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INJURE


lerie et persiflage, qui dira toules les inventions d’an cœur méchant, propres à rendre quelqu’un ridicule, à le faire rougir devant les autres ou à le remplir d’amertume ? « Homme du diable », criait Scméi à David, en lui jetant des pierres. II Reg., xvi, 5, 6, 7. « Ami des publicains et des pécheurs, buveur de vin. Samaritain, possédé du démon », allaient répétant les juifs qui insultaient Jésus. Luc, vii, 34 ; Joa., viii, '18. Tels sont quelques exemples d’injures tirés des saints Livres.

Toute injure blesse évidemment et en premier lieu lu charité envers le prochain. Dieu sait la peine cuisante que des propos injurieux ou des actes de mépris peuvent lui causer. « Les coups de fouet, dit la sainte Écriture, meurtrissent, mais les coups de langue brisent les os. » Eccli., xxviii, 21. L’injure viole en outre la vertu de justice ; car chacun peut prête idre aux témoignages d’estime ou de respect qu’on accorde aux gens de sa condition ou de son mérite, chacun a le droit tout au moins de n'être pas méprisé. Et tel est le prix de l’honneur qu’on le regarde dans les milieux honnêtes comme préférable aux biens de la fortune. Maligne dans ses effets, l’injure l’est autant dans sa source. Saint Thomas nous dit qu’elle procède immédiatement de la colère. L’orgueil, enclin à s'élever au-dessus des autres, porte naturellement à les mépriser et se répand aisément en injures contre eux ; mais c’est la colère pourtant qui y recourt comme au moyen de vengeance qui s’olïre d’abord : nulla enim vindicla est irato magis in promplu qiiam injerre conhimeliam. Surn. theoL, II '-II-, q. lxxii, a, 4.

Grauité.

L’injure est un péché grave de sa nature, ex génère suo. Qui dixcrit jralrisuo : Fatuc, reus eril gehennæ ignis. Matth., v, 22. Elle constitue donc une faute mortelle quand, proférée avec réllexion, elle blesse notablement quelqu’un dans son honneur. On juge du fait non seulement en pesant les propos et les faits injurieux, mais encore en tenant compte de la qualité des personnes, d’une pari l’olîensé d' l’autre iinsulteur. L’injure revêt une malice toute spéciale et devient aisément grave, si elle atteint les parents, les maîtres, les supérieurs, toute personne, en un mot, envers qui la piété oblige.

L’injure simple admet cependant une légèreté de matière. On regarde comme véni. Iles les injures qu'échangent entre eux dans la langue verte des hommes ou des femmes de bas étage, ou parce que ceux qui les profèrent n’ont pas au fond tant de mépris, ou parce que ceux qui les entendent les attribuent à l’emportement ou à une mauvaise éducation. On excuse aussi de faute mortelle les parents ou les maîtres qui qualifient leurs enfants ou leurs élèves eu termes irrespectueux, blessants ; on les excuse même de tout péché, si par là, ils se proposent uniquement de corriger leurs défauts, bien que ce ne soit pas là un système d'éducaLion recommandable. Sont rarement graves des paroles injurieuses dites en l’absence de ceux qu’elles visent, à moins qu’on ne veuille qu’elles soient rapportées ou qu’on ne prévoie qu’elles le seront certainement. Innocent tout à fait est l’amusement qui consiste à plaisanter quelqu’un de ses légers défauts ou travers, mais sans aucune arrière-pensée de mépris, sans danger non plus qu’il s’en irrite, en conçoive une peine sérieuse, dût-il eu rougir un peu. Pratiqué entre amis, dans le seul but de se récréer, ce peut être un acte de la vertu d’eutrapélie. Il est vrai que la charité et la prudence demandent qu’on ne pousse pas ce jeu trop loin. S’il arrive que quelqu’un se fâche ou s’afïecte beaucoup d’une plaisanterie plutôt inoffensive, ce sera le fait uniquement de son caractère pointilleux, ttroitesse d’esprit de sa part ; et la faute du taquin

qui a provoqué, si faute il y a, ne pourra assurément êtredite mortelle.

Support.

Saint Thomas pose en principe la nécessité de la patience vis-à-vis du mal non seulement qu’on nous fait, mais encore qu’on dit contre nous. Et il cite à propos la parole des Psaumes : « Et moi, je suis comme un sourd, je n’entends pas ; je suis comme un muet qui n’ouvre pas la bouche. » Ps. xxxvii, 14. Il montre ensuite que le devoir du support consiste avant tout dans une attitude à garder dans son âme, præcepia patientix sunt in prœparatione animi habenda. Nous devons être toujours prêts à faire au besoin ce que le Seigneur a prescrit : » Si quelqu’un vous frappe sur la joue droite, présentez-lui encore l’autre. » Matth., v, 39. Mais si la disposition intérieure s’impose sans exception possible, on ne peut en dire autant du fait extérieur de présenter l’autre joue, non tamen (homo) hoc semper teneiur facere aclu. Et la réponse vaut, que nous soyons en butte à des actes de violence ou à des paroles outrageantes. Nous devons nous tenir constamment prêts à supporter les injures qu’on profère contre nous, si c’est expédient. C’est une loi, mais qui souffre dss exceptions. Il est nécessaire de repousser une insulte, en deux circonstances tout particulièrement, quand l’intérêt de l’insulteur exige qu’on arrête son audace, qu’on lui enlève le désir de récidiver, et lorsque, en tolérant une attaque personnelle, nous compromettrions le bien du grand nombre. Obligés de maintenir l’audace d’agresseurs, nous devons cependant user de beaucoup de modération, agir par un motif de charité vraie et non pour venger notre honneur blessé, propier officium charitatix, non propter cupidilatem privait honoris. Enfin, après ces réserves, saint Thomas conclut par un éloge du silence, non d’un silence méprisant et plutôt provocateur, mais d’un silence patient qui ne tient pas tête à l’homme eu colère : si aliquis taceat, volens dure tocum iræ, hue est laudabile. Sum theot., Il* II-i', q. lxxii, a. 3.

Réparation.

Celui dont l’injure a fait perdre au prochain son honneur, a le devoir de le lui rendre et de réparer tous autres dommages qui ont résulté et qu’il avait prévus au moins confusément. Réparant, on devra tenir compte de la nature de l’insulte et de la qualité de la personne offensée. Il y a obligation grave de faire réparation d’honneur si l’injure fut notable, et publiquement lorsqu’elle fut publique Quant à la manière de la faire disparaître, ehe dilïère selon qu’il s’agit d’un inférieur, d’un égal ou d’un supérieur. D’une manière générale, on l’elTace par des témoignages non équivoques d’estime ou de "respect, appropriés à la condition des personnes. Les moralistes ont noté divers moyens employés pour donner satisfaction aux gens atteints dans leur honneur : les saluer amicalement, en les prévenant même, les entretenir avec cordialité, les visiter chez eux, les inviter à sa table, leur présenter des excuses par un tiers ou leur demander soi-même pardon. Une demande de pardon est une réparation d’honneur recevable dans tous les cas ; elle n’est obligatoire que si la partie lésée l’exige à l’exclusion de toute autre pour une injure grave. Cependant on n’est pas en droit de l’attendre de supérieur.^ ou de maîtres vis-à-vis de leurs sujets, serviteurs ou élèves, ceuxci devront se contenter de marques d’une particulière bienveillance. Généralement on est exempt de l’obligation de faire amende honorable, lorsque l’oftensé tient quitte de tout, s’il a eu recours à l’action des tribunaux, s’il a tiré personnellement vengeance, ou dans le cas où les injures furent réciproques.

S. Thomas, .Sum. UieoU II » II^, q lxxii, a. 1-4 ; S. Alphonse de Liguorii Theol, moralis, t. III, n. 966, 984-