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INNOCENT Y — INNOCENT VI

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et d’organiser dans tout leur empire l’union dccrctée à Lyon ; et il poussait sa sollicitude jusqu'à leur proposer des formules d’ordonnances et de règlements à promulguer dans ce but. Potthast, Regesla pontificum romanoium, p. 1704-1708. Cf. Hefele, Histoire des conciles, trad. Leclercq, Paris, 1914, t. vi, p. 229-230. Malheureusement le temps lui manqua pour l’accomplissement de ces généreux projets. Il mourut à Rome, le 22 juin 1276. Il n’avait régné que cinq mois et un jour.

Comme écrivain, Innocenc V, que ses contemporains ont surnommé Doclor famosissimus, a laissé des œuvres dignes de mention, notamment : 1° Coinmentariiis in quatuor libros Sentientiarum, publié seulement en 1852, ù Toulouse.^en 3 in-fol. Ce n’est pas, comme on l’a répété à tort, un abrégé du commentaire de saint Thomas sur le même livre ; il renfermait certaines opinions, sans doute discutables, qui semblent avoir fourni très anciennement matière à des polémiques oubliées aujourd’hui ; 2° des notes ou « postules » super Pentateuchum, super Lucam, super Epistolas Pauli, etc. ; ces dernières, souvent citées par les exégètes postérieurs, ont été de 1478 à 1C92 imprimées six fois sous le nom de Nicolas deGorran(tl295) ; les éditions imprimées ont été faites d’après des manuscrits interpolés, ce qui a amené de bons critiques à douter de leur véritable provenance ; mais des manuscrits anciens, purs de ces interpolations, portent le nom de Pierre de Tarentaise. Aussi la P. Denifle n’a aucun doute sur leur authenticité. Die Abendlàndisdicn Schriftausleger bis Luther liber JuslitiaDei (Rom. 1, 17) und Justificatio, Mayence, 190.5, p. 144-152 ; 3° des questions quodlibi tiques inédites : De unitate forma', De maieria cali. De aternilatemundi, De intellectn et voluntule, et quelques autres études manuscrites dont on trouvera les titres dans QuetifEcliard, Scriptores ordinis pnvdicatorum, Paris, 1719, 1. 1, p. 350.

5ur les manuscrits, les éditions, et les extraits des deux principaux ouvrages de Pierre de Tarentaise, voir la Revue des sciences philosophiques et théologiques, octobre 1902, p. 570-572 ; Muratori, Jierum italicarum scriptores, Florence, 1723-1751, t. iii, p. 605, Vita Innocenlii Papa : V ex ms. Bernardi Guidonis ; Touron, Histoire des hommes illustres de l’ordre de Saint-Dominique, Paris, 1743, t. i, p. 644 ; P. Féret, La faculté de théologie de Paris et ses docteurs les plus célèbres, moyen âge. t. ii, p. 487-495 ; Mgr Turinaz, La patrie et la famille de Pierre de Tarentaise, Nancy, 1882 ; Carboni-Laureti, De Innocenlio V romano i ontificedissertatio, Rome, 1894 ; Vie du bienheureux Innocent V, par un religieux du même ordre (le P. Mothon), Rome, 1896.

J. FORGET.

6. INNOCENT VI, pape (1352-1362). Etienne Aubert naquit au viHaj^e des Monts, paroisse de Beyssac (Corrèze). C'était un jurisconsulte de valeur, qui avait professé à l’université de Toulouse et avait géré les fonctions de juge-mage dans la sénéchaussée de Toulouse. G. Mollat, Lettres comnumes de Jean XX II, t. vii, n. 42399 et 42 409. Il avait été archidiacre de Cambrai, de Brabant et de Souvigny (Allier), archiprêtre de i.aurac (Aude), chanoine prébende de Clermont-Ferrand, de Bourges, de Langres, de Paris, d’Orense (Espagne), chantre et chanoine de Castelnaudary (Aude), prieur de Rouvignac (Hérault). A. Fayen, Lettres de Jean XXII, Paris, 1909-1912, n. 2266, 3406 et 3592 ; J.-M. Vidal, Lettres communes de Benoît XII, n. 2624, 4186, 4294, 4691, 4736 ; U. Berlière, Les arclùdiacres de Liège au ^ive siècle, Bruxelles, 1907, p. 28. Il avait octupé les sièges épiscopaux de Noyon(23 janvier 1338) et de Clermont (Il octobre 1340). Promu à la dignité cardinalice avec le titre des SaintsJean-et-Paul (20 septembre 1352), il était devenu évêque d’Ostie et Vellctri (13 février 1352) et enfin grand-pénitencier.

Son élection fut marquée par des incidents graves. Cédant à des tendances oligarchiques, désirant peutêtre endiguer le pouvoir pontifical qui prenait chaque jour une plus large extension, le Sacré-Collège rédigea un compromis que tous ses membres jurèrent d’observer, les uns sans condition, les autres — Etienne Aubert était du nombre — en émettant cette prudente restriction : si et in quantum scriptura hujusmodi de jure procederet. Le pacte comprenait douze articles. 1° En aucun cas le nombre des cardinaux ne devait dépasserle chiffre de vingt. Le pape futur s’interdisait d’en créer de nouveaux jusqu'à ce que le nombre des survivants eût été réduit à seize. 2°. Il était obligé de prendre le consentement de tous les cardinaux ou du moins des deux tiers, lors d’une promotion cardinalice. 3° Il ne pouvait ni déposer ni faire emprisonner un cardinal sans le consentement unanime de ses pairs. Le consentement des deux tiers était seulement requis, quand le pape se proposerait d’excommunier un cardinal, ou de le frapper d’une censure ecclésiastique, ou de le priver du droit de vote, du droit d’assister aux consistoires, du droit de porter le chapeau rouge, ou de lui retirer ses bénéfices ou d’en saisir temporairement les revenus. 4° Défense était faite au pape de s’emparer des biens des cardinaux, de leur vivant ou après leur mort. 5° Toutes aliénations ou concessions de provinces, cités, châteaux et terres appartenant à l'Église roma ne, sous forme de fiefs, d’emphytéose et de cens, étaient intei’dites, sinon pour des causes justes et raisonnables et avec le consentement des deux tiers des cardinaux. 6° Le Sacré-Collège percevrait la moitié de tous les fruits, revenus, récoltes, amendes, peines pécuniaires, cens, obvenus et émoluments revenant à l'Église romaine dans toutes les provinces, terres et lieux dépendant de cette même Église, conformément au privilège concédé par Nicolas IV. 1° La destitution ou la nomination des hauts fonctionnaires laïques, tant à la cour pontificale que dans les terres et provinces de l'Église romaine, n’aurait lieu qu’avec le consentement des deux tiers des cardinaux. 8° Jamais la charge de maréchal de la cour ou de recteur des terres et provinces de l'Église romaine ne passerait aux mains d’un parent ou d’un allié du pontife régnant. 9° L’approbation des deux tiers des cardinaux était encore nécessaire quand le pape voulait concéder à un roi, à un prince ou à tout autre des décimes et des subsides, ou bien en prélever au profit de la Chambre apostolique. 10° Lorsque les cardinaux seraient sollicités de donner leurs avis ou leurs approbations, le souverain pontife leur laisserait la liberté de parler. 11° Tous les cardinaux présents jureraient d’observer le compromis inviolablement, au cas où ils obtiendraient la tiare. L'élu, quel cpi' il fût, promettrait, le jour même de son élection, de s’y soumettre et de le ratifier. 12° S’il conçoit quelque doute ou s’il hésite, il consultera ses cardinaux et se conformera à l’avis de la majorité des deux tiers. Voir Cocquelines, Bullarium Tomanum, Rome, 1741, t. m b, p. 316-318.

Le Sacré-Collège se trompait s’il pensait plierÉtienne Aubert à ses volontés. Proclamé pape à Avignon le 18 décembre 1352 et couronné le 30, Innocent VI se dél a, le 6 juillet 1353, du serment conditionnel qu’il avait prêté lors du conclave. Il le déclara nul et sans effet comme attentatoire à la plénitude du pouoir conféré par le Christ au pontife romain et comme contraire aux décrétâtes Ubi periculum et Ne Romani, promulguées par Grégoire X et Clément V, qui interdisaient aux cardinaux, pendant la vacance du Saint-Siège, de s’occuper de toute autre affaire que de l'élection. Une légère compensation fut donnée aux cardinaux : le pape leur réserva certaines dignités, tant dans les églises cathédrales que dans les collégiales, séculières ou régulières. E. Dt’prez, Lettres closes, patentes et curiales d' Innocent VI, n. 267.