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INNOCENT Y III


public. Ces fonctionnaires, avides et détestés en tous pays, ne songeant qu'à leur intérêt personnel, toujours à la recherche de nouveaux expédients pour exploiter les églises étaient naturellement opposés à toute mesure réformatrice. De là, la plainte montante qu'à Rome tout s’obtenait à prix d’argent. Il se fonda même une véritable association pour vendre des bulles fausses.

Manque de caractère chez le pape, puissance et rival té des cardinaux, vénalité des fonctionnaire ?, tout explique que, sous ce pontificat, Rome et les États de l'Église furent dans un état voisin de l’anarchie ; pillages, assassinats, violences y étaient des faits quotidiens..u mois de mars 1492, Laurent le Magnifique écrivait à son fils, le jeune cardinal Jean, plus tard Léon X, que Rome était devenue « le rendezvous de tous les vices ».

Innocent protégea les lettres et les arts. Sans atteindre sur ce terrain au mécénat d’un Sixte IV, d’un Jules II ou d’un Léon X, il se place toutefois dans leur lignée. A Rome, il fit restaurer plusieurs églises et reconstruisit Sanla Maria in via lala. Près du Vatican, il fit construire le fameux Belvédère, que Jules II entreprit de relier au Vatican ; et à cinq milles de Rome la villa Maqliana. A Rome travaillaient alors Antonio Pollajuolo, le Pinturicchio, Andréa Mantegna, Filippino Lippi et le Pérugin.

Innocent VIII essaya de grouper la chrétienté dans une croisade contre les infidèles, et notamment contre le Croissant. Mais en 1489 il finit par conclure un traité avec Bajazet II ; le pape devait garder étroitement à Rome le fameux prince Djem, concurrent de Bajazet ; à cette fin, le sultan lui verserait annuellement 45 000 ducats.

A Naples, sous l’influence de Julien de La Rovère, Innocent prit parti pour les barons contre le roi Ferrant. Finalement, le Il septembre 1489, il l’excommunia, le déposa et réunit ses États à ceux de l'Église ; mais, en 1492, le pape et le roi se réconcilièrent.

Dans trois bulles de 1486, Innocent déclara qu’Henri VII, de la maison des Tudor, était le vrai roi d’Angleterre, par triple droit de conquête, d’héritage et de choix national ; et il approuva son mariage avec Elisabeth, fille d’Edouard IV. - C’est à la fin de ce pontificat qu’eut lieu la prise de Grenade (2 janvier 1492), après quoi les Maures furent chassés d’Espagne. A Rome, cet événement fut l’objet de grandes réjouissances. A cette occasion, Innocent donna à Ferdinand et à ses successeurs le titre de Roi catholique.

Mais ce qui doit ici nous arrêter davantage, c’est l’activité doctrinale d’Innocent VIII.

Dés 1484, il s’occupa à enrayer les agissements des juifs d’Espagne ou Maranos ; les années.suivantes, le prosélytisme des hussites et plus encore des vaudois. Mais deux actes touchant à la doctrine sont surtout restés célèbres : la bulle contre la sorcellerie et la condamnation de Pic de La Mirandole.

Jusqu’au milieu du xive siècle, l'Église semble s'être peu occupée de la sorcellerie ; on était plutôt porté à y voir une supercherie, et non un commerce véritable avec le diable. Aujourd’hui, de graves théologiens, comme Hurter, ne croient pas à un art de la magie, c’est-à-dire à la faculté, posé certains" signes, de produire infailliblement des cfîets extraordinaires, avec l’aide du démon.

Auxiv<=siècle, le pape Jean XXII accorda à la magie et aux pratiques d’envoûtement plus d’attention qu’il n’eût sans doute été convenable. Le xve siècle vit de retentissants procès de magie, notamment celui de Gilles de Rais. Pour la croyance aux sorciers, aux fées, aux apparitions, en un mot à tout un surnaturel frisant la contrefaçon, l’Allemagne a toujours été au premier rang. Dans ce pays, plus encore qu’ailleurs, les

pratiques de sorcellerie s'étaient alors fort malencontreusement développées.

C’est contre ces pratiques que, le 5 décembre 1484, Innocent VIII lançait la bulle Summis desiderantes. Il commence par y constater l’extension considérable que les crimes dits de sorcellerie ont prise en plusieurs parties de l’Allemagne. « D’après ce qui est parvenu récemment à notre connaissance, dit-il, … beaucoup de gens des deux sexes, oublieux de leur salut, et déviant de la foi catholique, ont de mauvais commerces avec les démons incubes et succubes. Par leurs incannations, charmes, conjurations et autres superstitions sacrilèges, par des excès, crimes et délits de sortilèges, ils font dépérir et mourir enfants, petits des animaux, récoltes, raisins, fruits des arbres, hommes, femmes, troupeaux, bétail et autres animaux, vignes, vergers, prés, pâturages, blés, froments et autres productions de la terre. Par d’horribles soullrances tant internes qu’externes, ils atteignent et torturent hommes et femmes, bêtes de somme, troupeaux, bétail et autres animaux. Ils empêchent la procréation des enfants… La fol même qu’ils ont reçue au baptême, ces gens la renient d’une bouche sacrilège ; à l’instigation de l’ennemi du genre humain, ils ne craignent pas de commettre une foule d’autres forfaits, excès et crimes, au péril de leurs âmes et au mépris de la majesté divine, donnant ainsi de mauvais exemples en îEoule. »

Puis le pape s’adresse aux deux inquisiteurs Henri Institoris et Jacques Sprenger, de l’ordre de saint Dominique ; il leur confère, sur la Haute Allemagne et sur plusieurs autres parties de ce pays, tout pouvoir pour poursuivre, emprisonner et punir tous coupables, quelle que soit leur condition.

C’est alors que ces deux inquisiteurs firent paraître leur livre devenu si fameux, le Maliens maleficarum, ou Maillet des sorcières (Cologne, 1486). Ce livre contient des récits extraordinaires. On y voit, par exemple, comment on produit la grêle et la pluie : on fait un petit trou, on y verse de l’eau et on remue avec le doigt. Sprenger a connu une vieille femme qui, , par ce procédé, avait détruit toutes les moissons et autres récoltes, sur un mille de terrain, à vingt-huit milles de Salzbourg. Part. II, q. i, c. xv. Quand on lit cet ouvrage, on se convainc sans peine que c'était Institoris et Sprenger qui avaient « fait parvenir à la connaissance » d’Innocent VIII les faits indiqués dans la bulle de 1484 ; il les connaissait « par ouï-dire ». « Dans toute cette bulle, il n' ja pas trace de décision dogmatique au sujet de la sorcellerie. L’idée fondamentale de ce document est, l’auteur ne s’en cache pas, l’hypothèse, de tout temps fermement soutenue par l'Église, de la possibilité d’une influence du démon sur l’humanité. » Pour les faits indiqués, le pape, personnellement, a pu être convaincu qu’ils étaient réels, ce point importe peu. Ici, son opinion n’a que la valeur d’une décision pontificale sur une question étrangère au dogme, comme serait, par exemple, une contestation au sujet de la possession d’un.bénéfice. Enfin, sur la sorcellerie elle-même, la bulle ne contient aucune prescription absolument nouvelle. L. Pastor, Geschichle der Pàpste, 4^ édit., 1899, t. iii, p. 268 ; trad. franc., par Furcy-Renaud, 1898, t. v, p. 338-339.

En 1486 vint à Rome le fameux Pic de La Mirandole. Agé de vingt-trois ans, il venait avec neuf cents thèses « sur la dialectique, la morale, la physique, la mathémathique, la métaphysique, la théologie, la magie et la cabale. » Ces thèses étaient en partie de son invention, en partie empruntées « aux monuments des sages chaldéens, arabes, hébreux, grecs, égyptiens et latins. » Il s’offrait à une soutenance publique, se soumettant du reste au jugement de l'Église. Des théologiens jugèrent certaines de ces thèses suspectes d’hérésie ; sur