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INFIDELITE


Or, l’infidélité est caractérisée par Vabsence ou la destruction de la vertu infuse de foi (habitus ftdei).

II. Formes.

L’infidélité peut donc se rencontrer avant ou après la possession de la foi. Avant, elle est matérielle ou formelle, selon que son absence est due à une ignorance invincible, infidelilas mère negativa, oiT col. 1727, ou à une ignorance volontaire et coupable, infidelilas privativa. — Après, elle est un reniement de la croyance, infidelilas positiva.

1 » L’infidélité purement négative, matérielle, antécédente est celle des païens, à qui le Christ n’a pas été prêché, ou qui n’en ont entendu parler que d’une manière insufilsante ou inexacte. Elle n’implique aucune mauvaise volonté, elle n’est donc pas coupable. Voilà pourquoi l’Église a condamné la 68 » proposition de Baius disant : ^ L’infidélité purement négative est un péché dans ceux à qui le Christ n’a pas été prêché », proposition condamnée par saint Pie V, le 1° octobre 1567. Cf. Denzingev-Bannwart, n. 1068 ; voir Baius, t. ii, col. 97-99. — 2° L’infidélité antécédente et jormelle, dite déficiente ou privative, au sens latin du mot privativa qui indique l’absence d’une qualité qu’on devrait posséder, est constituée par le refus conscient et volontaire d’adhérer aux vérités révélées ou même de s’enquérir d’elles, bien que l’on reconnaisse avoir l’obligation certaine de s’en préoccuper. Elle procède d’une opposition systématique, qui avant examen dresse en l’esprit une fin de non-recevoir devant toute pénétration de la foi : soit qu’elle nie la possibilité d’une révélation divine, comme il arrive aux adeptes du matérialisme, du positivisme, du déisme, du monisme et de toutes les manières d’incréduhté ou d’irréligion ; — soit qu’elle repousse seulement le fait et le droit de la révélation chrétienne, et c’est le cas des païens, des juifs, des mahométans. Elle peut encore provenir de la nonchalance, de la paresse, de la frivolité, des passions qui, détournant l’homme de l’effort nécessaire pour connaître la révélation et en étudier les preuves, le laissent volontairement dans les ténèbres de son ignorance.

Certes, une telle ignorance, vu sa malice, serait gravement coupable. Elle le serait moins sans doute que l’opposition systématique, dont nous avons parlé dans le premier cas. Elle peut coexister en effet avec l’intention vague et générale d’admettre la vérité, si quelque jour celle-ci apparaissait avec une clarté suffisante. A cause de cela de Lugo, De fide, disp. XX, sect. VI, n. 175, se refuse à la noter d’infidélité. Cependant par le fait de sa mauvaise volonté l’homme, qui se refuse de la sorte à ouvrir les yeux à la lumière, demeure privé de la foi : il est donc réellement un infidèle et d’une infidélité antécédente et formelle.

30 Enfin Y infidélité positive, à la différence des précédentes, qui sont antérieures à la réception de la ver-tu infuse de foi, détruit cette dernière quand elle existe. Elle impUque donc de la part d’un baptisé une apostasie plus ou moins complète. Voir 1. 1, col. 1002. Ce mode d’infidélité comporte divers degrés, qui sont comme les espèces d’un même genre : 1. La foi reçue au baptême peut se perdre d’abord par la négation volontaire des motifs de crédibilité, négation qui sape par la base toutes les croyances. Une telle incrédulité est le fruit de l’athéisme, quand elle ose nier l’existence môme de Dieu ; elle découle du monisme matérialiste ou idéaliste, quand elle identifie Dieu avec le monde ; elle est la conséquence du rationalisme ou du déisme, quand elle déclare que Dieu ne peut pas ou ne veut pas communiquer avec les hommes et leur enseigner des vérités surnaturelles. — 2. La foi peut encore être anéantie dans une âme par le refus d’admettre le souverain motif de notre croyance, c’est-à-dire l’autorité de Dieu, le droit du témoin divin d’être cru sur

parole. Cette impiété est le fait de toutes les sectes imprégnées de manichéisme. Leur dualisme en effet attribue la révélation au « mauvais Principe ii, éternel et nécessaire de l’Ancien Testament, comme au t bon Principe » du Nouveau Testament. Bien plus, tout l’enseignement, sur lequel reposent l’Église et les sacrements, serait, à les entendre, l’œuvre de « l’auteur du péché ». — On retrouve la même erreur monstrueuse dans l’absurde doctrine calviniste des mensonges divins », corollaire de la prédestination anle pravisa mérita. — 3. La négation, destructive de la vertu infuse de foi, porte en d’autres cas sur l’objet à croire. Négation totale chez le chrétien qui abandonne l’Église et adhère complètement à une fausse religion, par exemple, en se faisant bouddhiste ; — négation partielle chez celui qui, blasphémant la divinité du Christ, s’attache à la doctrine des mahométans et même des spirites. On tombe dans cette infidélité doctrinale en rejetant l’une quelconque des vérités contenues dans l’Écriture et la tradition ou définies par l’Église. — 4. Enfin, on peut s’attaquer à la règle même de la croyance instituée par Dieu, c’est-à-dire à l’Église enseignante. Nier son autorité et se dresser contre elle par une désobéissance formelle et volontaire à ses définitions infaillibles en matière de foi est une infidélité, qui porte le nom d’hérésie. Voir ce mot, t. vi, col. 2208 sq.

III. Causes.

Outre les causes déjà indiquées, aveuglement volontaire, paresse, frivolité, etc., la sainte Écriture en note beaucoup d’autres. En voici quelques-unes : le luxe et Vavarice des mauvais riches, Luc, XVI, 27-31, la peur de la lumière chez ceux dont les œuvres sont mauvaises, Joa., ii, 19, l’ignorance et l’aveuglement de l’esprit, conséquences de la corruption du cœur, Eph., iv, 18, en un mot, tous les vices des païens. I Tim., i, 19. A son tour saint Thomas signale l’orgueil, qui refuse de s’incliner devant la règle de foi, et la vaine gloire, qui provoque les innovations présomptueuses, Sum. theol., H’-IIib, q. x, a. 1, ad 3°™, la cupidité, q xi, a. 1., ad 2^’^, les ivresses de l’imagination qui s’attache opiniâtrement à ses fantômes, ibid., ad 3°"i, tandis que les vices de gourmandise et de luxure absorbent à tel point la sollicitude de leurs victimes, qu’elles en demeurent hébétées en face de la vérité : c’est l’aveuglement de l’esprit, qui joint à l’entêtement de la vanité conduit aux pires erreurs contre la foi, q. XV, a. 1 et 3 ; et tout cela résulte plus ou moins directement de la haine de Dieu, q. xxxiv, a. 2. ad 2°^"’. Bref, l’infidélité est d’ordinaire l’aboutissant et le triste couronnement de tous les autres péchés.

IV. Gravité.

Voilà pourquoi le péché d’infidélité apparaît à saint Thomas comme le plus grave de tous les péchés, si l’on excepte la haine directe de Dieu, car « un péché est d’autant plus grave qu’il nous sépare davantage de Dieu. Or, l’infidélité nous en éloigne autant qu’il est possible, » Ibid., q. x, a. 3. Il a pour elTet de détruire le fondement même sur lequel repose toute justification, q. lxii, a. 7, ad 3°™, de sorte que la conversion de l’infidèle (qui l’est volontairement ) devient extrêmement difficile.

Cependant le péché d’infidélité comporte divers degrés de malice. Ceux-ci varient suivant le point de vue, d’où on le considère : 1° Au point de vue de l’extension, c’est-à-dire du nombre des vérités absentes ou niées et des erreurs professées, l’infidélité des païens, nous dit saint Thomas, est plus vaste que celle des juifs, et l’infidélité des juifs est plus vaste que celle des hérétiques. Mais ajoute-t-il, q. x, a. 6, la culpabihté ne suit pas la même progression. En effet, chez les infidèles, qui n’ont en aucune manière été évangélisés, la foi est simplement absente : c’est un dommage pour eux, ce n’est pas une faute. Le païen n’affirme et ne nie rien au sujet des vérités révélées.