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est inutile d’entrer. Cette fois la diplomatie de saint Bernard échoua, l’abbé de Glairvaux ne put arriver à faire lever l’interdit qui pesait sur le roi. Quand Innocent II mourut, la question n'était pas liquidée. En Espagne, le pape offrit sa médiation, qui fut acceptée, entre Alphonse de Castille et Alphonse Henriquez, qui prétendait faire du Portugal un royaume indépendant. Finalement l’indépendance de la nouvelle souveraineté fut reconnue. De toute manière donc, malgré la paralysie dont le schisme de Picrleoni fut la cause, l’action d’Innocent II continue dans mesure du possible celle de ses grands prédécesseurs de la fin du xie siècle et des premières années du xii « .

I. Sources.

Les pièces émanées d’Innocent II dans Jaffé, Regesta pontificiim romanorum, t. i, p. 840-911 ; celles d’AnacIet II sont à la suite, p. 911-919 ; la plupart des lettres sont dans P. L., t. clxxix, col. 53-731. Quant aux documents relatifs au pontificat, les plus importants ont été rassemblés dans Watterich, Pontifwum romanorum vitæ, Leipzig, 1862, t. ii, p. 174-275. On trouvera la référence aux documents contemporains qui ne se rencontre point ici dans les ouvrages dont il sera question tout à l’heure. La plus grande partie des pièces utilisables est dans Jaffé, Biblioiheca rerum-germanicanim, Berlin, 1869, t. v. Les documents conciliaires dans Mansi, t. xxi.

IL Travaux récents. — Sur l'élection de 1130 deux ouvrages capitaux : B. Zôpffel, Die Papstwahlen, Gœttingue. 1871, p. 269-395 : Die streitige Papstwahl des Jahrcs 1130 ; E. Miihlbaclier, Die streitige Papstwalil des Jahres 1130, Inspruck, 1876. Les deux ouvrages aboutissent sensiblement aux mêmes conclusions, bien que Zopffel se soit cru obligé de prendre violemment à parti Muhlbacher, dans Gôltingische gelehrte Anzeigen, l" mars 1876, p. 257-304 ; W. Bernhardi, Lothuirvon Supplinhiirg, Leipzig, 1879 ; Konrad III, Leipzig, 1883. C’est en s’appuyant sur ces trois ouvrages et en utilisant les documents qu’ils citent que M. Vacandard a traité la question de l'élection et de la reconnaissance d’Innocent 11, dans la. Revue des questions historiques, t. XLiii, janvier 1888, p. 61-126 ; t. xLv, janvier 1889, p. 5-63. Ces articles sont passés, presque sans modification, dans la Vie de saint Bernard, du même auteur. Cet ouvrage donnera un aperçu fort suffisant de l’ensemble des questions soulevées durant le pontificat d’Innocent II. Hefele, Histoire des conciles, trad. Leclercq, t. V, p. 676-795, donnera les dernières indications bibliographiques. Y joindre encore : G. Wieczorek, Das Verhàltnis des Papstes Innocenz II (1130-1143) zu den Klôstern, Grcifswald. 1914.

E. Amann.

3. INNOCENT 111, pape (1198-1216).— I. Pontificat. — II. Idées théologico-politiques.

I. Pontificat.

Lothaire, fils de Thrasimond comte de Segni, et de Claricia de la famille des Scotti, naquit à Anagni, l’an 1160. Il appartenait, on le voit, à la haute noblesse romaine ; de bonne heure, toutefois, il s’orienta vers la carrière ecclésiastique. Jeune encore, Lothaire, comme tant de clerc- ; de l'époque, vient demander à l’université de Paris une solide formation théologique. Disciple de Pierre de Corbeil, qui lui enseigna l’exégè-e du temps, il conservera toute sa vie et de son maître et de VAlma mater un souvenir affectueux et reconnaissant. De Paris, il se rend à Bologne, célèbre dans tout le monde d’alors par sa faculté de Décret. C’est là surtout qu’il se formera ; là qu’il puisera, avec les connaissances juridiques, la fermeté de principes, la raideur dans les déductions dont il fera preuve dans son pontificat. Quand il rentie à Rome, vers 1185, le jeune Lothaire est prêt à entrer dans la carrière qui mène aux honneurs et au pouvoir. Sitôt reçus les ordres mineurs, il est fait chanoine de Saint-Pierre. Sousdiacre en 1187, sous Grégoire VIII, il est créé par Clément III (1187-1191) cardinal-diacre du titre des saints Sergius et Bacchus. C’est le moment, pour Lothaire Segni, de commencer à jouer un rôle dans l’Eghse ; mais bientôt l’arrivée au trône pontifical

de Célestin III, un ennemi de sa famille, rejette dans l’ombre le jeune cardinal. Des loisirs qui lui sont faits, il profitera pour comijoser toute une série d’ouvrages de théologie mystique : De contempla mundi, sive de miseria conditionis humanæ libri très, médiocre exploitation d’un thème bien rebattu ; Mysteriorum legis et sacramenti eucharistie libri sex, où viennent s’intercaler, au milieu de l’explication symbolique des cérémonies de la messe, dont a raffolé le moyen âge, quelques courtes dissertations d’ordre plus théologique ; pe quadripartita specie nuplictrum, qui met en parallèle l’union de l’homme et de la femme, du Christ et de l'Éghse, de Dieu et de l'âme, du Verbe et de la nature humaine. Heureusement la mort de Célestin III vient arracher Lothaire à ces occupations littéraires qui risqueraient de nous donner de son génie une idée plutôt fâcheuse. Le jour même des funérailles du pontife défunt, 8 janvier 1198, le collège cardinalice rassemble l’unanimité de ses voix sur le nom du cardinal des saints Sergius et Bacchus ; Lothaire Segni est élu pape < : ous le nom d’Innocent III, il n’avait pas trente-huit ans. Malgré un simulacre de protestation, commandé par la coutume et le décorum, il semble bien que sa jeunesse ait accepté sans hésitation, disons plus, avec allégresse, l'énorme fardeau qu’on lui imposait. Pleinement conscient de ses devoirs, comme de ; es droits, le nouveau pontife va mettre au service d’une ambition, immense sans doute, mais très sincère et très pure, une infatigable activité, une fougue extraordinaire, une habileté peu commune dans le choix des moyens, une connaissance approfondie des hommes et de. choses de son temps. Et ce seront dix-huit années d’un pontificat triomphal, le plus brillant qu’ait connu le moyen âge. et qui réussira presque à faire passer des textes morts dans la réalité vivante, la monarchie absolue du pouvoir spirituel, la suprématie définitive des idées religieuses dans le domaine temporel.

L’action d’Innocent en Italie.

Le plus pressant était de rétabhr à Rome et dans l’Italie centrale, l’autorité pontificale que la vieillesse de Célestin III avait laissé prescrire. L’agitation communale d’une part, d’autre part, la politique allemande menée par la robuste main d’Henri i, avaient porté une grave atteinte aux droits traditionnels de la papauté. Non sans luttes, non sans peines, non sans échecs parfois, Innocent III parvint à restaurer d’une manière suffisante, à Rome, dans le Patrimoine, en Ombrie, dans les Marches l’autorité pontificale. Continuant dans l’Italie du Nord la politique d’Alexandre III, il essaie d’y rétablir les fameuses ligues, si utiles contre les Allemands, mais si nuisibles en même temps aux tendances centralisatrices, que la papauté s’elîorçait de réaliser. C’est dans la Haute Italie que la politique d’Innocent III sera le plus constamment mise en échec ; alors qu’il commande en souverain aux plus puissants monarques de l’Europe, le pape n’obtiendra des petites républiques lombardes ou toscanes qu’une obéissance précaire et sans cesse discutée. Par contre il triomphe, au moins pour un temps, dans la Basse Itahe. C'était, depuis un siècle, la constante politique du Saint-Siège que d’empêcher la réunion à l’Allemagne du royaume de Sicile, que de faire de cet État un fief soumis et obéissant de l'Église romaine. De cruelles conjonctures avaient empêché sous les pontificats précédents la réussite de ces plans. A l’avènement d’Innocent III au contraire tout semble la favoriser. L’empereur Henri VI vient de mourir, laissant à sa veuve l’impératrice Constance la tutelle du jeune Frédéric, qu’il a couronné roi de Sicile, qu’il veut faire reconnaître aussi comme empereur d’Allemagne. Abandonnée de tous les grands vassaux allemands, l’impératrice