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INNOCENT 1er (SAINT) — INNOCENT II


l’inverse qui est vrai. Le siège de Pierre est la source puissante d’où s’épanche par des canaux dans toutes les Églises particulières l’abondance de la pure doctrine. Vi’lut de natali sua fonte aquæ cunclæ procédant et per c’iversas totius mundi regiones puri latices capitis incorrupti manant. P. L., t. xx, col. 583. On ne saurait dire d’une manière plus nette que le siège apostolique, en vertu même de sa fondation par Pierre, est investi de la charge suprême d’enseigner toute l’Église.

Quant à la question de doctrine. Innocent ne l’aborde pas en vrai théologien ; il se contente de faire siens les jugements de Carthage et de Milève, en développant oratorio modo les arguments indiqués par ceux-ci. Si vraiment Pelage et Célestius ont soutenu ces doctrines, ils méritent les censures ecclésiastiques dont ils ont été frappés, et que le pape confirme, en les étendant à ceux qui approuveraient ou soutiendraient ces deux personnages. Qu’ils aient de nombreux partisans à Rome, le pape, malgré l’affirmation d’Augustin, n’en est pas bien certain, et n’a aucun moyen pour les découvrir. Mais à coup sûr, s’il en existe, ils viendront à résipiscence en apprenant la sentence pontificale. Pour ce qui est du concile de Diospolis, le fait qu’il aurait disculpé Pelage et son ami semble bien douteux à Innocent. Mais il lui est impossible de se prononcer sur ce point. Sans doute certains laïques ont colporté dans Rome des actes prétendus de cette assemblée. N’en ayant point de connaissance précise, le pape évite de porter un jugement sur ce point. On lui demande de convoquer Pelage et de tirer au clair sa théologie ; mais à quoi bon ? Le pape n’a pas de moyen de contraindre l’hérétique à comparaître ; c’est à Pelage, frappé par lui des anathèmes ecclésiastiques, qu’il convient de venir présenter au pontife, s’il le croit utile, sa justification personnelle.

On voit qu’Innocent n’accède pas en somme à tous les désirs de Carthage. Sur les points de doctrine il est entièrement d’accord avec les Africains, il appuie de toute son autorité la condamnation portée par eux contre des enseignements impies. Sur les questions de fait il est beaucoup plus réservé. Ce que l’Afrique désirait, au fond, c’était une révision de la sentence rendue à Diospolis, sentence dont elle craignait, à juste titre, les funestes conséquences, en un temps où les questions de doctrines se dégageaient mal des questions de personnes. Pour des raisons, qu’il n’est pas trop difficile de conjecturer. Innocent ne veut pas s’en prendre directement aux évoques orientaux ; Il lui semble inutile de rouvrir les dél)ats entre les deux cpiscopats d’Afrique et de Palestine à un moment où sa prudente fenneté vient de rétablir en Orient une paix relative. Il préfère donner à la question de personnes une solution provisoire. Pelage et Célestius sont séparés de la communion ecclésiastique, jusqu’au moment où, devant le pape, ils se seront disculpés. Inutile de faire intervenir l’Orient en des querelles dogmatiques que le successeur de Pierre peut trancher de son autorité souveraine. En somme, la question pclagienne est réglée définitivement au point de vue doctriiial ; les affaires personnelles sont liquidées du moins mal qu’il est possible. On comprend que le successeur d’Innocent, le pape Zosime, ait cru pouvoir leur donner de prime abord une solution différente.

C’est au même désir de ne pas se créer en, Orient de nouvelles difficultés, qu’il faut attribuer, je pense, l’attitude d’Innicent, lors d’une plainte interjetée par saint Jérôme contre l’évêque Jean de Jérusalem. Le solitaire de Bethléem avait eu à se plaindre, de violences qui s’étaient déchaînées contre ses deux monastères. Toujours enclin à voir la main des enne mis de la foi chrétienne dans les entreprises dirigées contre lui et son œuvre, il avait bruyamment accusé les pélagiens(I)de Palestine d’être les auteurs, ou les instigateurs des violences perpétrées à Bethléem, De là à porter plainte contre l’évêque Jean, son irréconciliable ennemi depuis les luttes origénistes, et grandement soupçonné d’être favorable à Pelage, il n’y avait qu’un pas ; et Jérôme le fit sans hésiter. Le pape fut saisi, sinon, d’une accusation en règle, au moins d’une plainte où l’on insinuait que Jean n’avait pas fait tout son devoir. Ne voulant pas s’engager dans ces bruyantes querelles, le pape se contente d’adresser à saint Jérôme une lettre de condoléances, Jaflé, n. 326, et une lettre, fort sévère d’ailleurs, à l’évêque de Jérusalem où il l’engageait à veiller avec plus de zèle et de fermeté sur la portion choisie de son troupeau. Jaflé, n. 325. Cette démarche, comme toutes les autres du pape Innocent, met en évidence la prudence et la fermeté de ce pontife. Il est avec saint Léon le grand pape du ve siècle. Moins théologien que celui-ci, mais peut-être plus administrateur, il a assuré au siège apostohque une situation prépondérante à un moment décisif de l’histoire. L’Église l’honore d’un culte pubhe et célèbre sa fête, le 28 Juillet

JafTé, Regesta pontificum romanoriim, 2e édit., peipzig, 1885. t. I, p. 44-49. Les lettres d’Innocent ont surtout été n’unies p « r dom Coustant, é<iit. Schônrmann. t. i, p. 495601 ; c’e « t cette édition qui est reproduite dans P.L.. t.xx, col. 4.57-640. Quelques lettres sont insérées <lans la Collecito .4ue/ ; an(i, publiée d^ns ]<i Corpus scriiilnnim ecclesiasiicorum htinoruin de Vienne, t. xxxv. p. 9 ?-’J8. Ductiesne, Le Liber pontlfiralis. t. i, p. 220-224. La meilleure monographie sur Innocent I" est celle du bictioniiri o/ Christian biography. de Smith et Wace, t. nx, p. 243-249 ; viiir aussi celle de lîohmer, dans lieolenculclopàdie de Hauck. Tillemont, hUmnirc^, édit. de Venise, t. x, p. 627-60J ; t. xi, à propos de saint Jean Chrysostome. Sur l’intervention d’Innocent I"’dans la condamnation du pélafîiaiiisnip, .Mgr BatilToI, Le catholicisme de suint A ui/iistin. Paris, I 921 p. 388 sq. Sur l’influence de la décrétale d’Innocent dans toute l’affaire des Kéordinations, voir Saltet, Les réordinations, Paris, 1907, p. 68 sq. Sur les règles litursciques imposées par Innocent, voir Dom Connolly, Pope Innocent I « de muninil^us, recitandis », dans Journal o/ Iheological Studies, 1919, t. xx, p. 215-226 et Mgr Batiffol, Leçons sur la Messe, Paris, 1919, p. 218 sq.

E. Amann.

2. INNOCENT II, pape (1130-1143). Grégoire Paparesi-hi, le futur pape Innocent II, est romain de naissance. De bonne heure il a fait carrière au palais apostolique, où il a dû être admis comme clerc au temps de l’antipape Guibert, vers l’année 1080. Rapidement il s’est élevé aux honneurs : Pascal II l’a créé en 1116 cardinal-diacre de Saint-Ange. Gélase II, lors de sa fuile en France, l’a eu comme compagnon en 1118. A Cluny, le 2 février 1119, il a été l’un des électeurs de Callisle II, dont il sera un des plus actifs auxiliaires. Avec Lambert, qui le précédera sur le trône pontifical, il est le négociateur du concordat de Worms en 112’A. Les années suivantes il représente comme légat les iniérêts de Calliste H en France, de concert avec le cardinal Pierre Pierleoui, qui tout à l’heure sera son rival. Sous le pontifical d’Honorius II il continue quelque temps cette mission. Il est donc, quand il renire à Rome en 1125, un des personnages les plus considérables du Sacré-Collège. C’est cette circonstance qui décide une fraction assez minime des cardinaux à le désigner en 1130 comme le successeur d.’Honorius II. Mais les cérémonies de son élection ne sont pas terminées que, sur un autre point de Rome, la majorité des cardinaux élit, sous le nom d’Anaclct II, Pierre Pierleoni. Cette double élection presque simultanée amène dans l’ensemble de l’Église latine un schisme, qui ne sera définitivement réduit