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INFIDÈLES


gentils n'étaient pas des p ; uens. L’idolâtrie a été moins ancienne et moins répandue qu’on le pense… Môme dans les derniers temps, où elle était arrivée au comble de son dévergondage et de ses sacrilèges », il y avait, Plularque nous l’apprend, des pères de famille « qui se gardaient bien d’envoyer leurs filles et leurs enfants dans les temples des dieux, où ils n’auraient trouvé que des sujets d’impiété et de débauche. Or rien ne nous empêche de croire que ces bonnes gens, avec les rites de l’idolâtrie, en rjejetaient les dogmes… et qu’avec la pureté des mœurs ils avaient conservé la pureté des croyances de la révélation primitive. » Ibid., p. 236.

2. Apologistes non-traditionalistes.

Nous verrons d’abord un précurseur de l’appel aux révélations primitives parmi les théologiens du xviie siècle, en la personne de Lugo ; ensuite, les apologistes du xixe siècle.

a) Le cardinal de Lugo, après avoir parlé de l’acte de foi possible aux mahomctans, voir plus haut, col. 1917, ajoute : n Je pense qu’on peut en dire autant des philosophes de l’antiquité, s’il y en a eu qui aient cru au vrai Dieu par un assentiment souverainement ferme : car eux-mêmes n’ont pas ignoré l’origine de cette croyance à un Dieu unique, qui leur provenait ou des Écritures ou de la tradition de père en fils ; et ils ont pu accepter eux-mêmes cette croyî^nce, comme les enfants acceptent la tradition transmise par leurs parents. » Lugo signale donc une double origine possible de leur croyance. Ou bien les Écritures, si l’on admet chez eux une connaissance des livres sacrés des juifs, idée soutenue jusqu’au paradoxe par saint Justin, voir col. 1<S]0, mais qui reste vraisemblable quand il n’est question que de certains emprunts faits par quelques érudits, soit à la recherche d’anciens écrits, soit en rapports nécessaires avec les juifs, comme les philosophes d’Alexandrie. Ou bien des traditions immémoriales, pouvant remonter soit à la révélation absolument primitive, soit à des révélations faites à des gentils, primitives à leur manière pour leur postériti. Ainsi Platon cite pour Dieu et la vie future « d’anciennes traditions. » Lugo répoi.d ensuite tacitement à l’objection que l’on pourrait faire, que ces philosophes ont dû tirer ces vérités uniquement de leur raison. « La connaissance d’un seul Dieu, dit-i', qu’ils pouvaient atteindre par le raisonnement philosophique, n’a jamais été en eux assez efficace, pour qu’ils pussent donner à cette ccnclusicn un assentiment souverainement ferme. Si quelques-uns ont eu une douleur souveraine de leurs péchés et une vraie contrition, ce n’est donc pas en vertu de cet assentiment obtenu par le discours logique, mais en vertu de cet autre assentiment qu’ils ont pu avoir sur Dieu par la vraie foi. de la manière que nous avons dite. » De fide, disp. XII, n. 51, édit. Vives, 1. 1, p. 508.

6) Au XIXe siècle, parmi les apologistes nen-traditionalistes, on peut distinguer deux manières successives. D’al, ord, c’est un enthousiasme presque semblable à celui des traditionalistes, pour expliquer le salut des infidèles par les traditions de la révélation primitive, sans négliger les autres solutii ns : nous prendrons comme exemple Hettinger. Ensuite, l’histoire des religions étant mieux étudiée, on perd de cet enthousiasme pour les traditions primitives, sans négliger toutefois cette solution ; l’abbé de Broglie et IM. Vacant représenteront pour nous cette seconde manière.

a. — Hettinger († 1890), écrivait en 1863 dans sa célèbre Apologie des Christenthums : « Plus nous nous enfonçons élans l’antiquité, plus les filons de la révélation primitive se montrent riches et intacts… Le sacrifice est partout dans le monde, et dans le sacrifice

DICT. DE THÉOLCATHOL.

seul sont déjà compris les principes fondamentaux du christianisme, la foi en Dieu, souverain Seigneur et rémunérateur, la conscience du péché, la foi au Rédempteur. » Mais il ajoute ces sages opinions théologiques : « La Providence a donné à chaque homme la possibilité d’une connaissance naturelle et imparfaite de Dieu, laquelle, secondée de la grâce, le prépare à une autre connaissance, surnaturelle et parfaite. La connaissance surnaturelle de Dieu nécessaire au salut, la foi dans le sens propre du mot, n’exige pas (d'être) la foi explicite au mystère de la Trinité et de l’Incarnation. » Apologie du christianisme, 3e édit. franc., Paris, s. d., t. v, ch. xxii, p. 448-450. Et plus loin : « La question à résouelre était celle-ci : Dieu a-t-il dans tous les temps ménagé à l’homme des moyens suffisants pour parvenir à la vérité? Nous avons trouvé la solution. Le christianisme est aussi ancien que le monde, le christianisme est partout dans le monde… Le Verbe éternel.., la lumière qui éclaire tout homme venant en ce monde, a éclairé l’humanité par la révélation de la conscience, par la révélation ele la création visible, par la révélation parlée et écrite depuis Adam jusqu'à Jésus-Christ… Conscience, nature, histoire. Dieu a tout utilisé. Ibid., p. 452, 453. Puis, prenant l’infidèle ! c plus délaissé en apparence : s’il fait ce qu’il peut suivant sa raison et sa conscience, dit-il, « la divine Providence suppléera le reste en lui envoyant visiblement un prédicateur de la foi.., ou en répandant invisiblement dans son âme sa lumière intérieure, comme elle faisait pour les ijrophètes. » Et il cite des passages de saint Thomas et de Suarez. Ibid., p. 453, 454.

On voit comment Hettinger a su éviter l'écueildu traditionalisme, en affirmant la « connaissance naturelle de Dieu » par la « raison » contemplant la création visible » et par la « conscience », puis en la distinguant de la « connaissance surnaturelle n de foi stricte, dont elle n’est que le nécessaire préambule ; et comment avec les Pères il entend la lumière du Verbe « éclairant tout homme » Joa., i, 9, d’abord de la lumière naturelle de la raison donnée à tous (révélation au sens large), puis de la révélation au sens strict « parlée et écrite » c’est-à-dire transmise par la tradition orale et par l'Écriture sainte. C’est ce qui distingue nettement son apologétique, d’ailleurs plus complète, de celle des traditionalistes. M. Capéran a bien remarqué cette supériorité ei’Hettinger et d’autres du même temps, seulement il ajoute : « Peu à peu cependant, la confiance accordée aux traditions des peuples, conmie véhicules des vérités ele la foi, s’est affaiblie ; elle n’est plus aujourd’hui ni aussi générale, ni aussi absolue, ni aussi enthousiasle… Mais l’apologétique peut trouver, en regardant vers la révélation primitive, une raison de plus de ne pas désespérer du salut des infidèles. » Problème.., p. 456. t On affirme (aujourd’hui), dit-il, le fait primordial de cette révélation, mais, au sujet de sa conservation universelle, on aime mieux formuler une hypothèse acceptable, que d’entrer en des démonstrations positives vouées à l’insuccès. Rien n’oblige de conclure, se bornait à dire Mgr d’Hulst, que la tradition primitive ne soit pas le véhicule convenable de la révélation nécessaire à tous les hommes pour atteindre leur fm. Conférences de Notre-Dame, Carême 1892, notes, p. 440. Cite par Capéran, ibid., p. 459.

b. — L’abbé de Broglie († 1895). Son attitude est ainsi caractérisée par ce dernier : « En contrôlant par les faits (cette hypothèse d’une conservation universelle de la révélation primitive) et en la dégageant de toute hyperbole, il ne la dédaij : ne pas. n /fez’d., p. 456. Voici un exemple de l’un et de l’autre dans son meilleur ouvrage, où il traite à fond la question, t On ne trouve pas selon nous dans les anciens documents,

VIL — Cl