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question relative au droit des évêques. Il n’est point douteux qu’ils ont les mêmes droits que les prèlres (presbyleri). Le texte scripturaire parle surtout des prêtres, parce que les évoques, empêchés par leurs autres occupations ne se peuvent rendre chez tous les malades. Au reste, si l'évcque juge utile ou convenable d’en aller voir quekju’un, de le bénir, et de l’oindre du chrême, il le peut faire sans aucun doute, lui qui prépare le chrême. Quant aux pénitents, on ne I)eut leur conférer cette onction, car c’est une espèce de sacrement, quia genus est sacramenti. Ceux, en effet, à qui l’on refuse les autres sacrements, comment jjourrail-on leur accorder celui-ci en particulier : quomodo unum genus putatur posse conccdi ? » P. L., col. 560561.

La question des personnes à admettre aux saints ordres s’est posée nombre de fois à l'époque. Dans les diverses consultations, ci-dessus mentionnées, dans d’autres encore, Innocent a fixé d’une manière qui sera à peu près définitive pour l’Occident, les règles à suivre. Il ne fait guère d’ailleurs que renouveler les décisions prises par son anté-prédécesseur le pape Sirice dans un concile romain de 387. Défense d’admettre aux ordres : ceux qui ont été mariés deux fois, même si le premier mariage a été contracté et rompu par la mort avant le baptême ; ceux qui ont épousé une veuve, ceux qui, après le baptême, se sont faits soldats ; ceux qui ont été magistrats et ont jugé ou plaidé dans des causes capitales ; ceux qui ont été curialci, ou bieit ont donné des jeux publics, ou exercé des sacerdoces (païens). Sur le preniier point irrégularité par bigamie successive, Innocent se montre plus sévère que la grande majorité de ses contemporains. On admettait assez généralement qu’on pouvait ne pas tenir compte d’un premier mariage contracté et dissous avant le baptême. Saint Jérôme, par exemple, s'élève avec sa fougue habituelle contre les partisans de l’opinion à laquelle s’est finalement rattaché Innocent I". il pzsL, Lxix, ad Oceanum, P. L., t. xxii, col. 653 sq. Ce dernier argumente très vivement, et à diverses reprises, contre de tels errements. Même contracté aant le baptême, le maij’iage est un vrai mariage, et il y a lieu d’en tenir compte pour ceux qui se présentent aux ordres.

A un genre d’idées analogue se rattachent les prescriptions d’Innocent relatives au célibat ecclésiastique. Ici non plus il n’innove pas, ne faisant que rappeler la prohibition portée par le pape Sirice. Celuici, en 387, généralisant une pratique déjà ancienne dans l'Église d’Occident, avait non seulement interdit le mariage aux évoques, prêtres et diacres, mais encore l’usage du mariage à ceux qui, antérieurement à leur ordination, auraient été engagés dans les liens matrimoniaux. Pour ne pas constituer une innovation absolue, la défense de Sirice n’en avait pas moins jeté bien du trouble dans les haljitudes du clergé. Elle avait dû être disculée ; certains prélendaient ignorer l’existence même de la loi. Innocent ne cessa d’en presser l’exécution et donna, pour en appuyer l’efficacité, les raisons de droit et de convenance qui sont restées classiques. Lettres à Viclrice et à Exupère ; voir aussi JafFc, n. 315. Il va de soi, conlinue-t-il, quel^ même interdiction de contracter mariage s’applique aux moines, qui désirent entrer même dans les ordres mineurs. Enfin les vierges consacrées à Dieu par une I)ro)ession solennelle, qui se marieraient ou se laisseraient déflorer, ne pourront être reçues à la pénitence, tant que vivra celui à qui elles se sont données ; la peine serait plus légère s’il s’agissait seulement de vierges ayant promis de se consacrer au Seigneur. Telles sont les principales dispositions par lesquelles Innocent s’efforça de garantir la purclé des mœurs dans le clergé.

Qu’on y ajoute une décision relative à l’indissolubilité absolue du mariage, même au cas où l’un des conjoints aurait été enunené comme esclave par les barbares, Jafi'é, n. 313 ; une autre où le pape rappelle que l’adultère du mari est aussi grave que celui de la iemme et doit être puni des mômes peines, P. L., ibid., col. 499, et l’on aura quelque idée de l’intervention d’Innocent dans les questions d’ordre moral. Signalons au moins sa sollicitude à veiller sur la I)ureté des sources de l’enseignement ecclésiastique. Le canon des livres de l’Ancien et du Nou eau 'Testament est rappelé : plusieurs livres apocryphes condamnés et proscrits. P. L., ibid., col. 501.

Quant aux questions contentieuses. Innocent généralise les mesures déjà prises à Nicée ou à Sardique, et règle que dans les jugements des causes ecclésiastiques le concile provincial sera seul compétent, à l’exclusion de toute autre juridiction, restant bien entendu d’ailleurs qu’un appel est toujours possible des décisions du concile à l'Église romaine ; sine præjudicio Romanee Ecclesiæ oui in omnibus cousis débet reverentia cuslodiri. P. L., ibid., col. 472. Quant aux causes plus importantes, elles doivent, après jugement des évêques, être soumises au siège apostolique : si majores causée in médium juerint dcvolutae ad sedem aposlolicam, post judicium episcopale, re/erantur. Par ces exemples l’on voit à combien de points du droit canonique en .formation s’est étendue la vigilance d’Innocent 1°.

II. Son action en Orient.

Cette vigilance il] l’exerce surtout en Occident, dans la région qui est I le domaine propre du patriarcat romain. Ici il est ; vraiment le maître des Églises, pour toutes les raisons que nous lui avons entendu développer. En Orient il n’en va plus tout à fait de même ; n'étant point les filles directes de l'Église romaine, les Égfises de ces pays sont, par rapport au siège apostolique, dans une dépendance moins étroite. Elles n’en relèvent pas moins de son autorité suprême ; sans être du ressort de l’archevêque de Rome, patriarche de l’Occident, elles doivent cependant respect, et jusqu'à un certain point, obéissance au successeur de Pierre. La nuance qu’il y a entre les deux degrés de dépendance est assez fugitive, elle ne laisse pas néanmoins] que de se remarquer.

Depuis la mort de Théodose la séparation politique ' est complète, et devient définitive, entre les deux grandes parties de l’empire romain, l’Orient et l’Occident. La conséquence la plus grave au point de vue religieux de cet événement politicjue, c’est l’alTermissement d’une tendance qui se marquait déjà au iv siècle, et qui pousse l’Orient chrétien à s’Organiser sans plus tenir grand com]1te du fait romain traditionnel. Les potentats ecclésiastiques de ces pays, les évêques d’Alexandrie, d’Antioche, bientôt celui de Constantinople, ne tarderont pas à trouver trop astreignant le lien, d’ailleurs assez lâche, qui les unit au siège romain. Aussi les papes les plus intelligents, les plus conscients de leur responsabilité, n’ont jamais manqué l’occasion depuis le ve siècle, de rappeler les droits qu’ils tiennent de leur qualité de successeur de Pierre. Innocent l^' l’a fait avec la même vigueur que plus tard Léon le Grand ou Hormisdas.

Et tout d’abi>rd dans cette région que l’on appelait le diocèse d’illijrieum. Zone de transition entre les deux empires, où les langues latine et grecque se mêlent, pour ne rien dire des populations, l’Illyricum vient, après bien des changements de souveraineté, d'être dénnili ement attribué à l’empire d’Orient. Religieusement il risque d'être entraîné dans l’orbite de Constanlinople, dont les évêques cherchent à étendre au maximum leur zone d’influence. Le pape Sirice l’avait déjà remarqué, et avait songé à donner à l'évêque de Thessaloni que une délégat ion permanente,