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INNOCENT JCT (SAINT ;


en disant qu’Innocent était le fils spirituel d’Anastase ; l’explication vaut ce qu’elle vaut. Toujours est-il qu'à la mort d’Anastase, Innocent fut unanimement élu pour succéder à celui-ci, et consacré le 22 décembre 401. Sur cette date, voir Duchesne, Le Liber pontiftcalis, t. I, p. 219.

Le pontilicat d’Innocent se place à l’une des époques les plus troublées de l’histoire romaine ; de toutes parts les barbares envahissaient l’Occident ; l’Italie mal défendue par le faible gouvernement d’Honorius était submergée la première ; en 408, Alaric avec ses Goths venait camper sous les murs de Rome, qu’il bloquait étroitement. En proie à une folle terreur, le parti païen, encore puissant dans la capitale, attribua ce déchaînement de calamités à l’abandon de la vieille religion nationale ; et demanda l’autorisation de faire des sacrifices publics. Si l’on en croit le païen Zosime, Néa laTopEa, v, 41, le pape Innocent aurait laissé s’accomplir cette violation flagrante de la loi de Théodose ; d’ailleurs le chrétien Sozomène, H. E., ix, 6, semble bien dire que les sacrifices en question eurent lieu. « L’iss<ue, continue-t-11, montra bien que ce ne fut pas pour le bonheur de la ville. Serrés de près, les Romains négocièrent une trêve avec Alaric ; elle leur fut accordée à condition qu’une ambassade romaine se rendrait à Ravenne, pour amener la conclusion d’une paix définitive entre l’empereur Honorius et 'le chef barbare. Celui-ci ne désirait rien tant que d'être reconnu par le souverain comme le général des forces romaines enOccident. Le pape Innocent accepta de faire partie de cette délégation. Arrivée à Ravenne, celle-ci se heurta vite aux refus catégoriques du parti qui, à la cour, s’opposait à toute concession. Irrité de ces atermoiements, Alaric marche de nouveau sur Rome, qu’il prend et pille, 24 août 410. A ce moment, le pape était encore à Ravenne, et il n’eut pas la douleur de voir aux mains des barbares la Ville éternelle. La Providence, dit Paul Orose, Histor., vii, 39, avait pris soin de soustraire ce nouveau Lot à la destruction qui englobait un peuple de pécheurs. Innocent ne put rentrer à Rome qu’en 412 ; Il y mourut le 12 mars 417, suivant la donnée du martyrologe hiéronymien préférable à celle du Liber pontiftcalts, qui le fait enterrer le 28 juillet de cette même année. Si le pape Innocent a pu voir les catastrophes qui préludaient en Occident à la destruction définitive de l’empire romain, si Rome eut à connaître, sous son règne, les pires violences, ce pontife a vu se former aussi les premiers linéaments de la monarchie pontificale qui allait remplacer l’empire romain ; plus qu’aucun autre pape du Ve siècle, saint Léon excepté, il a* contribué à l'établir. Du fait reconnu traditionnellement par toutes les Églises de la primauté romaine, il a su tirer quelques principes très clairs relatifs au rôle que doit jouer l'Église de Rome. Au nom de ces principes, il s’est efforcé d’imposer, au moins à l’Occident, les directives générales qui régleraient pour longtemps, du point de vue romain, la vie catholique. Suivons son action en Occident et en Orient.

I. Son action disciplinaire en Occident.

En Gaule, en Espagne, en Italie, Innocent s’efforce de tout son pouvoir d'établir l’unifonnité des règles morales, canoniques, liturgiques. Pour ce faire, il Impose partout l’adoption des usages et des règlements romains. Ces usages, il les déclare traditionnels, et dès lors proclame leur droit à s’imposer partout, à rencontre des coutumes locales qui ne peuvent être, prétend-il, que des déformations de la tradition primitive. C’est ce qui résulte très clairement des trois décrétâtes à Vlctrice de Rouen, JafTé, n. 286 ; à Exupère de Toulouse, Jatïé, n. 293 ; à Decentius de Gubbio, Jaffé, n. 311, comme aussi de sa réponse au premier concile.

de Tolède célébré en 400, Jafïé, n. 292. Les trois ; premières pièces ont pris place de très bonne heure dans les collections canoniques, dont elles ont constitué le premier noyau. Elles se ressemblent beaucoup, soit par leurs considérants, soit par leurs dispositifs ; il y a intérêt à les étudier simultanément.

Toutes sont des réponses à des consultations épiscopales. Des évoques ont été frappés de la divergence qui règne entre les usages ecclésiastiques, de la différence surtout qui existe entre ce qu’ils voient chez eux et ce qu’ils ont vu à Rome au cours d’un pèlerinage à la Ville éternelle. A ces scrupuleux. Innocent répond tout d’abord par des féhcitations pour leur zèle à consulter le Saint-Siège. Mieux vaut cette docilité, que le parti pris d’improviser des solutions. Le grand souci de ces évêques devra donc être de faire prévaloir partout les préceptes apostoliques. Transmises directement par le prince des apôtres à l'Église romaine, religieusement conservées par elle, ces instructions s’imposent à l’obéissance de tous : quod a principe apostolorum Peiro romanæ ecclesiæ fradilum est, ac nunc usque custoditur, ab omnibus débet servari. P.L., t. XX, col. 552. Ceci est vrai tout spécialement quand il s’agit des Églises d’Occident qai toutes sont des filles de l'Église romaine. C’est à Pierre ou à ses successeurs que doivent leur origine les chrétientés d’Italie, de Gaule, d’Espagne, d’Afrique, de Sicile, des îles de la Méditerranée. L’Occident en effet n’a pas connu d’autre apôtre que Pierre ; l’histoire est là pour le montrer ; et dès lors la nécessité s’impose à toutes ces Éghses de suivre tout ce que garde l'Église romaine, d’où elles sont dérivées.

Il leur faut donc revenir à l’uniformité romaine en matière de liturgie. Nonobstant la diversité des usages en Occident, le pape voudrait faire accepter partout la manière de faire usitée à Rome (place du baiser de paix, place du mémento des vivants). Sans doute il est des usages romains, qui sont exclusivement réservés à Rome. La coutume par exemple qu’ont les papes, quand ils célèbrent dans la Ville, d’envoyer à chacun des titres une parcelle de pain consacré (fermentum), se justifie tout à fait dans la capitale ; il n’y a pas heu de la transplanter dans les provinces, où les églises de campagne sont très distantes de la ville épiscopale. P. L., t. xx, col. 556. Mais cette apparente exception ne fait que confirmer la règle générale : agir partout comme l’on fait à Rome. Cela est vrai surtout quand il s’agit de l’administration des sacrements. Trois de ces rites ont une mention spéciale dans la lettre à Decentius : la confirmation, la pénitence, l’extrême-onction. La confirmation ne peut être donnée que par l'évêque, à preuve la mission de Pierre et de Jean en Samarie. Act., viii, 14-17. Les prêtres, quand ils baptisent, font sans doute une onction avec le saint-chrême ; mais non point sur le front, car ceci revient exclusivement à l'évêque. La réconeihation de ceux qui ont été admis à la pénitence se fera régulièrement le jeudi saint. Mais si quelqu’un d’entre eux tombe malade et que son état soit désespéré, il faut l’absoudre (ei est relaxandum) en dehors du temps de Pâque, de crainte qu’il ne meure hors de la communion de l'Église, ne de smculo absque eommunione discedat. Les prescriptions d’Innocent relatives à l’extrême-onction sont fort curieuses et mériteraient une étude attentive. Après avoir rappelé le texte célèbre de saint Jacques, Jac, v, 24, le pape continue : t II n’est donc pas douteux qu’il faut l’entendre des fidèles malades, lesquels peuvent être oints de l’huile d’onction (oleo chrismatis) préparée par l'évoque, et dont l’usage n’est point réservé aux prêtres (sacerdotibus), mais est accessible à tous les chrétiens dans leurs maladies ou celles de leurs proches. D’ailleurs il semble superflu d’ajouter à ce sujet une