi :

Par le commant de l’apostole

Qui H et enjoint par estole

Et par la volonté du roi

De France, ki l’en fist otroi.

Le coutumier appelé Établissements de saint Louis, et les Coutumes du Beauvaisis de Beaumanoir constatent cet accord de la juridiction ecclésiastique et de la juridiction séculière. « Quand le juge (ecclésiastique) aurait examiné (l’accusé), se il trouvait qu’il fut bougre (hérétique), si le devait faire envoler à la justice laïque et la justice laïque le doit faire ardoir (brûler). » Laurière, Ordonnances des roï.s de Frarice, 1. 1, p. 2Il et 175. En tel cas, disent les Coutumes de Beauvaisis, édit. de la Société de l’histoire de France, t. i, p. 157 et 413, doit aider la laïque justice à sainte Église ; car quand quelqu’un est condamné comme bougre par l’exam.ination de sainte Église, sai.nte Église le doit abandonner à la laïque justice et la laïque justice le doit ardoir, parce que la justice spirituelle ne doit nul mettre à mort. »

L’Inquisition franchit nécessairement les frontières de la France. La Flandre et les Pays-Bas, par exemple, furent soumis à l’action du grand inquisiteur Robert le fjougre. Cf. P. Frédéricq, Corpus documentorum inquisitionis neerlandicse, t. i, passim.

Au sud, les diocèses ecclésiastiques chevauchaient sur les deux versants des Pyrénées. De là des communications fréquentes entre les fidèles, comme aussi entre les hérétiques de l’Espagne et de la France. Le roi d’Aragon, dom Jayme, ne pouvait se désintércfser