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INNOCENT VI


Innocent VI fut un pape réformateur. Il obligea les clercs à résid r dans leurs bénéfices et restreignit le train de sa maison. Baluze-Mollat, VHæ papanim Avenionensium, Paris, 1916, t. i, p. 329, 343, 347. Les ordres religieux furent rappelés à l’observation de leur règle. Le pape aida puissamment le grand maître Simon de Langres à restaurer la discipline chez les frères prêcheurs. Mortier, Histoire des maîtres générauxde l’ordre des frères prêcheurs, Paris, 1907, t. iii, p. 295-442. Il imposa des reformes très sévères aux hospitaliers de SaintJean de Jérusalem. J. Delaville Le Roulx, Les hospitaliers à Rhodes, Paris, 1913, p. 116-139. Il réprima par le bûcher ou la prison les écarts de doctrine de j ; ertains franciscains, qui avaient versé dans les erreurs des spirituels. C’est ainsi que frère Jean de Roquelaillade, auteur du Vade mecum in tribulatione, fut condamné à la réclusion. Cependant Innocent VI ne prit pas contre les ordres mendiants les mesures intransigeantes que réclamait de lui l’archevêque d’Armagh, Richard Fitz-Ralph, en novembre 1357, et qui consistaient à leur interdire les fonctions du saint ministère. Traité de Fitz-Ralph, intitulé Dcfensorium curatorum contra eos qui privilegiatos se dicunt, dans E. Brown, Fasciculus rerum expetendarum et fugiendarum, Londres, 1690, t. ii, p. 466-486.

Innocent VI défendit les droits du mariage chrétien contre le roi de Caslille, Pierre le Cruel. Sous la pression de ce prince, les évêques de Salamanque et d’Avila avaient cassé l’union qu’il avait validement contractée avec Blanche de Bourbon, le 3 juin 1353. Les juges avaient invoqué des prétextes futiles. Au fond, ils craignaient leur roi, qui voulait se marier avec doiïa Juana de Castro et qu’il épousa en effet avec leur permission. Bertrand, évêque de Sénez, fut envoj'é en Castille. Il avait l’ordre de déclarer nul le mariage autorisé par les évêques de Salamanque et d’Avila, d’instruire le procès des deux prélats et de citer le roi à comparaître en cour d’Avignon. Le nonce ne parvint pas à obtenir le rappel de Blanche de Bourbon. Il s’en retourna, après avoir jeté l’interdit sur)e royaume et déclaré le roi excommunié (1354). D’autres nonces vinrent en Castille, mais ne réussirent pas mieux dans leur mission. L’infortunée princesse de Bourbon mourut à Jerez, en 1361, sans avoir obtenu justice. G. Daumet, Innocent VI et Blanche de Bourbon. Lettres du pape publiées d’après les registres du Vatican, Paris, 1899 ; J. B. Sitges, Las mujeres del rei] don Pedro I de Castilla, Madrid, 1910.

Le pontificat d’Innocent VI fut marqué, dans 'Empire, par un événement de haute importance : la publication de la Bulle d’or (13 janvier 1356). Cet édit fameux réscrait entre autres choses le droit d'élection au Irùne d’Allemagne a sept électeurs et instituait, pendant la vacance de l’empire, le prince de Saxe comme vicaire impérial pour le nord et le comte palatin du Rhin pour le sud. Il passait sous "silence les prétentions de la cour romaine à approuver et à confirmer l'élection du roi des Allemands, ainsi qu'à régir les fonctions impériales en Italie pendant la vacance de l’empire. K. Zeumer a prétendu que Cliarles IV ne mentionna pas les prétentions du Saint-Siège, afin de ne pas prendre position contre lui et de laisser la difficulté en suspens. Die Goldene Bulle Kaiser Karl IV, Wcimar, 1908, p. 192194. A la suite des jurisconsultes du xviiie siècle, .M. Scheffier a démontré récemment que Charles a aboli en fait les prétentions de la curie, mais qu’il les a écartées par prétention, afin d'éviter un conflit avec Innocent VI.

La généralité des historiens rapportent que le pape protesta contre la Bulle d’or et qu'à partir de la publication de l'édit les i-apports amicaux cessèrent entre ! e Saint-Mège et le roi des Romains. M. Schefiler n’a pas eu de peine à prouver le contraire. Il n’existe en elîet

aucune trace d’une protestation quelconque de la part du pape. Bien plus, après la diète de Metz, où la Bulle d’or fut promulguée et à laqueUe assis’ta un nonce Aiidroin de La Roche, Innocent adressa à Charles IV une lettre pleine de louanges. S’il se crut offensé, il cacha du moins son dépit. Son attitude n’a pas de quoi surprendre. La Bulle d’orlégalisaiten Allemagne l’anarchie constitutionnelle et transformait le pays en un vaste État confédéré. Elle affaiblissait par suite le pouvoir impérial et favorisait indirectement les vues de la papauté sur l’Italie. Elle détachait, en fait, la péninsule de l’empire. D’autre part, Innocent VI n’avait pas intérêt à se brouiller avec Charles IV en 1356 ; il comptait sur son appui pour seconder sa politique italienne, obtenir le concours financier du clergé allemand et repousser les incursions des Grandes Compagnies dans le Comtat Vena’ssin. Au reste, les vrais sentiments du pape transpercent dans les décisions qu’il prit au sujet des deux constitutions par lesquelles Clément V avait réglé, de son chef, les rapports de l'Église et de l’empire, en 1313-1314.

La décrétale Romani principes de ce deruior pon( ife avait afiirmé que les serments prêtés au Saint-Siège par Henri VII, à l’occasion de son élection au trône d’Allemagne, constituaient de véritables serments de fidélité. D’après l’interprétation de la curie, ces serments équivalaient à des serments de vassalité. La décrétale Pastoralis cura avait proclamé en outre la supériorité de l'Église sur l’empire. Vers le mois de mai 1359, Charles IV demanda l’annulation ou du moins une nouvelle rédaction des deux constitutions. Il ne les jugeait point comme attentatoires aux droits de l’empire, mais comme une flétrissure à la mémoire de son grand-père. De plus, il n’ignorait pas qu^ Guillaume d’Occam avait attaqué la validité de son élection en 1346, à l’aide d’un argument spécieux : d’après lui, Henri VII, s' étant mis en état de rébellion contre les constitutions pontificales lors de l’expédition romaine, en 1310-1313, était entaché d’hérésie ; par suite, ses descendants étaient incapables de toute dignité jusqu'à la troisième génération.

Mû par ces motifs, Charles IV adressa une demande à Innocent VI, par l’intermédiaire d’un ambassadeur, en vue de remédier à l’a réputation faite à son aïeul. Le pape répondit par une fin de non-recevoir : il allégua la nécessité de convoquer un consistoire (23 juillet 1353). Monumenta Bohemiæ, Prague, 1907, t. ii, n. 995.

Vers la fin du mois de septembre 1360, Charles IV députa de nouveaux ambassadeurs vers Innocent VI. Le moment était propice. Le pape avait sollicité les souverains européens d’intervenir en Italie contre Bernabô Visconti, qui menaçait de prendre Bologne à l'Église. D’autre part l’entrée des compagnies en Provence remplissait le pontife d’alarmes. Innocent condescendit au désir de Charles IV, afin de l’attirer à son parti et d’obtenir son aide. Une bulle (Il février 1361) déclara que, si Henri VII avait agi inconsidérément contre le roi Robert de Naples, en le déclarant coupable de lèse-majesté, il n’en avait pas moins été un sujet docile de l'Église. Clément V n’avait pas voulu flétrir sa mémoire en publiant les deux décrétales Romani principes et Pastoralis cura, mais seulement affirmer les droits de l'Église. Innocent VI passa prudemment sous silence la doctrine de la suprématie pontificale sur l’empire, tout en ne reniant pas la teneur des constitutions qu’il considérait au contraire comme décisives. F. M. Pelzel, Kaiser Karl IV, Kônig in Bôhmen, Prague, 1781, t. ii, n. 298 ; 'Willy Schefllcr, Karl IV und Innocenz V I. Beitrûge zur Geschichte ihrer Beziehungen, 13-551360, Berlin, 1912, p. 85-107, 146-163.

Innocent VI n’oublia pas qu’il avait professé. U fonda à Toulouse, en 1359, le collège Saint-Martial et à Bologne, en 1 360. une faculté de théologie. P. Fournier,