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INFIDÈLES


n’enseigne pas « qu’ils doivent être punis pour ce fait seul, ni que tout espoir de salut leur soit enlevé… Ainsi, avec la bonne foi, qui est toujours possible, et par l’effet de la grâce, qui n’est refusée à personne, une lumière imparfaite, telle qu’elle peut exister par l’effet des anciennes traditions ou du témoignage de la conscience en dehors des limites de la vraie religion, peut lenir lieu de la lumière totale. » Ibid., c. xi, n. 4, p. 374, 375.

Critique de cette intervention des « instincts religieux » du cœur humain. Son rôle principal est bien celui que l’abbé de Broglie lui a largement et heureusement assigné : rendre compte de la plupart des ressemblances du ch’ristianisme avec les fausses religions, résoudre ainsi plus complètement les objections des diverses écoles ralionalisles ; fournir même une preuve accessoire de la divinité du christianisme catholique par la manière merveilleuse dont il a pu, incomparablement mieux que toute religion même savante, molnliser « tous les bons instincts de l’iiumanité, les mettre d’accord entre eux, les discipliner, les diriger vers le plus haut idéal, p. 297 sq. Son rôle secondaire est de faire mieux rcssorlir les insuffisances et les exagérations de l'école traditionaliste, tout en conservant dans une juste mesure l’influence réelle des anciennes traditions » et de la révélation primitive sur la formation des religions païennes, et conséquemment sur le salut de plusieurs individus perdus au milieu de ces religions. Par là cette explication nouvelle, due à l’abbé de Broglie, touclie à notre problème, sans préciser d’ailleurs ce qui doit se passer dans l'âme de ces infidèles pour arriver par cette voie à l’acte de foi et à la justification. Sur cette dernière précision, nous allons interroger le vénéré fondateur de ce dictionnaire.

c. M. Vacant († 1901) parle du livre que nous venons d’analyser, en traitant de l’acte de foi stricte, nécessaire au salut, et comment les infidèles, grâce à la révélation primitive, peuvent arriver à faire cet acte. Il est donc soucieux avant tout de conserver le caractère essentiel d’un véritalde acte de foi, et il faut pour cela que ces païens adhèrent aux vérités transmises par le canal d’anciennes traditions, non pour un motif quelconque mais parce que Dieu les a révélées. De ce point de vue, il a raison de ne donner aux « instincts religieux et asjjirations du cœur qu’un rôle secondaire. M. l’abbé de Broglie, dans ses y^roblèmes et conclusions de l’histoire des reliyions, dit-il, explique la conservation de ces croyances… par leur conformité avec les as()irations de la nature humaine. Celle manière de voir se concilie sans peine avec les principes de la théologie… Si les aspirations de la nature humaine ont gardé ces traditions, elles ne les ont pas créées. Le souvenir d’un événement qui a Comblé nos désirs se conserve mieux dans notre mémoire que celui d’un fait indifférent ; mais cet événement heureux n’est pas pour cela le produit de nos désirs et de notre imagination. Les lumières et les aspirations île la raison ont pu, de môme, être des aide-mémoiie qui ont empêché les traditions universelles (le se perdre dans la nuit d’un complet oubli. La philosophie (aussi) a pu contribuer, flans une certaine mesure, à les raviver en divers lieux : mais ce n’est pas la raison, ni la philosophie (ni les « bons instincts de la nature humaine » ) qui leur ont donné naissance ; elles remonlent jusq l'à une véritable révélation. » Éludes thénioyiques sur les constitutions du concile du Vaticnn, lS9r., t. ii, n. 688, p. 144. — Et il faut que le croyant lui-même regarde, au moins confusément, ces vérités conmre révélées, comme venant du ciel. Au reste ceci n'était guère difficile aux païens, et Vacant l’a remarqué : t Un point capital semble établi, dit-il, c’est que toutes les religions se donnent.

non point pour des' productions du génie humain mais pour des institutions établies par la divinité. La religion naturelle n’a été professée par aucun peuple, on ne rencontre dans le monde que des religions positives. Ces croyances admises dans les faux cultes sont mélangées d’erreurs souvent très grossières… Ibid., p. 142. Mais si les croyants regardaient comme révélées les parties erronées de leur religion, cette erreur excusable ne les empêchait pas de faire un véritable acte de foi sur ce qu’ils croyaient révélé et qui l'était en effet : un objet vrai et vraiment révélé et admis comme tel, voilà l’objet propre et nécessaire de l’acte de foi.

Vacant répond ensuite à une objection : « La foi n’exige-t-elle pas qu’on ait la certitude de la révélation des vérités qu’on croit ? Or comment cette certitude pourrait-elle se trouver dans les fausses religions ? » p. 144. La réponse est que cette certitude du fait de la révélation, présupposée par l’acte de foi, est une certitude morale, et relative, fondée sur des motifs de crédibilité d’une valeur relative. « Ainsi les enfants et les ignorants, qui ne sont pas en état de discuter-ce qu’on leur affirme, connaîtraient suffisamment la révélation sur le témoignage de leurs parents ou des autres hommes auxquels ils doivent se fier, « p. 145. Il cite pour cette excellente opinion Lugo et d’aubes. Voir Foi, t. vi, p. 219 sq. — c Ajoutons, poursuit-il, que les vérités d’ordre moral sont d’autant plus faciles à admettre, qu’on a contre elles moins de préjugés ; aussi sont-elles plus accessibles aux âmes bien disposées qu’aux hommes de science… Ainsi, au milieu des ténèbres de l’idolâtrie et de l’erreur, les âmes les meilleures et les plus droites seront aussi celles à qui la révélation de ces dogmes sera le mieux manifestée. » Ici interviennent de nouveau « les meilleures aspirations du cœur humain, les instincts religieux » dont parle l’abbé de Broglie. — Enfin, « avec le secours de la grâce ces âmes seront amenées, ou au moins préparées, à dégager les vérités nécessaires au salut des altérations qu’elles ont subies dans les fausses religions… Cette grâce consiste dans des lumières et des mouvements qui dirigent et fortifient l’intelligence et la volonté. C’est la grâce qui arrache la jeune fille du sein d’une famille incrédule et mondaine, pour la mener dans un cloître. On ne parle à cette enfant que d’intérêts terrestres, de plaisirs profanes ; et au fond de son cœur elle éprouve un attrait que personne ne lui a suggéré, mais qui revient et qui grandit sans cesse… pour l’abnégation et le sacrifice. Malgré toutes les sollicitations du monde et les efforts de ses parents désciés, c’est là qu’elle va s’enfermer pour toujours. Sa vocation, inexplicable pour les hommes, est l'œuvre de la grâce de Dieu. Pourquoi la même grâce n’appellerait-elle pas l’attention du pauvre infidèle sur ces vérités obscurcies… auxquelles personne ne prend garde autour de lui, el qui pourtant .lui sont présentées comme des révélations divines au milieu d’une foule de traditions disparates ? Pourquoi la même grâce ne lui ferait-elle pas sentir qu’il doit exister un Dieu supérieur au monde, bon, juste, miséricordieux, prêt à pardonner le péché et à récompenser la vertu après la mort ? Pourquoi ne lui montrerait-elle pas que, parmi les traditions de sa race, il n’en est point qui soient plus dignes de venir de ce Dieu ? « Vacant montre ensuite qu’une telle grâce ne doit pas être confondue avec une révélation personnelle. » C’est donc une solution entièrement distincte du système des « révélations immédiates. » Voir col. 1845 sq En terminant notre analyse de ce bel exposé auquel nous ne craignons pas de souscrire, notons qu’il renvoie aux textes, cités plus haut, du cardinal de Lugo sur la conservation au moins probable des vérités indispensables au salut par les juifs.