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si la fopexp/K17e"du Christ u-est|'pas’de"nécessilé"de moyen. Le cardinal de Lugo, apr^s avoir parlé des hérétiques excusés de leurs erreurs parce qu’ils sont de bonne foi, et qui croient les dogmes essentiels avec une foi surnaturelle, d’où ils peuvent arriver à l’acte de contrition parfaite qui les justiŒra, ajoute : Il faut en dire autant des juifs dont l’erreur sur la religion cliretienne serait invincible. Ils peuvent avoir sur Dieu et sur d’autres arlicles une foi surnaturelle fondée sur les saints Livres qu’ils admettent, et de cette foi passer à la contrition qui les justifierait et les sauverait, si la foi explicite au Christ n’est pas de nécessité d.' moy.Mi. » De fide, disp. XII, n. 50, édit. Vives, t. T, p. 508. Les motifs de crédibilité ne leur manquent pas non plus, à savoir, les grands miracles rapportés par la Bible elle-même.

4. Mahométans.

Lugo continue ainsi : « Quant aux Turcs et aux autres mahométans, s’il en est aussi parmi eux dont l’erreur sur le Christ, et sa divinité, soit invincible, rien ne s’oppose à ce qu’ils puissent croire d’une vraie foi surnaturelle le Dieu unique, rémunérateur dans l’autre vie comme il l’a promis (c’est ce qu’il entend par rémunérateur « surnaturel » ) : car ils ne croient pas à ce Dieu par la seule raison partant du monde créé, mais par manière de dogme qu’ils tiennent de la tradition, tradition procédant de la véritable Église et arrivée jusqu'à eux, bien que des erreurs y aient été ajoutées dans leur secte. Ainsi, comme ils ont sur ce vrai dogme des motifs de crédibilité suffisants selon leur portée, on ne volt pas pourquoi, si par ailleurs ils ne pèchent pas contre la foi, ils ne pourraient exercer sur ce dogme une vrai foi surnaturelle, et de là passer à un acte de contrition parfaite. » Ibid., n. 51. — On se rappellera que le Coran, nonobstant ses erreurs, cite explicitement de vraies révélations faites par Moïse et autres envoyés divins, même par Jésus, que Mahomet révère comme un grand prophète sans l’admettre comme Dieu. Le Coran, à ceux d’entre eux qui le lisent ou l’entendent lire, peut donc servir à transmettre en partie la vérité religieuse. Une ancienne chronique, où des témoignages précieux sont mêlés de légendes, ne sert-elle pas à l’histoire dont la science discerne ce qui a du prix et ce qui est sans valeur ? Si les hommes dont nous parlons ne peuvent pas faire ce triage, la grâce le fait pour eux. Toujours Ils s’efforcent de croire à un livre qu’ils vénèrent comme sacré : mais quand ils tâchent de croire les légendes et les fausses révélations, leur acte bien qu’honnête, reste purement naturel ; quand, au contraire, il porte sur de vraies révélations de Dieu, il peut, par la grâce qui intervient alors, être le véritable acte surnaturel de foi. Voir Foi, t. vi, col. 2.'51-234.

3° Vestiges de la révélation primitive conservés dans le paganisme. — Voici en quoi consiste cette dernière suppléance de la prédication catholique. De même que les dogmes absolument nécessaires à croire pour le salut sont transmis, avec plus ou moins de probabilité ou de certitude, dans les sectes qui, pour opposées qu’elles soient à la véritable Église du Christ, ont gardé de la sainte Écriture au moins ces dogmes-là, de même, en remontant à une source de révélation encore plus ancienne que la Bible, ou pourrait trouver chez les païens eux-mêmes d’anciennes traditions et d’anciermes révélations, remontant à l’origine du genre humain, et soutenir qu’en utilisant cette révélation primitive les païens ont pu, et peuvent encore du moins en certains peuples, faire l’acte de foi requis pour la justification et le salut. Les grands docteurs du moyen âge ont déjà admis ce moyen de foi et de salut, sans le développer. Sur saint Bonaventure, par exemple, voir Église, t. iv, col. 21.73. L’apologétique a fait grand usage de cette espèce de suppléance au

XIXe siècle.* Nous entendrons d’abord les apologistei traditionalistes, parce qu’ils ont été alrrs les premiers à y faire appel ; ensuite, les apologistes non traditionalistes.

1. Apologistes traditionalistes.

a) Lamennais, dans son Essai sur l’indifférence (1823), affirme en style magnifique, plutôt qu’il ne prouve, l’existence dans tous les siècles et tous les peuples, grâce à la tradition du genre humain, de la foi à un certain nombre de dogmes venus de la révélation primitive. Il énumère en divers endroits : un Dieu unique et éternel, l’existence d’une loi divine, de l’immortalité de l'âme, l'éternité des peines et des récompenses, l’existance des anges, bons et mauvais, la chute et la corruption de la nature humaine, ' la nécessité d’une expiation et l’attente d’un Médiateur. « Qu’elle est belle cette tradition qui commence avec le monde et qui, malgré d’innombrables erreurs, se perpétue sans interruption chez tous les peuples I Qu’elle est imposante cette parole que Dieu a prononcée à l’origine des siècles, et que tous les siècles redisent avec un saint respect 1° Pour les références, voir Capéran, Problème.., p. 445. Une seule religion existait dèi lors sur la terre, « l’idolâtrie n'étant que la transgression du premier précepte de cette religion divine. De là une solution facile du problème des infidèles. L’homme a toujours trouvé autour de lui ce qui lui était nécessaire pour vivre de la vie de l'âme, afin que, s’il lui arrivait de s'égarer loin de la voie qui conduit au séjour des biens éternels, il ne pût accuser que lui-même et sa volonté pervertie… Ce qui est indispensable pour le salut » s’est toujours trouvé à la portée de tous. « Que les impies ne demandent donc plus comment tels ou tels hommes, avant JésusChrist, ont pu connaître certains dogmes ; car, s’ils n’ont pas pu les connaître, ils n'étaient pas nécessaires à leur salut, et ils les ont crus, suffisamment (implicitement) en croyant les vérités qu’ils connaissaient. « De même aujourd’hui pour « les nations, s’il en existait, à qui le christianisme complet n’aurait pas encore été annoncé. » Voir ibid, p. 446. — Critique. — Rapprochons de cette théorie la partie plus connue du sys.ème de Lamennais, le sentiment commun du genre humain pris comme critérium suprême et unique de la vérité. Nous verrons alors que la foi aux dogmes, dont il est question, n’est pas la vraie foi divine, celle qui a pour unique motif la foi au témoignage de Dieu, à l’autorité de sa révélation. Car la « foi dont parle Lamennais a pour motif le sentiment commun des hommes, ou « raison générale » qu’il oppose à la raison individuelle qui, d’après lui, est sans valeur. Ainsi le consentement du genre humain envahit, ou même détrône, le motif essentiel de la foi divine. Et la conséquence pratique est considérable : pourvu que l’on affirme un des dogmes énumérés, que ce soit par le motif du consentement des hommes, ou de la lumière de sa propre raison, et même en niant le fait de la révélation divine, Lamennais ne s’inquiète pas du motif pour lequel on a adhéré à ces vérités, t A l’entendre, dit Vacant, qu’on fût philosophe ou croyant, on les admettait sur la même autorité du témoignage du genre humain, qui se confondait avec l’autorité de Dieu. » Études théologiques, t. ii, n. 680, p. 137. La théorie de Lamennais a donc « trois graves défauts. » Elle confond les données de la raison générale avec celles de la révélation, comme nous venons de le voir. Elle présente toutes les religions comme infaillibles à conserver traditionnellement la révélation primitive, en de nombreux dogmes (énumérés ci-dessus) : c’est donc essentiellement la même infaillibilité que celle dont les catholiques font une prérogative de la seule véritable Église. Elle regarde en conséquence toutes les religions comme bonnes, et ne voit entre elles