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INNOCENT II

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C’est au milieu de ces troubles qui, à plusieurs reprises, durent être violents, que mourut Innocent II le 24 seitembre 11 13.

III La politique religieuse d’Innocent II. — C’est parmi toutes ces agitations poliliques iju’il laut rechercher les traces de l’activité religieuse d’Innocent 1 1. Je ramènerai coUe-ci à trois chefs principaux : la réforme morale, la condamnation des erreurs dogmaliciues, les rapports entro l'Église et l'État.

Sur le premier point Innocent a continué avec beaucoup d'énergie la pe litique inaugurée un demi-siècle auparavant par Grégoire VII. Les diverses étapes de son pontificat errant sont jalonnées par un certain nombre de conciles importants, qui ont pour objet de remettre en vigueur les prescriptions ecclésiastiques que certains seraient tentés d’oublier : concile à Clermont-Ferrand, 18 novembre llSpt, promulguant treize canons disciplinaires relatifs surtout à la vie des clercs : concile de Reims, très considérable par le nombre des assistants du 18 au 23 octobre 1131, qui réitère les décisions prises à Clermont ; concile de Plaisance, 13 juin 1132 ; concile de Pise, 30 maiC juin 1 1 35. A cette dernière réunion on procéda contre un certain nombre d'évêques accusés d’incontinence ou de violation des canons ecclésiastiques ; les canons promulgués renouvellent sensiblement les dispositions précédemment arrêtées. Tous ces conciles peuvent être considérés comme les préliminaires du grand concile tenu au Latran en 1139, et qui compte comme le X^" œcuménique. Voir l’article spécial.

Cette réforme morale, édictée dans les assemblées conciliaires, Innocent II en pressait l’exécution ; ses légats se montrèrent aussi actifs que sous les pontificats précédents. Ses Regesta nous le montrent intervenant dans les afîaires ecclésiastiques des pays les plus divers, confiant à certains archevêques le soin de le représenter. Jafîé, n. 7483 : mission donnée à Hugues de F.ouen ; n. 7511 : constitution d’un tribunal ecclésiastique comprenant les archevêques de Canterburj-, d’York et de Rouen pour appointer un différend entre deux évêques anglais ; n. 7514-7515 : soumettant l'évè^iue de Glasgow et en général les évêchés d’Ecosse à la juridiction d’York ; n. 7875, 7906, 7908 : organisation des patriarcats latins de Jérusalem et d’Antioche ; n. 7890 organisation du ressort métropolitain de Pise, etc. Signalons dans le même ordre d’idées la préoccupation de porter l'Évangile en dehors des limites de la chrétienté. Les lettres, n. 8110, 8199, 8220, dounent à Henri, évêque de Moravie, les pouvoirs nécessaires pour organiser des missions en Prusse.

Au point de vue dogmatique Innocmt eut à s’occuper de quelques afîaires, dans lesquelles il se borna d’ailleurs à ratifier des décisions prises en dehors de lui. La plus importante est celle qui concerne Abêlard. Déjà condamné au concile de Soissons en 1121, celuici repris son enseignement ; la vigilance de saint Bernard y surprit de nouvelles erreurs. Abélard entreprit de faire son apologie au concile de Sens en 1140. Mais voyant que son cas était jugé en dehors des formes légales, Abélard en appelle au jugement du pape. Vivement sollicité par l’abbé de Clairvaux, le souverain))ontife rendit le 10 juillet 1140 une sentence d’ailleurs fort vague et fort générale réprouvant sans les déterminer « les pernicieuses doctrines de maître Pierre Al ; élard », apparentées, disail-il, à celles d’irius, de Macédonius, de Nestorius. Abélard y est qualifié, sans plus, d’hérétique ; les extraits (capitula) envoyés par saint Bernard, tous les enseignements de ce même Pierre sont condamnés avec leur auteur : desiinala nobis capitula et universa ipsius Pétri dogiiiaiu, sanctorum canonum auctorilate cum suo auctore d’imnuvitnus. Un silence perpétuel était imposé au

téméraire docteur, ses ùéJenseurs et sectateurs seraient excommuniés. Jaffc, n. 8148. Une autre lettre, destinée à demeurer secrète, prescrivait aux archevêques Samson de Reims, et Henri de Sens et à l’abLé de Clairvaux de faire enfermer séparément dans des monastères, Pierre Abélard, et Arnaud de Brescia, et de faire brûler leurs livres. Jaflé, n. 8149.

Arnaud de Brescia, en effet, ancien élève d' Abélard, était venu au secours de sou maître, bien mauvaise recommandation à une époque où Innocent II commençait à sentir en Italie les effets de l’agitation inaugurée parce révolutionnaire. Nous n’avons aucun document émané d’Innocent II qui se rapporterait à la condamnation de Pierre de Bruys et de son allié le moine Henri. Ceux-ci semblent visés, sans que leur nom soit indiqué, par le 23 « canon du concile de Latran en 1139. Signalons au moins, pour être complet, deux consultations assez curieuses du pape Innocent H. Dans la première, Jaffé, n. 8272, il s’agit d’un prêtre, qui, on ne sait pour quelle cause, se trouve ne pas avoir été baptisé ; il est mort. Son évêque demande ce qu’il faut penser de son salut : a Puisque, répond Innocent, il a persévéré dans la foi de l'Église et la confession du nom du Christ, nous aflirmons sans hésiter qu’il a été délié du péché originel, et qu’il jouit des biens de la patrie céleste, » Aft originali peccato solutum et cxlestis patriæ gaudium esse adeptum, asserimus incunctantcr. L’autre est relative à une question d’ordalie. Jaffé, n. 8284. « Le jugement de Dieu par l’eau (froide), quand il s’agit d’un clerc, n’est pas canonique. »

L’attitude d’Innocent II dans les questions de droit civil ecclésiastique est naturellement dominée par les nécessités de sa politique générale. Ayant le plus grand besoin de l’appui du pouvoir civil, il a pu être entraîné à lui faire quelques concessions. A plusieurs reprises, à l’entrevue de Liège en 1131, plus tard lors du sacre de Lothaire à Rome, il a été vivemett sollicité par celui-ci de revenir sur la question des investitures telle que l’avait réglée le concordat de Worms, et la transaction souscrite par Lothaire au moment de son élection. Voir Honorius H, col. 133. Il n’est pas impossible que, laissé à lui-même, le pontife n’en fût arrivé à céder à des instances, qui nous sont représentées comme ayant été très vives. Chaque fois, heureusement, le pape trouva auprès de lui un conseiller énergique, saint Bernard à Liège, saint Norbert à Rome, qui lui fit éviter une faute et une erreur. Avec le roi d’Angleterre il fallut aussi userde ménagements ; cf. lettre du 14 juillet 1132, Jaffé, n. 7586, demandant à l’archevêque de Rouen de faire quelques concessions au monarque, dans des affaires de nominations à diverses abbayes. Jamais pourtant Innocent n’abdiqua complètement son indépendance ; on le vit bien lors des démêlés avec Lothaire relativement à l’abbaye du Mont-Cassin. On le verra mieux encore, quand à partir de 1138 il pourra s’exprimer en toute liberté. Les Regesta signalent une lettre datée du 17 décembre 1138, enjoignant aux évêques de Metz et de Tout de prendre la défense de l’abbaye de Remiremont contre les empiétements du duc Simon, et excommuniant ce dernier. Jaffé, n. 7723. Le roi de France, lui-même, ne sera pas épargné, s’il va contre les intérêts de l'Église. Louis le Jeune en sut quelque chose lors du différend qui éclata à propos de l'élecUon au siège archiépiscopal de Bourges en 1141. Pour avoir défendu à Pierre de la Châtre, régulièrement élu et sacré à Rome par le pape lui-même, de prendre possession de son siège, le roi vit lancer l’interdit sur toutes les villes, villages et châteaux où il séjournerait. La situation se complique encore au cours de l’année suivante, par suite d’intrigues singulièrenient emljrouillées dans le détail desqutJs il