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INFIDÈLES


que des différences de développement, a Les préceptes et les dogmes (de l’ÉglisL), dit Lamennais cité par Vacant, ne sont qu’un développement des dogmes et des préceptes qui forment la croyance générale du genre humain. Tout homme que des circonstances quelconques mettraient dans l’impossibilité de connaître la société spirituelle développée et perfectionnée (l’Église), ne serait tenu d’obéir qu’à l’autorité connue de lui (dans sa secte), ou à l’autorité du genre humain. » Essai sur l’indifférence, t. ii, ch. xx, p. 204. C’est ce qu’il ébauchait déjà en affirmant une seule religion sur la terre. « De là à penser que la véritable religion… n’a pas d’autres droits que les fausses, il n’y avait qu’un pas ajoute Vacant, i Ce pas, Lamennais l’a fait sans hésitatioi ;. Le traditionalisme s’est ainsi uni au libéralisme catholique (le plus accentué), et tous deux ont été également condamnés par l’Église. Jbid., n. C79, p. 137. Enfin, on peut reprocher secondairement à Lamennais sa détermination très arbitraire des dogmes t indispensables au salut qu’il multiplie outre mesure ; et de plus l’arbitraire et l’insuffisance de plusieurs preuves historiques et citations alléguées pour montrer la conservation de la révélation primitive dans les religions anciennes.

b) Auguste Nicolas († 1888), traditionalisme modéré, dans un ouvrage dont les innombrables éditions commencent en 1842, parcourt les traditions des peuples anciens pour y recueillir la révélation primitive, et en vient à une « Étude sur les sacrifices ». Les sacrifices païens peuvent en effet être regardés comme un vestige de cette révélation chez tous les peuples ; Joseph de Maistre l’avait déjà montré par son Éclaircissement sur les sacrifices qui fait suite à ses Soirées. Auguste Nicolas, entre autres citations intéressantes, allègue le bon Rollin, qui dans son Traité des Études, à propos de la lecture d’Homère, veut qu’on fasse observer aux jeunes gens cet accord des anciens peuples à faire consister le fond du culte public dans le sacrifice : accord qui ne s’explique, selon Rollin, que par l’origine unique du genre humain et la révélation primitive. Études philosophiques sur le christianisme, part. I, liv. II, c. iii, § 2 ; t. ii, 1845, p. 33. Nicolas fait d’ailleurs les réserves nécessaires, et montre que l’idée fondamentale des sacrifices, « l’idée du Rédempteur, future victime promise au salut du genre humain », fut obscurcie parce que t le signe’prit peu à peu la place de la chose ; la figure, de la réalité ; la lettre, de l’esprit ». Et comme l’idolâtrie défigurait le culte de Dieu, ses infâmes divinités eurent de détestables sacrifices. Ibid., p. 84-86. Mais venons à l’endroit où il traite le problème du salut des païens ; on y trouve ces lignes : « Si vous supposez un homme (et je crois qu’il y en a eu, grâce à Dieu, beaucoup), quelque perdu qu’il ait été dans les ténèbres de la geutilité, qui en toute bonne foi pratiquant tout le bien que sa conscience lui indiquait, ait honoré la Divinité selon Ls rites de son pays ; comme dans ces rites se trouvait, quelque obscurcie et défigurée qu’on la suppose, ta foi en un Dieu sauveur, libérateur, médiateur, cet homme a été sauvé par son adliésion implicite au grand, au seul médiateur, Jésus-Christ, i Ibid., part. ii, c. xiv, § 3, n. 2, f » édit., t. iii, p. 404, 405. M. Capéran relève cette phrase, qui va trop loin Problème…, p 452. Sans doute. Dieu ne laissera pas périr cet homme de bonne foi, pratiquant tout le bien que sa conscience lui indique. Mais, sans lui imputer à mal un rite dont il ignore invinciblement le caractère illicite. Dieu lui fournira un autre moyen de faire un acte de foi et d’amour, pour être justifié et sauvé. Ce n’est pas non plus la loi naturelle qui peut lui tenir lieu de révélation pour faire l’acte de foi, comme on le suppose en disant que l’homme reçoit tout ce qu’il a dans l’esprit, par l’instruction « de la société, laquelle a dû le recevoir nécessairement de son auteur, de Dieu ; qu’ainsi ce que nous sommes convenus d’appeler la loi naturelle n’est telle que par rapport à la seconde révélation, mais qu’en elle-même elle est une loi primitiviment révélée également. » Ibid., p. 403. Il faut ajouter, pour mieux juger Auguste Nicolas, qu’il ne s’en tient pas à cette solution, et va chercher lui-même d’autres réponses plus satisfaisantes, par exemple quand il dit d’après saint Thomas que la foi explicite au Médiateur n’était pas absolument nécessaire au salut avant Jésus-Christ, et ajoute qu’elle peut ne l’être pas, même aujourd’hui, ibid., p. 400, 401 ; ou quand, avec saint Thomas encore, il a recours à une révélation immédiate en faveur de ce païen qui fait vraiment son possible ; ce qui lui donne l’occasion de citer aussi Lcibnitz disant dans sa Théodicce : « Savons-nous toutes les voies extraordinaires dont Dieu se peut servir pour éclairer les âmes, et particulièrement ce qui s’y passe à l’article de la mort ? » Ibid., p. 410.

c) Le célèbre P. Ventura († 1861) apporte quelques adoucissements au traditionalisme ; il admet surtout qu’une fois acquises au moyen de la révélation primitive et de sa tradition universelle, les vérités indispensables au salut. Dieu, l’immortalité de l’âme, les principes de la morale, peuvent ensuite être démontrées, défendues et développées par la raison individuelle. Cette doctrine a l’avantage d’empêcher la confusion des deux moyens de connaître, la raison et la révélation, la raison et la foi, dont le motif propre, est bien différent Voir Vacant, Op. cit., t. i, n. 114, p. 143. — Mais Ventura exagère aussi l’effet des rites des gentils. C’est encore M. Capéran qui signale le passage excessif, Problème.., p. 453. Les conférences qu’il donna en 1851, dans une église de Paris, Ventura les publia, augmentées de notes ; un appendice après la xviii^ conférence est un petit traité sur « les sacrements avant le Christ, » où il est dit des infidèles : « Pour ces gens, pour ces peuples qui ne trempaient pas dans l’apostasie du culte des idoles, et le nombre en était bien plus grand qu’on ne pense, les sacrifices et tous les rites religieux, qu’ils avaient appris à l’école des traditions, n’étaient que de vraies protestations de leur foi dans la passion du Christ ; et par conséquent des moyens de justification, et par conséquent encore, de vrais sacrements. » Il cite à l’appui saint Thomas, mais qui parle des sacrements des juifs, et avant l’ère chrétienne, que l’on peut appeler i de vrais sacrements » encore qu’inférieurs aux nôtres. Le saint docteur ajoute bien un article sur les sacrements et sacrifices qui, avant le paganisme ou en dehors de lui, ont’précédé la loi mosaïque, Sum. theol., I » Il^e, q. ciii, a. 1 ; mais il parle ou bien de l’origine du monde, ou bien d’Abraham et de sa race choisie. La raison philosophique et la raison catholique, 3’édit., 1855, Append. I aux conférences xvii et xviii, § 3 ; t. iii, p. 237, 238. Remarquons toutefois que Ventura, dans ce qui précède, reconnaît avec tous les théologiens et saint Thomas, ibid., a. 3, que « les anciens sacrements différaient des sacrements chrétiens en tant que ceux-ci produisent la grâce par eux-mêmes > ibid., § 2, p. 227. D’ailleurs c’est sous réserve, et i en soumettant cette opinion au jugement de l’Église » qu’il hasarde sa théorie d’ « un effet rétroactif des sacrements chrétiens, en ce sens qu’ils « produisaient déjà la grâce par les anciens sacrements qui en étaient la figure, » p. 233. A l’en croire « les pieux et fidèles juifs, en mangeant l’agneau pascal… avec le cœur pur, la foi vive.., partageaient d’avance’les effets de notre communion eucharistique, » p. 234 ; « sous la même réserve, on peut dire que ces mêmes sacrements du Christ étaient connus par les gentils, et produisaient les mêmes effets que chez les Hébreux… Tous les