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UN NOCE NT IV


Berger, n. 8023, Potthast, n. 15 527 ; la troisième enfin confiait à. ce même Manfred les fonctions de vicaire du Saint-Siège pour le royaume de Sicile, en d’autres termes lui accordait la régence durant la minorité de Conradin. Berger, n. 8024 ; Potthast, n. 15 528. Le S octobre Innocent se met en route pour Naples, où il veut prendre effectivement possession du royaume de Sicile. Mais dès le début de novembre, la situation s’est aggi-avée. Mécontent de plusieurs manques d'égards, Mantred a rouvert les hostilités contre les troupes pontificales. Une lettre d’Innocent au roi d’Angleterre demande instamment du secours à celuici, 17 novembre, Potthast, n. 15 558. Le 2 décembre Manfred, avec ses Sarrasins, s’empare de Foggia. La nouvelle de ce désastre imprévu hâte les derniers moments du pape déjà malade ; il meurt à Naples le 7 décembre 1254 ; dans le palais qui avait été celui de Pierre de la Vigne. Innocent IV disparaissait donc « sans avoir trouvé ni pour lui-même, ni pour son Église la paix qu’il devait désirer après les émotions et les fatigues de son terrible pontificat. Quelles qu’aient été les incertitudes et les tribulations de ses derniers jours, on peut dire néanmoins que l'œuvre de son règne était alors accomplie : Frédéric II n’existait plus, la maison de Souabe agonisait, la puissance de l’empire était brisée ; le Saint-Siège était sorti d’une des crises les plus terribles qu’il eût jamais traversées grâce au sang-froid, à la décision, à l’incomparable ténacité de ce grand pontife. « Berger, pe<7(s//C5, t. n. Introduction, p. ccxc.

2 » Innocent et la chrétienté. — Ainsi la lutte avec l’empire absorbe, toutes les forces du pontificat d’Innocent, elle fournit toutes les directives de sa politique générale, elle explique la plus grande partie de ses démarches. C’est elle en particulier que l’empêchera de donner à l’idée de croisade, dont le roi de France est à ce moment le chevaleresque représentant, tout l’appui que celui-ci était en droit d’attendre du Saint-Siège. A partir de 1245, en effet, saint Louis est tout entier à son grand projet de la délivrance des Lieux saints, retombés depuis 1244 au pouvoir des infidèles. La campagne qu’il veut entreprendre en Egypte, où il espère porter à l’Islamisme un coup mortel, ne doit pas être seulement dans sa pensée une expédition française. C’est toute la chrétienté occidentale qu’il espère voir marcher derrière lui, pour le rétablissement de l’influence catholique de Constantinople à Alexandrie. Le concile de Lyon fait les plus belles promesses, le pape s’engage à faire prêcher partout la croisade ; en réalité tout l’effort se borne à la France et aux Marches de l’Est, dépendant nominalement de l’Empire, mais déjà amplement ouvertes aux influences françaises. Dans l’Allemagne proprement dite, la prédication de la croisade contre Frédéric fit à l’annonce de l’autre un tort considérable ; les croisés trouvant les mêmes avantages spirituels et temporels à combattre en leur pays même, se soucièrent peu d’aller affronter les périls d’une expédition lointaine. A partir de juillet 1246, le prédicateur officiel de la croisade, le cardinal Eudes de Châteauroux, reçut même l’ordre d’interrompre dans l’empire la prédication de la croisade en Terre Sainte. Berger, Registres, n" 2935. Mais il serait vraiment injuste de faire retomber sur le seul Innocent IV la responsabilité de l'échec subi par saint Louis en Égvpte. Mathieu Paris le fait ; dans son habituelle hostifité contre la papauté, il dit les plaintes universelles qui s'élevèrent contre Innocent a la nouvelle du désastre de la Mansourah. Clironica majora, édit. Luard, t. v, p. 172-173. Mais il oublie de dire que son souverain, le roi d’Angleterre, Henri Ill.a fait tout le possible pour empêcher le succès de la prédication de la croisade, a cherché tous les prétextes,

tous les faux-fuyants pour excuser sa propre abstention. Il oublie de dire qu’en Norvège le roi Haakon IV multiplia les obstacles sous les pas de l’expédition saiHte et sut cacher sous le masque d’une profonde déférence pour Rome ses secrètes sympathies pour Frédéric ; il oublie de dire que ce souverain Scandinave, dont la puissance était considérable dans l’Europe du Nord, une fois légitimé, couronné, pourvu de subsides, laissa le pape et le roi de France à leur désillusion. En toute justice, on ne saurait rendre Innocent responsable de la tiédeur d’Henri III, de l'égoïste habileté d’Haakon IV. Mais il faut dire que sa politique à l'égard de f Empire amena l’abstention à peu près complète de l’Allemagne et de l’Italie, et fut partiellement cause de l'échec de saint Louis. Resterait ensuite à déterminer si le triomphe de l'Église romaine sur les Hohenstaufen impoitait davantage au succès de la religion chrétienne que le triomphe de la croix sur l’Islam.

La péninsule ibérique, par sa situation même, échappait davantage aux conséquences de la lutte entre le pape et l’empereur. Innocent III y avait solidement affermi le pouvoir pontifical ; Innocent IV n’aura qu'à maintenir ce qui a été fait avant lui. Sa correspondance témoigne de quelques différends survenus entre le Saint-Siège et le roi d’Aragon, et qui se terminèrent par la soumission de celui-ci. Potthast, n. 12 171, 12 277. Les choses prirent en Portugal une tournure plus grave. Le roi, don Sanche, se vit menacé, pour ses nombreux empiétements dans le domaine eclésiastique, des peines les plus graves dont disposait l'Église. Et comme il ne s’amende pas, il est finalement déposé par le pape et remplacé par son frère Alphonse comte de Boulogne, Potthast, n. Il 603,

11 751, ceci malgré les plaintes du roi de Castille qui supporte les pénibles conséquences de cette révolution portugaise. Potthast, n. 12 177.

Aux frontières extrêmes de la chrétienté. Innocent continue l'œuvre de ses prédécesseurs. En Prusse, en Livonie, en Esthonie, les chevaliers teutoniques achèvent de refouler les païens de ces régions barbares ; il était temps d’organiser en ces pays la hiérarchie ecclésiastique ; quatre évêchés furent organisés, ceux de Culm, de Pomcranie, d’Ermland, de Sameland. Albert, l’ancien archevêque d’Armagh, en Irlande, fut désigné par le pape comme archevêque de Prusse, Livonie et Esthonie. Potthast, n. 12 030,

12 041, 12 093. Innocent le chargeait même de nouer des relations avec Daniel, roi de Russie, qui avait mis sa personne et son royaume sous la sauvegarde de saint Pierre, Potthast, n. 12 094, 12 097. Plus au sud on se trouvait dans les régions que venaient de dévaster et d’occuper les Tartares. Ceux-ci constituaient le grand péril de l’heure présente pour la chrétienté. Le pape n’hésita pas à leur envoyer une ambassade, qui essaierait parmi eux l'œuvre de leur conversion. Potthast, n. Il 571-2. Le succès en fut médiocre. Berger, Registres, n. 4682. Pendant quelques années encore la terrible menace continuera à planer sur l’Europe chrétienne. Désorganisées par l’invasion tartare, les royautés balkaniques ont rompu le hen fragile qu’Innocent III avait essayé de nouer entre elles et Rome. Innocent IV s’efforce, sans grand succès, de les ramener à l’obédience romaine. Potthast, n. Il 606. Semblablement devait échouer la tentative désespérée de renouer des relations pacifiques avec l'Église grecque de l’empire de Nicée. Berger, Registres, n. 4749, 4750. Ces ellf rts n’en témoignent pas moins qu’au milieu des graves préoccupations que lui causait sa querelle avec Frédéric, Innocent IV ne laissait pas de penser aux intérêts généraux de l'Église. De même encore, si les luttes continuelles où il a vécu ont donné à sa physionomie quelque chose de raide et d’inflexible, Inno-