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INNOCENT 1er (SAINT)


vêque exilé, Innocent n’avait plus qu'à rompre la communion ecclésiastique avec ses persécuteurs. Bien que nous n’ayons pas le teste des lettres par lesquelles Il signifiait sa sentence, il est certain qu’il rompit avec Théophile d’Alexandrie et Acace de Hérée, les premiers meneurs de l’affaire, avec Atticus de Constantinople, enfin avec les patriarches d’Anlioche, Porphyre, puis Ale.andre, qui avaient successivement remplacé le vieiix Flavien, l’ami de Jean, mort en 404. Alexandrie semble avoir porté assez allègrement sa séparation d’avec Rome ; il est vraisemblable que Théophile ne rentra jamais en communion avec le pape, et nous ne savons ni à quelle époque, ni à quelles conditions son neveu et successeur saint Cyrille renoua les rapports de communion avec le siège apostolique. Nous sommes mieux renseignés sur Antioche. Outre que le souvenir de Jean Chrysostome y était resté infiniment populaire, l’on y avait besoin de Rome pour liquider définitivement le schisme qui depuis cent ans partageait les catholiques de la grande ville en deux factions rivales. Le patriarche Alexandre, élu en 414, le comprit, et entra en relations avec le pape Innocent. Nous n’avons point le détail des négociations, mais seulement la lettre par laquelle le pape le félicite et se félicite lui-même de l’arrangement définitif de cette affaire. Jafïé, n. 298. En ce qui concerne Jean, son nom a été rétabli dans les diptyques (c'était la seule satisfaction qu’on pût désormais accorder à sa mémoire) ; les eustathiens, d’autre part, ont été reçus avec leur clergé dans la grande Église. Dans une seconde lettre à Alexandre, JalTé, n. 310, Innocent, satisfait de cette heureuse issue, déclarait qu’il serait heureux d’entrer dorénavant en commerce épistolaire plus régulier avec le patriaiche d’Antioche. Avec plaisir il répondrait à ses consultations, éclairerait ses doutes, résoudrait ses difficultés. Le début de la lettre est une affirmation bien sentie des droits patriarcaux de la capitale de l’Orient. Ces droits reconnus par le concile de Nicée, canon 6, et qui lui donnent autorité sur tout le diocèse (civil) d’Orient, la grande métropole les tient beaucoup moins de son importance politique que de son origine apostolique. Premier siège de l’apôtre Pierre, elle ne le cède en dignité qu'à Rome, n’ayant reçu l’apôtre qu’en passant, tandis que celui-ci a consommé à Rome sa carrière. P. L., t. xx, col. 548. Ces considérants amenaient le pape à tracer au patriarche les directives de son action ; son droit était d’ordonner soit par luimême, soit par ses délégués, les métropolitains du diocèse, d'être prévenu par ceux-ci des diverses ordinations d'évêques faites dans leurs ressorts. En somme, Innocent paraît vouloir délenniner la nature de la juridiction patriarcale. Nous ne savons ce qu’Alexandre réjjondit à cette lettre. Peut-être se dit-il qu’il n’avait point besoin del'évcque de Rome pour savoir à quoi s’en tenir sur les privilèges de son siège en Orient. Enregistrons du moins la tentative d’Innocent, comme un essai, d’ailleurs timide, d’harmoniser l’organisation patriarcale qui s'ébauchait en Orient avec les droits sujiérieurs que la tradition accordait au siège aposlolique. Quoi qu’il en soit, d’ailleurs, le rétablissement.de la communion entre Rome et Antioche ne tarda pas à faire tache d’huile. Les bons oflices d’Alexandre amenèrent une heureuse issue à Bérée d’abord, Jaffé, n. 307, puis à Constantinople. JalTé, n. 308. Ainsi se refaisait l’unité catholique rompue dix ans auparavant par les funestes agissements de Théophile d’Alexandrie.

III. Innocent et le pélagianisme.

Au moment d’ailleurs où se liquidait cette situation embrouillée, le pape Innocent était amené à prendre parti dans un débat théologique de bien autre importance. Nous l’avons vu jusqu’ici intervenir dans les

affaires d’ordre législatif ou administratif avec une maîtrise souveraine ; c’est avec la même conscience du droit supérieur de la papauté à résoudre d’une manière définitive les controverses dogmatiques qu’il entre dans la controverse pèlagienne. Nous n’avons point à raconter les origines de celle-ci ; marquons seulement les dates suivantes. En 411, un concile de C^arthage condamne les enseignements de Pelage et de Célestius. En 415, Pelage obtient du concile palestinien de Diospolis la réhabilitation sinon de ses doctrines, au moins de sa personne. Cette sentence fait grand bruit en Afrique ; deux conciles se rassemblent à l'été de 416, l’un en Proconsulaire, l’autre en Numidie ; tous deux confirment les sentences portées cinq ans plus tôt contre les doctrines pélagienncs, et les décisions prises contre leurs auteurs et fauteurs s’ils ne reviennent à résipiscence. Afin dedonnerplus de poids à leur jugement, les deux assemblées, dans deux lettres exactement parallèles, recourent à l’autorité du siège apostolique ; en même temps part d’Afrique une missive particulière, signée d’Aurèle, évêque de Carthage, de saint Augustin et de trois autres prélats ; elle est destinée à éclairer plus spécialement la religion du pape sur les erreurs pélatiiennes. Les trois pièces dans P.L., .. xx, col. 564-582. Ces trois documents sont moins remarquables par l’exposé et la réfutation des doctrines nouvelles qu’ils présentent, que par les considérants dont ils appuient la démarche des Africains auprès du pape. Ils utilisent toutes les occasions d’exalter l’autorité doctrinale du siège apostolique, auquel ils demandent de s’associer à leur condamnation. Rien de plus caractéristique à ce point de vue que la finale de la lettre des cinq évêques. S’excusant de la longueur de leur communication, les auteurs écrivent en un style un peu précieux : « Nous n’avons point voulu faire couler notre petit ruisselet dans votre large fontaine, comme pour l’augmenter ; mais, dans ces conjonctures critiques… nous avons désiré apprendre de vous si notre mince filet d’eau dérive bien de la même source, qui alimente si largement le fleuve de votre doctrine. » Les trois lettres formulent également les mêmes demandes. L’une se rapporte aux doctrines pélagiennes ; quoi qu’il en soit de la personne de leurs auteurs, ces enseignements se répandent et trouvent â Rome même de nombreux partisans ; qu’une condamnation précise intervienne de la part du trône pontifical ; c’est le seul moyen d’y couper court. Restent les questions de personnes : le concile de Diospolis a innocenté Pelage et Célestius. Que le pape prenne directement l’affaire en main et tire lui-même au clair la théologie de ceux-ci. D’ailleurs, pour qu’il juge en connaiiîsance de cause, on lui expédie avec le mémoire de Timasius et de Jacques, deux pélagiens venus à résipiscence, et qui ont condensé en quelques propositions le système de leur ancien maître, la consultation de saint Augustin intitulée : De natura et gralia, réponse directe aux doctrines pélagiennes. On a même pris soin de marquer, dans l’une et dans l’autre de ces pièces les bons endroits, afin de ne pas exposer le pape à une perle de temps.

Rien ne pouvait être plus agréable au pontife que cette démarche de l’Afrique. Le 27 janvier 417, partirent de Rome trois lettres, qui répondaient à chacune des missives dont nous avons parlé. JalTé, n. 321, 322, 323. Cet appel à l’autorité dogmatique du siège de Pierre, cette reconnaissance de son droit supérieur de dirimer les questions litigieuses ont profondément réjoui le pape : et reprenant dans sa lettre au concile de Carthaf^e l’image employée tout à l’heure par Augustin, de la source, du fleuve et du ruisselet, Innocent lui donne une signification un >eu différente. Que parle-t-on du ruisselet de l’Afrique qui viendrait se mêler au large fleuve romain ? C’est bien plutôt