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que par la niorl d’Anaclel II en 1138. De la sorle, le pontilical a’iunoceiu II s'épuisera d’abord en des tentatives plus ou moins heureuses pour faire recon' naître son élection par l’ensemble de la chrétienté, puis en des elïorts impuissants pour s’installer à Rome, où son rival se maintiendra Jusqu'à sa mort. C’est seulement après 1138 qu’Innocent II, désormais pape incontesté de toute l'Église, pourra essayer de gouverner. Encore sa politique religieuse et civile en ces dernières années restcra-t-elln fonction des circonstan^-es douteuses où s’est déroulée son élection. II s’ensuit que tout son pontificat est dominé par cette pénible question ; et dès lors il ne saurait être indifférent au théologien pas plus qu’au canoniste, d’examiner de près ce problème, un des plus curieux que pose l’histoire de la papauté.

I. La DOUBLE ÉLECTION D’InNOCENT II ET d’AnA CLET II, 14 février 1130. — Il y a dans l’histoire nombre de cas où des rivaux ont été suscités au pape légitime par la politique des souverains temporels. Nous nous trouvons ici en présence d’un cas tout à fait différent. Deux grandes familles romaines, les Fraiapani et les Pierleoni, se disputent depuis trente ans l’influence dans Rome, et clierL-hent à faire élire un pontife de leur choix. En 1124, les Pierleoni ont failli triompher, mais par un véritable coup d'État les Fraiapani ont fait annuler l'élection du candidat qui leur est désagréable et imposé le choix d’Honorius II. Toutes choses ont été réparées par une nouvelle élection, unanime cette fois. Voir col. 132. Mais il va de soi que les Pierleoni ont conservé un souvenir pénible du vote de 1124 ; ils se promettent une revanche pour le jour où Honorius II viendra à disparaître. Il est inévitable que des troubles graves n'éclatent à Rome au moment de la mort du vieux pontife. Car les Fraiapani ne sont pas décidés e> déserrer l’emprise qu’ils exercent présentement sur l'Église romaine. Ils ont dans le SacréCollège un représentant énergique et habile, en la personne du chancelier Aymeric. Persuadé comme il l’est que l’accession au pouvoir des Pierleoni sera un grand malheur aussi bien pour l'Église romaine que pour lui-même, Aymeric mettra tout en œuvre pour faire obstacle à l'élection du cardinal Pierleoni. Du lit où il agonisait, Honorius II pouvait suivre déjà les intrigues qui devançaient l’heure de sa mort. Quand, dans les premiers jours de février, le chancelier le fit transporter au couvent fortifié de Saint-André (appelé aujourd’luii Saint-Grégoire), le mourant dut penser que les Fraiapani conserveraient la haute main sur l'élection de son successeur. Quand il décéda, selon toute vraisemblance le jeudi après les Cendres, 13 février, vers le coucher du soleil, la lutte avait déjà éclaté entre les deux partis qui se disputaient sa succession.

Sur les événements qui se çiéroulèrent entre le Il et le 18 férier nous sommes assez abondamment renseignés. Malheureusement les pièces qui nous restent émanent les unes et les autres de personnes qui ont pris parti dans le conflit des deux papes et qui dès lors n’ofïrent point toutes garanties d’impartialité. Les témoignages favorables à Innocent II sont constitués : par le manifeste du pape et de ses électeurs au roi d’Allemagne, Lothaire, daté du 20 juin 1130,.lalTé, n. 7413 ; par la lettre d’Hubert de Lucques à saint Norbert, évêque de Magdebourg, dans Watterich, Ponlificum romanorum vitæ, t. ii, p. 179-180 ; par la lettre de Gautier, évoque de Ravenne, au même saint Norbert, P. L., t. clxxix, col. 38 : Visis sanctissimæ paternitatis veslrse ; enfin par la lettre du même Gautier à Conrad, archevêque de Sab, bourg, publiée dans les Forschungen zur dcutschrn Geschichtc, t. viii, p. 164. Cette dernière est de beaucoup la plus importante, ayant été écrite, le 15 ou le 16 février, des environs mêmes de Rome, sur des ren seignements fournis à l’auteur par ses agents, qu’il vient d’envoyer en ville, à la nouvelle des événements qui s’y sont déroulés le 13 et le 14. Les deux lettres adressées à saint Norbert sont déjn des plaidoyers, écrits vers le mois de juin, et donnent la narration des faits, telle qu’elle était devenue olhcielle dans l’entourage d’Innocent II. A plus forte raison la pièce adressée par le pape et ses électeurs au roi d’Allemagne représente-t-elle la version innocentienne du conflit. — Exactement parallèle, la lettre adressée à Lothaire par Anaclet et ses électeurs le 24 février, Jaffé, n. 8371, nous donne des mêmes événements l’interprétation inverse. Mais il existe en faveur de l'élection d’Anaclet deux documents moins officiels et dès lors un peu plus dignes de créance : la lettre ouverte du cardinal Pierre de Porto, auxcardinaux-évêques électeurs d’Innocent, P. L., t. clxxix, col. 1337, dans l’Hisloria novella de Guillaume de Malmesbury, et surtout une lettre adressée au nom du clergé romain à l'évêque Diego de Compostelle, le 10 avril 1130, dans Watterich, loc. cil., t. II, p. 187. Que l’auteur en soit, comme certains le prétendent, le cardinal Pierre de Pise, l’un des plus savants juristes de son temps ou, comme il est plus vraisemblable, le cardinal Pandulfe, cette lettre émane d’un témoin très bien renseigné, qui vise à l’impartialité, sans d’ailleurs y réussir parfaitement. En combinant et en critiquant les uns par les autres ces témoignages parfois contradictoires, il n’est pas impossible de se faire une idée approchée des événements qui ont précédé et suivi la mort d’Honorius II, parfois même des intentions qui ont dirigé les acteurs principaux de ce drame.

Incontestablement la mort d’Honorius a été précédée par des tractations, dans lesquelles il est impossible de ne pas remarquer la main du chancelier Aymeric. Ce que celui-ci veut éviter avant tout, c’est une élection plus ou moins tumultuairei où la pression de la nolilesse et du peuple romains, gagnés d’avance au cardinal Pierleoni, ferait pencher en faveur de celui-ci ropinion du Sacré-Collège. Le meilleur moyen qu’il trouve est de préconiser dans une réunion des cardinaux tenue le 12 février (peut-être le 11) la nomination d’un comité de huit membres qui, sitôt les obsèques du pape défunt terminées, devront choisir à l’unanimité le candidat à la tiare. Si ce comité n’arrive point à s’entendre, il fera appel à des surarbitres qui trancheront le différend. On voit que l’idée prédominante est d’arriver à l’unanimité des élec' leurs. Deux évcques, trois prêtres, trois diacres sont ainsi désignés ; dans ce nombre sont compris, Grégoire de Saint-Ange et Pierre Pierleoni, les deux futurs rivaux, enfin Aymeric lui-même. Du fait de cette désignation il est bien évident que les chances de Pierleoni, sont sérieusement diminuées : mais du fait que le comité compte également un partisan décidé de Pierleoni, le cardinal Jonathas, il est non moins clair que le candidat d’Aymeric ne pourra que dilïicilement réunir l’unanimité des voix. Ainsi le vote du 12 février semble devoir aboutir à la désignation d’une tierce personne, moins compromise dans les questions de parti.

II semble (ici la prudence s’impose dans les affirmations) qu’Aymeric ait dès lors changé son plan de bataille. Peut-être ne serait-il pas fâché de voir tomber l’idée même du compromis, acceptée par l’ensemble du collège électoral. Toujours est-il qu’immédiatement après la séance en question, se place un incident qui sera capital pour la suite des affaires. Il avait été convenu que l'élection aurait lieu dans l'église de Saint-Adrien si toutefois les forteresses qui la commandaient pouvaient être remises entre les mains des cardinaux. Deux membres du comité furent envoyés pour s’en rendre maîtres, vraisemblablement