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INNOCENT XI


devoir, désintéressé, dévoué aux pauvres, il avait l’estime générale. Le 21 septembre 1676, malgré l’opposition de Louis Xl. le conclave le choisit pour succéder à Clément X.

Dans l’administration des États de l'Église, il fit une série de réformes fort sages : il se déclara contre le népotisme, abolit les sinécures, ferma les maisons de jeu, introduisit partout l'économie. A son avènement les finances étaient dans un état déplorable ; par ces mesures, il eut bientôt fait d’y rétablir l’ordre. En 1683, il réagit énergiquement contre les modes inconve lantes.

Dans l’administration générale de l'Église, il rappela les religieux à la stricte observance de leurs vœux et prit grand soin des choix à faire pour les dignités ecclésiastiques. Il recommanda l’enseignement du catéchisme, une prédication vraiment chrétienne et de la dignité dans le service divin.

Dans le gouvernement de l'Église, plusieurs grande » affaires remplirent son pontificat : trois sont plutôt d’ordre administratif : la lutte contre les Turcs ; la révolution de 1688 en Angleterre, des difficultés avec la France ; trois sont d’ordre doctrinal : la condamnation du gallicanisme, qui se rattache à ses difficultés avec la France ; celle de propositions d’une morale facile, à laquelle se rattache la luLle contre le pro | babilisme ; enfin, celle du quiétisme.

Au lendemain même de son élection, en notifiant son avèiiemeul aux princes chrétiens, il les suppliait de faire la paix, et de se tourner contre les Turcs. En 1678, survint le traité de Nimègue ; malheureusement, Louis XIV et les Habsbourg ne purent s’entendre pour faire front contre les Turcs. Mais Jean Sobieski, r à de Pologne, Nint au secours de Léopold I" ; le 12 septembre 1683, il sert la messe, communie, et bat les Turcs sous les murs de Vienne. L’empereur ne lui en eut pas de reconnaissance ; dans la suite, il ne l’aida pas à repousser l’invasion des Tartares. Mais la chrétienté était sauvée. La bataille de Vienne marqua le commencement du déclin de la puissance ottomane ; on a comparé cette victoire à celles de Poitiers, de Navas de Tolosa et de Lépante.

Depuis le retour des Stuarts (1661), la GrandeBretagne ne cessait de vivre dans l’inquiétude. Le passé de Charles II, son mariage avec une princesse catholique, tout avait fait espérer quj ce prince protégerait les catholiques. Mais il lut à la fois l’un des rois les plus débauchés de son temps, et l’un des plus tracassiers en matière de religion (1661-1685). Et depuis 1672, les catholiques furent tout particulièrement visés. Depuis plusieurs années, son frère et successeur Jacques II était publiquement catholique. Innocent XI lui (îbnseilla la prudence dans la protection du catholicisme et le respect des libertés parlementaires. Louis XIV, au contraire, le poussait aux mesures de réaction religieuse et à l'établissement du pouvoir absolu. Ce fut Louis XIV qui fut écouté. Le mécontentement alla grandissant. Enfin, le 5 novembre 1688, Guillaume d’Orange débarquait en Angleterre, à la tête d’une armée de 10 000 hommes, avec un drapeau sur lequel était écrit : « Pour la religion et pour la hberté ». La nation le suivit, et Jacques II se retira en France.

Guillaume avait fait dire à Innocent XI qu’il prenait les armes pour la défense de la religion et de l’Empire contre Louis XIV. A ces allégations. Innocent ne prêta qu’une oreille distraite. Mais il n’alla pas jusqu'à protester contre l’entreprise : la tension de ses relations avec la France, les maladresses de Jacques II aident à faire comprendre cette attitude.

La fil du moyen âge avait proclamé le pouvoir direct du pape sur les puissances temporelks. Les « iècles suivants marquèrent une réaction, qui, nalu rellement, alla trop loin. C’est à cette réaction qu’appartiennent les démêlés de Louis XIV avec Innocent XI.

Le point de départ en fut « le droit de régale. On appelait ainsi le droit que s’attribuait le roi de France, pendant la vacance d’un évéché, d’en percevoir les revenus, et de nommer aux bénéfices qui en dépendaient, jusqu'à ce que le nouveau titulaire eût prêté serment de fidélité. Il y avait donc là une régale temporelle, la perception des revenus, et une régale spirituelle, la nomination aux bénéfices vacants. La régale spirituelle était évidemment inadmissible, et du reste Louis XIV finit par l’abandonner. La question de la régale temporelle était plus complexe. Dans le haut moyen âge, lorsqu’il était à craindre que la vacance d’un siège n’entraînât le pillage des biens de l'Église, le prince temporel se chargeait du maintien de l’ordre ; en compensation, la coutume s'était établie qu’il perçût le revenu des biens. En 1274, le 1I « concile de Lyon défendit sévèrement Vextension du droit de régale temporelle, et exhorta ceux qui étaient en possession de ce droit à ne pas en abuser. Or, le 10 février 1673, une ordonnance royale étendait le droit de régale à tous les diocèses de France. Les évêques des diocèses exempts de la régale étaient requis de faire enregistrer, dans le délai de deux mois, leur serment de fidélité à la Chambre des comptes ; faute de quoi la régale serait ouverte dans leurs diocèses. Deux évêques protestèrent : François Pavillon, évêque d’Alet, et François Caulet, évêque de Pamiers. C'étaient deux prélats d’une piété et d’une austérité exemplaires. Pavillon et même peut-être Caulet avaient fini par adhérer au jansénisme. Innocent XI les soutint. Mais Pavillon mourut en 1677 et Caulet en 1680. Le gallicanisme parut partout triomphant : au parlement et à la Sorbonne ; à l’assemblée du clergé de France, du mois de juillet 1680 ; à Rome même où le duc de Créqui imposait ses conditions à la cour pontificale.

Mais, à ce moment même, Louis XIV fait un nouvel acte d’autorité ; il fait établir par ses légistes qu’il a le droit de nommer les abbesses aussi bien que les évêques etles abbés. De 1677 à 1681, il s’enfonce en un conflit violent avec le pape au sujet de la nomination de l’abbesse du monastère de Charonne. Il en arrive à craindre l’excommunication. Dans ces conjonctures, il résolut de mettre le clergé de France entre le pape et lui. De là la fameuse assemblée et les quatre articles de 1 682. L’archevêque de Paris, Harlay, en fut l'âme ; il était intelligent, bon théologien, mais de mœurs légères et de peu de caractère. Louis XIV voulut que Bossuet fît partie de l’assemblée ; il en fut le modérateur.

On s’occupa d’abord de la régale. On décida que les bénéflciers à charge d'âmes nommés par le roi devraient obtenir l’autorisation canonique ; c'était à peu près abolir la régale spirituelle. Par contre, on étendit à tous les évêchés le droit de régale temporelle. Mais c’est la tendance française, et c'était notamment celle de Louis XIV, de vouloir étayer sa conduite sur des principes généraux, clairement établis. On entreprit donc un débat sur le fond même de toutes les questions agitées, c’est-à-dire sur l’autorité du pape. Quelle est l'étendue de cette autorité? Quelles en sont les limitations ? Certains évêques, Harlay, archevêque de Paris, Le Tellier, archevêque de Reims, Choiseul-Praslin, évêque de Tournai, étaient très opposés au pape en faveur du roi. Bossuet fit adopter des solutions plus modérées. Il rédigea les quatre fameux articles de 1682 ; le plus important était le dernier, qui niait l’infaillibilité doctrinale du pape. Voir Bossuet et Déclaration de 1682.

Innocent ne condamna pas directement les quatre