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INNOCENT IV


paratifs de mobilisation laits par la France étaient devenus inutiles. Le IC juin, dans Parme, le parti de Frédéric subissait une sanglante défaite ; cette ville dont la possession lui importait grandement retombait aux mains des guelfes. Il n'était plus question pour l’empereur de passer les Alpes, mais bien de redescendre vers le Pô Innocent était sauvé

Ce premier succès remporté en Italie par les partisans de l'Église était le résultat d’une offensive diplomatique et militaire soigneusement montée par le pape depuis la sentence de Lyon. Au lendemain du concile, Innocent avait fait surgir en Allemagne un compétiteur à l’empire. Le landgrave de Thuringe, Henri Raspe a été élu roi des Romains le 22 mai 1246 ; mais ce « roi des prêtres » est loin d’avoir pour lui la majorité des princes séculiers et des villes impériales qui, dans l’ensemble, restent fidèles au Holienstaufen. D’ailleurs le prétendant meurt le 17 février 1247 ; le 3 octobre 1247, 1e jeune comte Guillaume de Hollande, reçoit à son tour le titre de roi des Romains ; le 1° novembre 1248, il sera sacré à Aix-la-Chapelle et représentera dès tors au Nord des Alpes les prétentions politiques d’Innocent. C’est autour de ces prétendants successifs que se groupent les forces militaires levées en Allemagne par les prédicateurs de croisade. Dès le lendemain du concile de Lyon, en effet, le pape s’est préoccupé de faire prêcher la guerre sainte contre Frédéric. De même que son modèle Innocent III avait armé quarante ans plus tôt, au nom de l’idée religieuse, la France du Nord contre celle du Midi, de niême Innocent IV cherche à faire passer pour une expédition sainte la lutte contre l’empereur déposé. Combien cette prédication nuisit au succès de la croisade de Terre Sainte qu’entreprenait au même moment le chevaleresque roi de France, c’est ce que nous aurons à dire plus tard. Malgré tant d’appels aux armes, les forces des divers prétendants suscités par Innocent restèrent toujours inégales à la grandeur de l’entreprise. Ni Henri Raspe, ni Guillaume de Hollande ne furent capables de mener en Italie l’expédition que réclamaient Innocent IV et les Lombards. C'était dans la péninsule même que la décision serait obtenue. Jusqu’en 1247, il est vrai, Frédéric y gardera l’avantage et parviendra à se maintenir dans les États de l'Église, tandis qu’en Lombardie Enzio, son bâtard, soutiendra brillamment ses affaires, que Venise et la Savoie se rallieront à la cause gibeline. La prise de Parme par les guelfes, le 16 juin 1247, marque le début de la décadence du Holienstaufen. Enfermé dans la place, le légat pontifical Grégoire de Montelongo en organise solidement la défense. La plus grande partie des forces gibelines se porte contre la ville qu’elle assiège vainement ; le 18 février 1248 une brillante sortie exécutée par les Parmesans inflige aux troupes impériales la plus humiliante des défaites. La fortune de Frédéric dans la Haute Italie ne s’en relèvera plus.

En même temps l’offensive était reprise par les pontificaux dans l’Italie méridionale et centrale ; en Sicile d’abord, avril 1248, où le succès fut médiocre ; Tannée suivante dans le duché de Spolète et la Marche d’Ancône (les ordres relatifs Pi ces opérations dans Potlliast, n. 13 274 sq.). Ici les résultats furc, t meilleurs ; le))lus remarquable fut la capture d’Enzio, que les Bolonais ne lâcheront plus et qui mourra dans sa prison après 23 ans de captivité en 1272. Ce désastre n’abat point Frédéric ; fiévreusement il fait au cours de l’année 1250 de plus grands préparatifs ; de nouveau l’Italie du Nord, et celle du Centre revoient les redoutables bataillons sarrasins de Lucera. Le 13 décembre 1250, la mort de Frédéric venait tout arrêter.C’est dans l’exultation de son âme qu’Innocent, le 25 janvier 1251, fait part de cette bonne nouvelle à ses divers représentants : LœlenluT cœli. Potthast, n. 14 163.

niCT. DE THÉOL. CATHOL.

2. Innocent en Italie.

Mais Frédéric disparu, le « nid de vipères » si redoutable n'était pas détruitpour autant. Conrad en Allemagne, Manfred en Sicile demeuraient toujours une menace considérable. Il sembla néanmoins à Innocent qu’il lui fallait maintenant reprendre à Rome son poste de commandement naturel. Dès le petit printemps 1251, le pape prépare son départ de Lyon, où Guillaume de Hollande est venu le trouver, pour arrêter avec lui les plans d’une nouvelle offensive en Allemagne. Le mercredi de Pâques, 19 avril, il dit adieu à la cité qui lui a offert pendant six ans, une si généreuse hospitalité ; par le Rhône, Marseille et la Riviera, il gagne Gênes, où il séjournera cinq semaines ; puis, après diverses excursions à Milan, Brescia, Mantoue, Bolo gne, il arrive au début de novembre à Pérouse qui sera sa résidence jusqu’en avril 1253. Après un séjour de quelques mois à."Xssise, il est enfin à Rome, le 6 octobre 1253 ; ce ne sera pas pour longtemps.

C’est qu’aussi bien la mort de Frédéric n’a pas éclairci la question italienne aussi rapidement que l’avait espéré le pape. Dans le royaume de Sicile. Manfred, bientôt soutenu par Conrad (automne de 1251), lui-même appuyé d’Otton de Bavière, continue à mener la vie dure aux pontificaux. Innocent songe alors à donner la couronne de Sicile à quelque cadet de famille royale.Simultanément des offres sont faites en août 1252 au gouvernement français, en faveur de Charles d’Anjou, Potthast, n. 14 682, et au roi d’Angleterre en faveur de son frère Richard de Cornouailles. Potthast, n. 14 680. Les pourparlers avec l’Angleterre furent vite rompus ; au contraire, dans les derniers mois de 1252, alors que Conrad faisait dans l’Italie du Sud de redoutables progrès, Charles d’Anjou se mettait aux ordres du Saint-Siège. Des négociations serrées se nouent en juin 1253 ; le pape pose nettement ses conditions. Les unes sont d’ordre politique et concernent l’hommage que le nouveau roi devra rendre au souverain pontife, comme à son suzerain ; les autres d’ordre civil-ecclésiastique. Avec une inquiétante minutie le pape énumère toutes les immunités ecclésiastiques que le souverain devra respecter : l’entière juridiction de l'Église sur les clercs et les matières ecclésiastiques, l’exemption d’impôt reconnue au clergé, la suppression absolue des droits de régale dans les églises vacantes. Ce texte est important, il montre l’idéal que la curie d’Innocent IV s’efforçait de faire prévaloir dans les relations de l'Église et de l'État. Le texte dans E. Berger, Registres, n. 1819. Toutes ces conditions que l’on mettait découragèrent Charles d’Anjou et surtout son entourage ; la combinaison angevine en resta là pour l’instant, et ne sera reprise que dix ans plus tard. En attendant on revint à la combinaison anglaise, sous une autre forme d’ailleurs, puisque l’on appelait au trône Edmond l’un des fils d’Henri III. L’investiture allait être accordée au Plantagenet, Potthast, n. 15 369, quand soudain l’on apprit à la cour pontificale la mort de Conrad, 21 mai 1254.

Ce fut alors dans la politique pontificale un vrai coup de théâtre. Renouvelant à cinquante ans de distance le geste de son aieul Henri VI, le roi Conrad, en mourant, laissait son fils en bas âge, Conradin, à la tutelle de l'Église romaine. Comme Innocent IH, son imitateur, en un accès imprévu de générosité accepte de protéger l’un des derniers rejetons du « nid de vipères ». Le 27 septembre 1254 trois bulles partaient d’Anagni ; l’une confirmait au jeune Conradin la possession du royaume de Sicile, de celui de Jérusalem, du duché de Souabe, de tout l’héritage en un mot de Frédéric II, Berger, Begislres, n. 8025 ; l’autre reconnaissait â Manfred, le bâtard de l’empereur, la possession des fiefs que son père lui avait jadis concédés

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